Extrait de la dernière lettre de Paix Liturgique :
[…] Le 3 mai 2020, par courriel, un coup de poignard était donné à l’évêque, sous la forme d’une lettre publique de l’abbé Arnaud Adrien, ancien recteur du Séminaire de la Castille, tout le contraire d’un gauchiste mais auquel le traditionalisme donne de l’urticaire, adressée aux doyens, aux membres du conseil presbytéral, aux chanoines, à Mgr Aveline, métropolitain, à Mgr Beau, chargé des séminaires à la Conférence des Évêques, lettre autrement dit destinée à courir dans les évêchés de France et les dicastères de la Curie romaine. Elle porte une seule accusation : Mgr Rey est coupable de donner à son séminaire « une ligne de plus en plus traditionaliste » et ce sans concertation, notamment avec les vicaires généraux. La preuve : le renvoi de l’abbé Mallard, professeur très « ouvert » de théologie fondamentale, par l’abbé Dubrulle, des Missionnaires de la Miséricorde, nommé préfet des études à La Castille.
Les événements vont dès lors se précipiter, qui plus est dans l’ambiance Comité de Salut Public de la préparation puis de la parution de Traditionis custodes destiné à anéantir les partisans de la liturgie traditionnelle. Mgr Rey eût à s’expliquer devant une sorte de tribunal présidé par le cardinal Stella, Préfet alors tout puissant de la Congrégation pour le Clergé, et devant les principaux membres de sa Congrégation, notamment Mgr Mercier, Secrétaire de la Congrégation, et le très redoutable Louis Menvielle, membre de l’Institut Notre Dame de Vie. Il s’ensuivit, toujours en 2020, une « visite amicale » du futur cardinal Aveline, archevêque de Marseille, métropolitain de Fréjus-Toulon, diligentée par la Congrégation pour les Évêques, du cardinal Ouellet, Jean-Marc Aveline, vieil ami de Mgr Rey, essaya de jouer les médiateurs, inspirant une « charte » qui permettrait de mieux discerner les vocations qui se présentent.
Mais Rome, qui avait décidé la mort, s’étonnait de la résistance de l’évêque, qui ne démissionnait pas comme ses pairs d’Albenga, San Luis, parlait de « dialogue » avec la CEF et Rome, et lâchait quelques sacs de sable pour faire remonter son dirigeable.
C’est alors que tomba cette nouvelle stupéfiante : le cardinal Ouellet interdisait les ordinations auxquelles devait procéder Mgr Rey en juin 2022. Comme pour l’offensive de Traditionis custodes, le monde catholique conservateur s’émut : « La décision inédite, prise par Rome, de “suspendre” des ordinations sacerdotales qui devaient être célébrées le 26 juin par Mgr Rey, sème le trouble dans l’Église catholique », écrivait Jean-Marie Guénois dans le Figaro du 3 juin 2022. « De mémoire de théologiens et d’évêques, on n’a jamais vu dans l’Église catholique, une telle sanction. Car il faut bien appeler la suspension – ordonnée par Rome – des ordinations sacerdotales prévues le 26 juin dans le diocèse de Fréjus-Toulon, sanction. C’est-à-dire, un moyen brutal d’imposer à l’évêque local, Mgr Dominique Rey, 69 ans, en charge de ce lieu depuis vingt-deux ans, un message romain. » Les journaux conformes comme La Vie, manifestement mis au parfum par les bureaux de Ouellet, énuméraient pendant ce temps les « dysfonctionnements ». Le principal étant « la restructuration du séminaire et la politique d’accueil dans le diocèse ». Trop de place pour les tradis.
Et le 13 février 2023, débuta une visite canonique, une vraie cette fois, faite pour tuer, sous la conduite de la Congrégation pour les Évêques, avec deux visiteurs, les plus hostiles qui soient à l’évêque du lieu, Mgr Antoine Hérouard, ancien secrétaire général de la CEF, ancien recteur du séminaire français de Rome, ancien délégué apostolique pour le sanctuaire de Lourdes (dont il convenait d’écarter le « clérical » Mgr Brouwet), depuis peu archevêque de Dijon, et Mgr Joël Mercier, ancien Secrétaire du Dicastère pour le Clergé, connaissant admirablement bien le dossier Rey. Personne ne doutait du fait que le rapport qui conclurait permettrait au minimum de faire de Mgr Rey un évêque-potiche, sans pouvoir. Puisque décidément il ne voulait pas démissionner.
