Tandis que le pape François a confirmé sa volonté de poursuivre le dialogue avec le Parti communiste chinois, au sujet de la nomination des évêques chinois, estimant que la normalisation des relations avec la Chine était en « bonne voie », la « sinisation » (zhongguohua) de l’Eglise catholique en Chine, c’est-à-dire sa mise en conformité avec la politique du Parti communiste, suit une réglementation de plus en plus impérieuse.
Outre le cas de Mgr Cui Tai, évêque coadjuteur de Xuanshua, dans la province du Hebei, dont on est sans nouvelle depuis son enlèvement à la mi-avril, les provinces du Henan et du Hebei connaissent de nouvelles persécutions contre l’Eglise. Les règles promulguées le 1er février touchent particulièrement la province centrale du Henan qui compte plus de catholiques que toute autre province chinoise. Interdiction est faite aux mineurs de se rendre à l’église, d’aller au catéchisme et aux cours du dimanche, de sorte que les parents ne vont plus avec leurs enfants à la messe. Les croix sont retirées des édifices non officiels ou déclarés tels, des lieux de culte sont fermés, des églises sont détruites.
Désormais chaque paroisse doit déclarer aux autorités municipales le nombre et la situation des fidèles. Un prêtre du Henan confiait « suspecter un objectif inavoué d’interdire aux personnes à bas revenus l’accès aux subventions publiques », et refusait d’y coopérer. Alors que le gouvernement affirme que l’ordre est destiné à améliorer la façon dont les églises et autres sites sont gérés, le prêtre estime qu’il s’agit plutôt d’un prétexte pour limiter et réprimer l’activité religieuse dans la province.
La Conférence épiscopale de l’Eglise catholique [officielle] en Chine et l’Association patriotique catholique chinoise ont adopté le plan quinquennal (2018-2022) de la “sinisation” de l’Eglise catholique, lors d’une réunion commune le 17 mai. Puis un document de 15 pages, qui est la mise en œuvre du plan, a été envoyé en juin à tous les diocèses catholiques de Chine. Les diocèses catholiques en Chine sont tenus de montrer comment ils réduiront les influences étrangères et adopteront une identité idéologique et théologique plus chinoise, en établissant leurs propres plans quinquennaux qu’ils doivent renvoyer à la Conférence épiscopale et à l’Association patriotique, avant la fin du mois d’août. Il est demandé que l’architecture de l’église, la peinture et la musique sacrée soient plus en harmonie avec la culture et les traditions chinoises, que la promotion de la “sinisation” se fasse par le biais de séminaires – déjà organisés dans plusieurs diocèses.
Le nombre de catholiques en Chine est estimé entre 9 et 12 millions, la part de l’Eglise “officielle” étant comprise entre 50 et 70% des catholiques. Selon les chiffres du Pew Research Center, la Chine comptait en 2010, 67 millions de chrétiens déclarés dont 9 millions de catholiques et près de 58 millions de protestants, avec une progression d’environ 10% par an (Rapport sur les chrétiens dans le monde, publié en 2011). Un chiffre total qui – en tenant compte des chrétiens non déclarés et de la progression annuelle – dépasserait le nombre des membres du Parti communiste qui était fin 2016 de 89,5 millions, selon le China Daily du 30 juin 2017.
Steven W. Mosher, sociologue américain et spécialiste de la démographie chinoise, publiait le 31 mai, sur le site catholique One Peter Five, les réponses reçues de hauts prélats du Vatican rencontrés à Rome, non nommés dans l’article. Au cours de ses différents entretiens, il s’est attaché à souligner que la tolérance d’il y a dix ou quinze ans a été remplacée par une réelle hostilité à l’Eglise.
« Xi Jinping est le nouvel empereur rouge. Il a déjà plus de puissance que Mao Zedong : il n’est pas seulement le chef du Parti communiste, comme Mao l’était, mais est également le chef du gouvernement et de l’armée, que Mao n’était pas. Son culte de la personnalité est de plus en plus affirmé. Comme Mao, il veut que le peuple chinois l’adore, et non pas le Dieu de la Bible. C’est pourquoi Xi Jinping a resserré les contrôles sur les activités religieuses de toutes sortes. »
L’économiste Mathias von Gersdorff explique que le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat, avait retrouvé l’Ostpolitik des années 1960-70 qui consistait à s’entendre avec les dictatures communistes. L’Eglise catholique devait abandonner la critique du communisme ; en récompense, elle recevrait des libertés dans l’administration des sacrements.
Le 7 avril 2018, le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, archevêque émérite de Hong-Kong, a parlé en détail de la persécution des chrétiens en République populaire de Chine et des tentatives du Vatican de « s’entendre » avec les dirigeants communistes chinois.
« Le Secrétariat d’Etat du Vatican veut livrer l’Eglise souterraine légitime de Chine aux communistes, même si elle a été persécutée par eux pendant des décennies ». « Un tel accord avec les communistes serait une trahison et une honte ; un abandon de la liberté de l’Eglise aux dirigeants communistes. Ce que fait essentiellement Parolin, c’est de remettre les loyaux catholiques aux dirigeants communistes. Ainsi donc, c’est une reddition à une puissance du monde ».