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Culture de mort : Avortement / France : Société

Procès de Bobigny sur l’avortement en 1972 : “Reconstitution mythique et dépassement des faits” ?

Procès de Bobigny sur l’avortement en 1972 : “Reconstitution mythique et dépassement des faits” ?

La presse a unanimement salué la mémoire de Marie-Claire Chevalier, décédée dimanche 23 janvier. Elle était devenue l’une des figures de la défense du droit à l’avortement après son procès au printemps 1972, défendue par Gisèle Halimi, qui a conduit à la promulgation de la mortifère loi Veil.

En 2006, Tugdual Derville avait apporté des précisions, plus proches de la vérité, sur ce procès militant :

En novembre 1972, une jeune fille de 16 ans, Marie-Claire, est relaxée à grand bruit. Elle avait avorté contre l’avis de son petit ami, mais avec la complicité de sa mère, à la suite de ce qu’elles présentaient comme un viol. On doit au procès de Bobigny la dépénalisation de l’avortement en France qui interviendra en 1975. L’avocate Gisèle Halimi avait su exploiter un fait divers tragique, pour obtenir ce qu’elle revendiquera ensuite comme un “procès politique” : “s’adresser, par-dessus la tête des magistrats, à l’opinion publique tout entière, au pays. Pour cela, organiser une démonstration de synthèse, dépasser les faits eux-mêmes, faire le procès d’une loi, d’un système, d’une politique.” Elle félicitera par la suite les journalistes d’avoir “parfaitement joué le jeu”.

En matière de “dépassement des faits”, il en est un que l’avocate a osé, avec les médias dans son sillage, clamant à l’unisson que la jeune fille avait été violée. Le viol, argument ultime pour rallier les indécis à la cause de l’avortement, est aussi présent, dans la célèbre affaire Roe contre Wade, qui a provoqué sa légalisation en 1973 aux Etats-Unis. En assénant la thèse du viol, on entend paralyser toute objection.

Intervenant le 8 mars 2004 lors d’un colloque au Sénat – une fois l’IVG solidement implantée en France – celle qui était devenue l’icône révérée du féminisme est revenue sur les faits du procès de Bobigny. Gisèle Halimi a révélé que “Marie-Claire avait été presque violée par un ami auquel elle ne voulait pas céder”.

Dans sa bouche, l’atténuation vaut presque aveu de tromperie. Inventer un viol, c’est prendre le risque de décrédibiliser les plaintes pour des agressions sexuelles bien réelles. Un comble pour l’avocate qui s’est courageusement battue pour qu’on ne néglige plus ces plaintes. C’est elle qui a obtenu, grâce à un autre procès historique, la criminalisation du viol, alors que l’acte relevait de la correctionnelle. Mais pour parvenir à ses fins, la “libération” des femmes, tous les moyens paraissent bons à celle qui s’est fixé comme mission de traquer le machisme sous toutes ses formes (…)

Dans l’histoire de Marie-Claire, le père du bébé avorté avait revendiqué en vain son droit à la paternité… Ce n’est sans doute pas un hasard si l’affaire choisie par l’avocate pour changer la donne est emblématique du conflit entre les sexes.

A son tour le téléfilm de Luciani met soigneusement en scène l’agression sexuelle qu’aurait prétendument subie Marie-Claire (rebaptisée Léa), donnant corps à la thèse des plaignantes. Car Sandrine Bonnaire dans le rôle de Michèle Chevalier, renommée Martine (la mère de Marie-Claire) et Anouk Grinberg dans celui de Gisèle Halimi se prêtent au jeu d’une sorte de “docu-fiction”, un genre dont on sait qu’il rend le téléspectateur incapable de démêler le vrai du faux. Il croit assister à un fidèle morceau d’histoire mais c’est lui qui est abusé. Et bien des Français ont avalé, comme en 1972, l’absurdité d’un scénario qui voit le “violeur” prendre le risque de dénoncer l’avortement auquel a recouru sa compagne ! Face à la propagande idéologique pour l’avortement qui n’hésite pas à travestir les faits, l’esprit critique semble s’évanouir. En avril 1971, le Nouvel Observateur avait déjà publié avec son “manifeste des 343 salopes” (titre provocateur choisi par ses auteurs) des mensonges aussi grossiers qu’efficaces comme celui de la première phrase du texte emblématique : “Un million de femmes se font avorter chaque année en France”. Aujourd’hui les mêmes militants continuent de gonfler les chiffres de l’avortement clandestin d’avant la loi. Ils ne les évaluent plus qu’à 300.000 en 1975 (ce chiffre devenant presque officiel) mais les calculs honnêtes tournent autour de 60.000.

Derrière la “reconstitution historique” du procès de Bobigny qui fait la part belle à la propagande, au point de considérer des allégations comme la vérité, se vérifie un axiome : derrière tout meurtre se cache le mensonge (…) Aujourd’hui, le doute n’est plus permis à propos des circonstances de la grossesse de la jeune fille : sa mère, Michèle Chevalier, auditionnée en novembre 1973 par l’Assemblée nationale dans le cadre d’un projet de dépénalisation de l’avortement pour quelques cas extrêmes, dont l’inceste et le viol, protestait déjà : “L’avortement de Marie-Claire, c’était un cas social et, si le projet de loi gouvernemental passait, tout serait à refaire en ce qui nous concerne. En effet, Marie-Claire n’entrerait pas dans les cas considérés et le même drame recommencerait… ” (…)

Par ailleurs, si Marie-Claire est relaxée en 1972, c’est parce qu’elle est considérée comme ayant souffert de “contraintes d’ordre moral, social, familial, auxquelles elle n’avait pu résister”. “C’était à la fois courageux, tout à fait nouveau sur le plan de la jurisprudence et suffisamment ambigu pour que tous les commentaires puissent aller leur train”, raconte aujourd’hui Gisèle Halimi (…)

Avec le procès de Bobigny et son téléfilm, il nous faut vérifier, non seulement que des évènements habilement dénaturés peuvent faire l’Histoire – le constat est presque banal – mais aussi, plus douloureusement peut-être, que cette histoire fantasmée finit par être prise pour la réalité. N’est-ce pas ainsi que naissent les mythes ? (…)”

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