Un « scandale ecclésial »
« Le mot “scandale ecclésial” est fort, tonnait Jean-Marie Guénois dans l’article précité, mais il est justifié. Comment le Vatican et ceux qui ont avalisé cette décision qui vise a priori les options ecclésiales de l’évêque de Fréjus-Toulon peuvent-ils ainsi prendre en otages dix jeunes séminaristes [4 futurs prêtres, 6 futurs diacres] qui ne sont pas responsables du problème ? Il y a sans doute trop d’ordinations sacerdotales en France… » Et il poursuivait crescendo :
« S’il y a, parmi les dix ordonnés, des cas litigieux, l’Église a tous les moyens de retirer l’agrément aux ordinants en question. S’il y a un problème de management de l’évêque, cette question peut être repérée et traitée comme telle. Mais le genre punition collective sur mode autoritaire ne passe pas dans la communauté catholique française. Y compris à sa gauche qui ne porte pourtant pas Mgr Rey dans son cœur et qui se dit surprise par la «violence» du procédé. Il ne faudrait pas que l’autoritarisme déploré par beaucoup au Vatican en cette fin de pontificat de François installe une sorte de terreur cléricale dans l’Église catholique au moment où l’on ne parle plus que de synodalité ! »
Il faut dire que la pensée catholique « de gauche » est devenue complètement déphasée par rapport aux attentes de ce qui reste de peuple chrétien en France. Un questionnaire intitulé Synode sur la synodalité révélait que 92,9% des questionnés attendent prioritairement d’un prêtre qu’il dispense les sacrements, 87,6% sont favorables au célibat sacerdotal, 70% reprochent à l’Église de « ne pas assumer ses opinions et de taire la Vérité par peur de choquer », 74% attendent qu’elle promeuve « un modèle bioéthique assurant le respect intégral de la personne humaine, de sa conception à la mort naturelle », 70% qu’elle « défende la famille dans sa forme traditionnelle ». » Bref, les catholiques qui pratiquent encore considèrent que la pensée ecclésiastique dominante a tout faux. Ce qu’avait compris Dominique Rey. Dans Les espaces du catholicisme français contemporain (Presses Universitaires de Rennes, 2021) Vincent Herbinet consacrait un chapitre entier à l’analyse du cas Fréjus-Toulon et à son évêque différent. Il parlait de « quatrième voie », ni progressiste, ni intégriste, ni même « troisième voie » du type de celle du cardinal Lustiger dans les années 80-90. V. Herbinet, qui faisait « l’hypothèse qu’un militantisme catholique plus visible se profilerait dorénavant avec la problématique familiale, éthique et doctrinale », accordait à juste titre une importance décisive à l’articulation entre classiques et traditionalistes, et en faisait le point central de la tentative Rey.
C’était le point le plus subversif de l’ordre ecclésiastique établi et donc le principal chef d’accusation contre l’évêque de Fréjus-Toulon : en syntonie avec la réalité actuelle de ce qui reste de catholicisme français, Dominique Rey contribuait à effacer les frontières entre catholiques conservateurs et catholiques traditionnels. Pour Vincent Herbinet comme pour Jean-Marie Guénois, l’expérience Rey à Fréjus-Toulon, malgré ses faiblesses, était ainsi un laboratoire pour le futur.
Un évêque qui misait sur le futur de l’Église ? Les hommes du passé, à Rome et dans l’épiscopat français, ont voulu le lui faire payer.
Donc une dernière remarque: Quel pourrait-être le héros impeccable qui pourrait succéder à Dominique Rey ?
Les fidèles qui voient ce qu’ont été les nominations épiscopales depuis plusieurs décennies d’interrogent… et s’inquiètent !
