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Tribune libre

Pour un Père Noël chrétien !

Pour un Père Noël chrétien !

De plus en plus souvent, on entend dire en Occident que Noël est aujourd’hui très largement déconnectée de son origine chrétienne, qu’il s’agit désormais d’une fête sécularisée et à dimension essentiellement commerciale. Il est vrai que le matérialisme triomphant et l’individualisme exacerbé qui encadrent la vie de nombre de nos contemporains ont fortement asséché Noël de son contenu spirituel, mais pour certains d’entre nous la Nativité de Jésus n’est pas seulement l’occasion d’un repas riche et copieux suivi d’un échange de cadeaux à la dernière mode : elle conserve encore son sens premier. Dans ces conditions, et en se plaçant résolument dans la perspective d’une ré-évangélisation de notre vieil Occident, comment redonner à cette fête sa stature religieuse ?

A coup sûr, maints chantiers sont à entreprendre, mais l’un des plus importants pourrait concerner un personnage de fiction devenu pour beaucoup l’incarnation emblématique de cette fête, le Père Noël lui-même. Dans la laïcisation effrénée de cette solennité, la figure profane du Père Noël s’avère en effet porter une lourde responsabilité : la place démesurée qu’a pris sa personne (au détriment de l’Enfant Jésus, de la Sainte Famille ou des Rois Mages) interpelle le chrétien. Si facilement exploitable par le mercantilisme ambiant, il semble à lui seul symboliser la perte de sens observée autour de Noël en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord au cours des dernières décennies. En ce début de troisième millénaire, il paraît vain de vouloir le combattre frontalement en se donnant pour but de l’effacer du paysage de l’Avent. Déjà dans les années 1950 en France, des catholiques s’étaient risqués à cet exercice; ils avaient lamentablement échoué. En revanche, ne pourrait-on tenter de rechristianiser le personnage et faire de celui qui est devenu une figure tutélaire de l’hyper-consumérisme un apôtre de l’évangélisation ?

Cela ne serait après tout qu’un juste retour des choses. C’est en effet en souhaitant développer la piété populaire au temps du christianisme conquérant que nos devanciers, au tournant des XVIIIeme et XIXeme siècles (et à partir de figures pré-existantes tels saint Nicolas ou le Bonhomme Janvier), ont façonné et popularisé le personnage du Père Noël. Au fil du temps, celui-ci leur a échappé et a été progressivement accaparé par les libéraux – libertaires qui y ont vu un moyen de stimuler l’activité économique tout en affaiblissant le message des Évangiles. Aux catholiques, protestants et même orthodoxes d’aider désormais ce sympathique vieillard à barbe blanche à retrouver sa place au sein de sa dimension première : le Noël chrétien. Pour ma part, et à titre de modeste exemple, j’ai osé, dans un conte de Noël paru l’an dernier, faire de ce personnage le quatrième roi mage*; à d’autres d’imaginer de nouvelles façons de le réintégrer à la tradition !

L’avantage de ce retour aux sources tient en ce qu’il permettra aux familles chrétiennes de continuer à fêter la Nativité tout en laissant une place au Père Noël, et donc sans se couper des non-chrétiens : il est en effet essentiel de demeurer immergés dans la société, au contact des agnostiques, athées et autres païens (et même des juifs -nos frères aînés dans la foi- et des musulmans) si l’on souhaite mener à bien la mission d’évangélisation qui est celle de tout baptisé. Cette situation nouvelle permettra en tout cas aux petits chrétiens de profiter pleinement des fêtes de fin d’année sans avoir à renier le Père Noël qui, dans leur imaginaire, sera désormais associé à Jésus; ils se trouveront même de plain-pied avec leurs petits camarades qui, ne partageant pas la même foi, n’ont d’yeux que pour le Bonhomme en rouge, et à qui ils pourront incidemment transmettre un message évangélique. Charge aux parents et aux catéchistes de clarifier le propos une fois l’enfant parvenu à l’âge de raison en lui faisant distinguer la vérité biblique de la pieuse légende…

