Dans la livraison d’avril de la revue de l’Action familiale et scolaire, Rémi Fontaine évoque quelques souvenirs avec le Pr Jérôme Lejeune. Extrait :
[…] Dans les années 70, j’avais notamment milité avec sa fille Karin et plusieurs camarades contre la loi Giscard-Chirac-Veil, préparant quelques plans et collages dans la cave voutée de son domicile, rue Galande. Alors que Jérôme Lejeune dînait un soir avec sa chère épouse Birthe et quelques amis, je me souviens lui avoir remis un triste « trophée » que j’avais extirpé d’une exposition sur l’« IVG » installée au sein même de l’église Saint-Méry. Au milieu de panneaux arborant photos et citations diverses, il s’agissait d’un immense placard affichant cette phrase terrible du P. Verspieren, s.j. :
« En un embryon, je ne peux en fait ni reconnaître une personne humaine, ni nier son rapport à l’humanité du fait que moi aussi je suis issu de cela (…). Mais je ne me sens pas tenu de protéger tout embryon autant que je me sens appelé à prendre, selon la mesure de mes moyens, la défense de toute personne menacée surtout si elle est faible et fragile. Celle-ci, je me sens invité à la traiter comme mon semblable et même plus en “prochain”, en frère ou en sœur, par la ressemblance que je lis sur son visage. Je ne peux pas en dire autant de l’embryon. »
Avec sa courtoisie coutumière, le Professeur me remercia vivement de lui confier ce « vestige » de la grave capitulation de l’Eglise d’alors, dont il n’excluait pas de faire usage dans le combat qu’il menait alors aussi bien auprès des autorités scientifiques que des autorités religieuses. Mais je sentis l’immense tristesse qui l’envahissait devant la découverte d’un tel énoncé commis par un tel religieux.
Depuis, j’avais dû le croiser lors de diverses conférences ou sur la route qu’il avait entrepris de faire avec de jeunes étudiants catholiques pour accueillir le nouveau pape (Jean-Paul II) au Bourget. Je l’avais surtout interviewé plusieurs fois pour Présent, auquel il prêtait depuis sa fondation une attention bienveillante. Cela fut même pour ainsi dire l’occasion de mon premier « scoop », après sa mission extraordinaire comme envoyé spécial de Jean-Paul II auprès de Brejnev. Une « mission impossible », dont pratiquement aucun média n’avait parlé (à l’exception de L’Homme nouveau), alors qu’il s’agissait ni plus ni moins de convaincre l’Union soviétique (et quelques autres nations via des membres éminents de l’Académie pontificale des sciences) de renoncer à l’arme nucléaire (cf. Présent du 16 janvier 1982) !
Puis ce fut plusieurs entretiens sur sa science et son métier qu’il éclairait avec un talent incomparable, ou sur les élucubrations pseudo-scientifiques des médias et des politiques. Il me donnait habituellement rendez-vous à l’Hôpital des Enfants Malades, son lieu de travail qu’il rejoignait à bicyclette et où il accueillait le jeune journaliste avec chaleur. Je lui relisais généralement mon papier au téléphone : il m’en remerciait toujours avec chaleur et conviction, comme si c’était à lui d’être reconnaissant ! Comment ne pas avaliser a posteriori ce qu’il me déclarait prophétiquement au moment de la fondation du Comité d’éthique :
« Ce Comité est manifestement créé pour essayer de donner une bonne conscience officielle à des scientifiques qui font des choses dont ils pensent véritablement qu’elles offensent la morale. » (Présent du 14 décembre 1983) !
Le premier président dudit Comité (le Pr. Jean Bernard) confirmait au reste très vite sa sentence :
« Les sciences nouvelle suscitent des essais thérapeutiques moralement nécessaires et nécessairement immoraux. »
Classico
Comité présidé par Delfraissy. Qui s’en souvient ?