Cyril Douillet, rédacteur-en-chef de la revue Ombres et lumière, s'inquiète de la parution d'un ouvrage au titre racoleur (Médecin catholique, pourquoi je pratique l'euthanasie), qui a donné lieu à quelques recensions bienveillantes dans la presse dite chrétienne. Son article, paru dans les Cahier libres, s'achève ainsi :
"Si l’on doit éviter de juger la personne, un jugement sévère s’impose sur cet ouvrage qui sonne comme un plaidoyer, une justification. Parce qu’il laisse entendre que l’euthanasie est compatible avec la médecine ( !), avec les soins palliatifs (!!), et avec la foi chrétienne (!!!), ce livre peut faire beaucoup de mal parmi le public chrétien, auquel, de toute évidence, il est destiné. Il risque de semer le doute, de créer la division, d’abaisser la vigilance, voire de faire basculer des hommes de bonne volonté qui se laisseront séduire par la « sincérité » de l’auteur, l’oscillation permanente entre la transgression et la bienveillance, les exemples parfois poignants, les réflexions pertinentes, les références spirituelles.
En même temps, parce qu’il est un témoignage parvenu d’un pays où l’interdit a sauté [ndlt : la Belgique], il offre une édifiante démonstration des conséquences morales de la légalisation de l’euthanasie dans une société, y compris dans ses sphères les plus immunisées en apparence contre ce poison. De toute évidence, l’euthanasie légale pervertit la dynamique d’accompagnement de la fin de vie ; elle encourage la toute-puissance médicale ; elle pousse les professionnels et les familles à des compromissions terribles ; elle accoutume insidieusement à la barbarie. Tout cela a de quoi, en France, nous mobiliser avec la plus grande énergie contre toute évolution comparable de la loi, et pour d’authentiques soins palliatifs. C’est peut-être le seul mérite de ce livre."
Plutôt que la lecture de cet ouvrage, on recommandera plutôt la (re)lecture de la lettre encyclique de Saint Jean-Paul II, Evangelium Vitae (§ 65 et suivants). Notamment (§ 66) :
"Partager l'intention suicidaire d'une autre personne et l'aider à la réaliser, par ce qu'on appelle le « suicide assisté », signifie que l'on se fait collaborateur, et parfois soi-même acteur, d'une injustice qui ne peut jamais être justifiée, même si cela répond à une demande. « Il n'est jamais licite — écrit saint Augustin avec une surprenante actualité — de tuer un autre, même s'il le voulait, et plus encore s'il le demandait parce que, suspendu entre la vie et la mort, il supplie d'être aidé à libérer son âme qui lutte contre les liens du corps et désire s'en détacher; même si le malade n'était plus en état de vivre cela n'est pas licite ». Alors même que le motif n'est pas le refus égoïste de porter la charge de l'existence de celui qui souffre, on doit dire de l'euthanasie qu'elle est une fausse pitié, et plus encore une inquiétante « perversion » de la pitié: en effet, la vraie « compassion » rend solidaire de la souffrance d'autrui, mais elle ne supprime pas celui dont on ne peut supporter la souffrance. Le geste de l'euthanasie paraît d'autant plus une perversion qu'il est accompli par ceux qui — comme la famille — devraient assister leur proche avec patience et avec amour, ou par ceux qui, en raison de leur profession, comme les médecins, devraient précisément soigner le malade même dans les conditions de fin de vie les plus pénibles."