Au-delà du cas particulier de Noël, la rechristianisation par la culture pourrait de nos jours se révéler d’un utile secours. Les Européens, aujourd’hui, vivent en effet dans des pays très fragmentés où coexistent des individus (souvent atomisés) et des communautés (parfois antagonistes). Dans de telles sociétés, les chrétiens évoluent au contact de concitoyens qui pour certains sont porteurs de valeurs qui viennent d’ailleurs, et pour d’autres sont issus de la tradition occidentale mais à qui ce trésor n’a jamais été transmis. En faisant découvrir à leurs contemporains les beautés de leur civilisation (la chrétienté) les croyants pourront plus aisément faire partager leur foi (le christianisme). Un grand pas sera alors accompli à la fois sur le chemin de l’évangélisation et sur celui de la réhomogénéisation culturelle de notre continent. En effet, sauf à croire possible la mise en place de sociétés multiculturelles apaisées fondées sur une base communautariste, il faut bien admettre que les risques d’implosion des nations européennes ne peuvent plus aujourd’hui être conjurés qu’en (re)créant dans chaque pays une identité commune. La civilisation judéo-chrétienne n’est-elle pas encore la mieux placée, et la plus désirable, pour fédérer les énergies ? De ce point de vue, le calendrier chrétien -qui scande l’année de ses nombreuses fêtes- est une bénédiction : chaque semaine ou presque existe une occasion en or de diffuser le message des Évangiles en s’appuyant sur des arts et traditions populaires d’une richesse infinie.

De Noël à Mardi-Gras via le Jour de l’An, l’Épiphanie, la Chandeleur et la Saint Valentin, ce ne sont que cinquante jours d’hiver, mais qui sont autant d’opportunités pour les chrétiens de diffuser leur culture et, par elle, d’attirer à leur foi. Contes et légendes tout comme musiques, chants et danses, art du costume aussi bien qu’artisanat d’art ou recettes de cuisine, tous ces us et coutumes -si porteurs de sens quand on sait les présenter dans leur double contexte cultu(r)el- ont certes fait l’objet d’un redoutable travail de sape au cours des dernières décennies, mais ils demeurent ancrés au plus profond de la conscience collective de bien des Occidentaux, et ne demandent souvent qu’à être réactivés. Si nous souhaitons les faire partager, sachons maintenir et développer ces innombrables marqueurs civilisationnels sans taire leur origine !

La tradition n’est jamais plus fidèle à sa raison d’être que lorsqu’elle est créatrice : loin d’un folklore figé et stérile, la tradition vivante, par son foisonnement aussi inventif que respectueux, éveillera la curiosité des hommes de notre temps, enrichira leur imaginaire et nourrira leur esprit. Une fois (ré)enracinés dans un même substrat civilisationnel, les Européens du XXIeme siècle, quelle que soit leur ascendance, se trouveront alors tout naturellement en situation d’apprécier les beautés et les valeurs de notre société. Certains, désormais en phase avec la catéchèse qui leur sera proposée, seront même en capacité d’y adhérer pleinement et librement. Si les non-chrétiens s’engagent dans ce combat civilisationnel en visant les seuls objectifs culturels ou métapolitiques (ce qui est déjà ambitieux), les chrétiens, eux, s’honoreront à poursuivre de manière concomitante un but spirituel.

Aux hommes de bonne volonté, dès maintenant, de multiplier les initiatives concrètes afin de revivifier sans complexe cette culture bimillénaire qui a émerveillé le monde. La concorde et la paix civile, pour ne pas parler du salut des âmes, se trouvent au bout du chemin.

* DELLE (Jean-Luc), « Noël, le quatrième roi mage… », L’Homme nouveau (Paris), n° 1822 du 28 décembre 2024, pp. 14-18.

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