Gaudete
heureusement que les évêques et surtout les pontes de Rome parlent de CHARITE, sinon qu’est-ce que ça serait?
Giacomo
…Et de dialogue: Le sempiternel bla bla bla à la guimauve censé résoudre les crises les plus graves….
Faliocha
Premièrement il y a déjà trop de prêtres en France, deuxièmement trop de catholiques. Supprimer Mgr Rey et tout son diocèse permettrait de se rapprocher de l’idéal de François : une France totalement déchristianisée qui ne risquerait plus de faire (horresco referens) du prosélytisme. On devrait faire simple : une brave bombe atomique qui supprimerait tous les départements gérés par ces passéistes nostalgiques d’un temps révolu. Voilà.
Trophyme
Quel dommage de lire tant d’exagérations dont certaines confinent à une stupidité telle que je suis surpris que le SB n’ait pas ajouté une note pour éviter toute ambiguïté (pouvant laisser croire qu’il reprenait ledit article à son compte). Exemple : “une visite canonique, une vraie cette fois, faite pour tuer”. Une visite canonique serait donc vraie si elle est faite pour tuer ? Lire une telle stupidité sur une discipline ecclésiale originelle puisque c’était la mission de saint Paul auprès des premières communautés chrétiennes (il suffit de lire ses lettres)… Je ne sais ce qui est le pire ici : l’indécence ou l’impiété. On en oublierait presque la présentation unilatérale qui ruine tout intérêt… Son auteur eut été bien inspiré d’imiter le bon article de J-M Guénois qu’il cite, article courageux et équilibré. Décidément Mgr de Talleyrand avait vu juste : tout ce qui est excessif est insignifiant.
Virtus
Je ne suis pas absolument certain que Talleyrand soit une référence en ce qui concerne la vie de l’Eglise. Pour la diplomatie, la politique et la survie aux changements de régime, c’est certain, mais pour ce qui est de la Foi, de la morale et de la piété, j’ai un doute.
remycoll
Prendre en otage, 10 séminaristes qui ne sont en rien responsables de cette situation, n’est-il pas “excessif” ?
C’est d’une lâcheté terrible, et d’un tel manque de charité!
Honte à ces prélats!
Giacomo
“4 futurs prêtres, 6 futurs diacres”… Mon Dieu quelle bonheur, si l’un d’entre eux venait à faillir à sa vocation, ce serait la preuve irréfutable qu’attendent avec une impatience folle les contempteurs de Mgr Rey que celui-ci fait fausse route depuis longtemps !
Mieux valait éviter un tel scandale en bloquant in extremis leur ordination !
Une longue session de rééducation marxiste avec lavage de cerveau quotidien de ces jeunes gens devrait les remettre dans le droit chemin: Un bon séminariste, en 2023, c’est un séminariste à qui l’on répète tous les jours qu’il n’a pas la vocation, et qui finit par le croire.
Un diocèse de France qui compte plus de 5 ordinations par an, ça fait trop d’ombre à ceux qui n’en ont aucune depuis des lustres, quelque chose d’absolument insupportable, qui frise (gasp!) le surnaturel ! Proprement satanique !
colcombet
Un seul sentiment face à tout cela : écœurement, et le même écœurement que la très grande majorité des français éprouve vis à vis du monde politique.
Le carriérisme et la jalousie de ces évêques cités ici, qui s’illustrent dans leur acharnement contre Mgr Rey, me fait penser à ce qu’a vécu le Saint Padre Pio comme persécution par la hiérarchie ecclésiale. Il ne fut pas le seul saint à qui cela est arrivé . D’ailleurs ceux qui ont mis à mort le Christ ce sont les grands prêtres.
Ces évêques auraient été les premiers à condamner le Christ s’ils avaient été témoins de la façon dont Il a chassé les marchands du temple. Ce n’aurait pas été jugé politiquement correct !!!
J’ai eu l’occasion d’entendre prêcher plusieurs fois cet archevêque qui a joué les inquisiteurs: C’était toujours creux et il est manifestement bien peu inspiré en comparaison avec Mgr Rey .
