Dans Le Monde (et oui !) :
"Quelles sont donc les motivations de ceux qui demandent aujourd’hui la légalisation de l’euthanasie ? Peut-on admettre que la société assigne aux médecins la tâche de tuer un patient et que soit prévue, par la loi, l’administration de la mort ?
La première question porte sur la place des médecins. Non seulement l’acte de tuer est incompatible avec le devoir de ne pas nuire, mais en plus le fait de l’associer aux soins saperait la confiance des familles envers les soignants. Cette confiance, qui se nourrit de la résolution des praticiens à ne jamais abandonner leur malade, est importante dans le cas d’une décision d’arrêt des traitements.
Deuxièmement, comment peut-on concilier les efforts qui sont faits, en France, pour intégrer ceux que la maladie, l’âge ou la différence excluent de la vie sociale et une revendication qui revient à considérer que la solution à la souffrance est la mort ? Cette solution consiste à se débarrasser du problème en se débarrassant du malade.
Le troisième argument concerne la dimension symbolique de cette ouverture d’un droit au suicide assisté et à l’euthanasie. Leur légalisation impliquerait la reconnaissance par la société que le suicide est une réponse légitime et naturelle à la souffrance. Cette banalisation du suicide va à l’encontre du courage et des valeurs de solidarité que nous transmettons à l’école et au sein des familles.
Le quatrième point renvoie à un conflit d’interprétation : l’autonomie équivaut-elle au droit de faire tout ce que nous voulons à n’importe quel prix, c’est-à-dire en obligeant les médecins et la société à reconnaître un acte contraire à leurs valeurs ? On peut reprendre l’argument de Hume et dire qu’un homme n’est pas obligé, en continuant à vivre, de se faire du mal pour le bien de la société, mais cette reconnaissance du suicide comme acte individuel n’implique pas que la société en général et les médecins en particulier doivent se faire du mal pour le bien d’un individu. Une telle interprétation n’est pas fidèle aux droits de l’homme."