J’aimerais savoir si Mgr Rey rencontre un soutien de la part de sa Communauté de L’Emmanuel ? Mais je m’interroge, aux vues d’une intervention d’il y a 3 mois à Paray où l’intervenant, jeune loup de cette communauté,qui court après la mitre depuis son entrée au séminaire, enfonce ce diocèse de façon pernicieuse, l’air de rien, en prenant comme exemple les chiffres de ce diocèse (hasard! … pourquoi n’-a-t-il pas pris celui de son diocèse) pour montrer la chute de la pratique religieuse en France ?
Encore une fois, je le répète sans cesse sur ce site: que les cathos qui aspirent à autre chose que d’avoir des évêques carriéristes qui détruisent un des meilleurs d’entre eux, ne leur envoient plus un centime au denier du culte.
Ces évêques qui attaquent l’immense Mgr Rey sont les dignes héritiers de leurs prédécesseurs des 50 dernières années qui à force de courir après la reconnaissance du monde ont vidé les églises de France. Un francmac ancien grand maître du grand Orient, accusé dans un débat d’avoir participé à la destruction de l’église en France, répondit très justement: ” L’Eglise de France mais, elle s’est autodétruite toute seule …! “
Virtus
Ca ne s’arrête pas à Mgr Rey. Je suis du diocèse de Mgr Georges Colomb. Il vient de se retirer pour préparer sa défense contre les habituelles accusations. Les mêmes que sous le IIIème Reich, mais qui s’en souvient ?
Aucun rapport, bien évidemment, avec son homélie de Pâques que j’avais beaucoup aimé. Il avait cité De Gaulle et rappelé que la France est Chrétienne (ou n’est pas).
Pour ce qui est des clercs “progressistes”, outre le fait qu’ils nous tirent à tous des balles dans le pied, ils se décribilisent avec leur comportement à la fois dictatorial et hypocrite.
On juge un arbre à ses fruits, et aujourd’hui on peut voir combien les leurs sont pourri ! En fin de compte, il sera donné à chaque homme selon ses oeuvres.
Giacomo
Je ne suis pas sûr que De Gaulle, hormis ses convictions religieuses personnelles, soit la référence en matière politique. N’oublions pas qu’il permit la résurgence du PCF, pourtant le premier à collaborer avec l’occupant, et à blanchir son chef déserteur en 1940, M.Thorez, alors que même Staline lui avait conseillé de le faire fusiller. Les 35% que pesa l’électorat communiste sous la IVe République, l’intelligentsia de gauche triomphante et omniprésente qui empoisonne la politicomédiasphère depuis la Guerre, nous le devons au Général.
Reine Tak
Je suis écoeurée par tant de bêtise. Nous manquons d’hommes de valeur alors mieux vaut écarter ceux qui le sont.
jr47
Pour bien connaitre un des diacres de Toulon qui aurait du être ordonné prêtre, je crois pourvoir dire que cette décision de Rome est très judicieuse !! Mgr Rey accueillait des séminaristes qui s’étaient fait virer d’autres diocèses ou communauté dans le monde (je vous vois venir : ce n’est pas à cause de leur coté “tradis”) et les ordonnait en 6 mois / 1 an.
Voilà, un petit commentaire pour essayer de palier le manque d’objectivité aberrant de ceux qui commentent cet article sans rien connaitre des dossiers et qui en profitent pour cracher sur l’Eglise, Rome et les évêques
Giacomo
J’ai déjà entendu cette théorie…
Vous avez raison, mieux vaut des diocèses en état de coma avancé qui n’ordonnent plus depuis des lustres et qui ferment les paroisses les unes après les autres, plutôt que ces jeunes gens immatures et manipulés (selon vous), ordonnés prêtres à la va-vite… A mon humble avis, s’ils se sont fait virer d’autres diocèse, c’est bon signe! Probablement n’étaient-ils pas assez portés par le vent suspect qui souffle depuis quelques années depuis Rome.
Saviez-vous que Saint Ambroise de Milan n’avait aucunement la vocation sacerdotale et a tout fait pour refuser le siège épiscopal où la foule voulait le placer? Il fut ordonné prêtre puis évêque en quelques semaines.