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Pays : International

Quelque chose de Soljénitsyne chez Viktor Orban

Quelque chose de Soljénitsyne chez Viktor Orban

Viktor Orban, Premier ministre de la Hongrie, tient chaque année et paraît-il depuis 30 ans un discours de philosophie politique à l’université d’été de Bálványos en Transylvanie (Roumanie)  – région anciennement hongroise, dont certaines parties sont toujours peuplées majoritairement de hongrois.

Chaque année, il y a développé différents thèmes, tels que le concept de démocratie illibérale, l’importance du V4 (groupe de Visegrád, groupe informel réunissant Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), la nécessité de défendre la civilisation chrétienne ou encore de combattre l’immigration massive et illégale ainsi que les réseaux Soros.

Le 29 juillet 2019, il a détaillé la période récente passée et les combats à venir. Ce faisant, il a repris beaucoup des thèmes qui avaient été développés par Alexandre Soljénitsyne lors de son fameux discours appelé Discours de Harvard (Le déclin du courage Les Belles Lettres. Préface de Claude Durand) en juin 1978.

Prix Nobel de littérature, expulsé d’Union Soviétique en 1974 au début de la parution des trois tomes de L’Archipel du Goulag, arrivé depuis deux ans aux USA, Alexandre Soljénitsyne n’était pas encore sorti de son silence. A l’invitation de l’Université de Harvard, il prononce en juin 1978 le discours solennel pour la fin des cours. Et à la surprise de ses auditeurs, il ne s’acharne pas sur le communisme mais détaille une dénonciation du système occidental.

Quatre convergences majeures se dégagent de l’analyse comparée des deux discours, à quarante ans de distance (1978-2019).

1° Une même remise en cause du libéralisme démocratique comme sens ultime de l’histoire 

A.Soljénitsyne comme V.Orban mettent à nu ce sentiment de supériorité, cette sorte d’arrogance ontologique, de l’Occident pour le premier, de l’Union européenne pour le second, amenant ces ensembles à considérer qu’ils apportent au monde et à l’humanité tout entière le salut, la paix et le bien-être.

Pour V.Orban,

« nous connaissons l’affirmation selon laquelle l’histoire a un sens, que la mission de l’homme est de le reconnaître et de faciliter l’évolution de l’histoire en direction de ce sens. C’était en gros la logique communiste, et aujourd’hui ce sont les libéraux progressistes qui tiennent un langage similaire… L’interprétation internationale peut être résumée de la manière suivante : le monde doit fonctionner sur la base des démocraties libérales, principalement en Europe, ces démocraties doivent bâtir et mettre en œuvre une sorte d’internationale libérale, dont un empire libéral doit sortir. L’Union européenne n’est rien d’autre que l’incarnation de cette idée…

Et dans le système libéral, la société et la nation ne sont rien d’autre qu’une masse d’individus en concurrence les uns avec les autres. Ce qui les rassemble, c’est la constitution et l’économie de marché. Il n’y a pas de nation ».

Et V.Orban de résumer le programme des libéraux européens :

« Aujourd’hui, nous pouvons résumer ce programme, de manière rapide et succincte, en affirmant que partout dans le monde, mais en particulier en Europe, il convient de transformer toutes les relations humaines et les rapports au sein de la société pour leur faire adopter la souplesse des relations d’affairesSelon l’acception libérale de la liberté, l’on ne peut être libre que si l’on se libère de tout ce qui vous rattache à quelque chose : des frontières, du passé, de la langue, de la religion et des traditions. Si l’on arrive à se libérer de tout cela, si l’on arrive à en sortir, alors l’on sera un homme libre ».

La description du même phénomène par A.Soljénitsyne utilise des termes de sens identique : d’une part,

« un aveuglement persistant, le sentiment d’une supériorité illusoire, entretient l’idée que tous les pays de grande étendue existant sur notre planète doivent suivre un développement qui les mènera jusqu’à l’état des systèmes occidentaux actuels, théoriquement les meilleurs, pratiquement les plus attrayants ; que tous les autres mondes sont seulement empêchés temporairement –par de méchants gouvernants ou par de graves désordres internes, ou par la barbarie et l’incompréhension- de s’élancer dans la voie de la démocratie occidentale à partis multiples et d’adopter le mode de vie occidental. Et chaque pays est jugé selon son degré d’avancement dans cette voie. » (pp 20/21).

Où l’on a l’impression qu’il a anticipé le jugement de la Commission européenne sur la Hongrie de V.Orban.

Et quand V.Orban parle de souplesse des relations d’affaires comme but ultime, A.Soljénitsyne utilise l’expression foire du Commerce  :

« Nous avions placé trop d’espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu’on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. A l’Est, c’est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l’Ouest, la foire du Commerce » (P 61).

Viktor Orban ajoute son opposition claire au libéralisme politique :

« Le premier ministre et le gouvernement devaient donc répondre à la question de savoir si la solution de ces problèmes hongrois était envisageable dans le cadre de la démocratie libérale ? A cette question, nous avons résolument répondu non. Ce n’était pas envisageable. Ce cadre-là ne permet pas de trouver les bonnes réponses à ces questions. Nous avons déclaré qu’il faut conserver le cadre de l’économie de marché libérale qui subsistait du changement de régime libéral, qu’il faut conserver les institutions démocratiques, juridiques et politiques, mais qu’il faut modifier radicalement le mode de structuration de la société et de la communauté. En d’autres termes : démocratie oui, libéralisme non ».

2° Mais que proposent alors de spécifique les deux hommes ? Vie intérieure pour A.Soljénitsyne, renforcement national pour V.Orban, et pour tous les deux, transcendance spirituelle et morale au-dessus du droit

Reprenons la dernière citation d’A.Soljénitsyne, élargie :

« Tant que nous nous éveillons chaque jour sous un soleil tranquille, nous sommes tenus de mener notre vie de chaque jour. Or, il est une catastrophe qui est déjà en très bonne voie : la catastrophe de la conscience humaine antireligieuse…. Nous avions placé trop d’espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu’on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure » (p. 61).

Et il conclut de façon directe :

« Si l’on me demande si je veux proposer à mon pays, à titre de modèle, l’Occident tel qu’il est aujourd’hui, je devrai répondre avec franchise : non, je ne puis recommander votre société… Le système occidental, dans son état actuel d’épuisement spirituel, ne présente aucun attrait…. Une âme humaine accablée par plusieurs dizaines d’années de violence aspire à quelque chose de plus haut, de plus chaud, de plus pur que ce peut aujourd’hui lui proposer l’existence de masse en Occident que viennent annoncer, telle une carte de visite, l’écoeurante pression de la publicité, l’abrutissement de la télévision et une musique insupportable » (p. 42 et 44).

La vue de V.Orban articule l’individu et la nation :

« Nous avons appris au cours des trente dernières années que ce n’est pas au temps qu’il faut donner un but, mais que c’est à notre propre vie qu’il faut donner un sens à l’intérieur du temps. Et ce n’est pas seulement vrai pour l’individu, mais aussi pour une génération. Il faut donner un sens à la vie de notre génération…  Si je regarde d’ici ce qui est derrière nous, et aussi ce qui est devant nous, je peux dire que notre génération a reçu en partage une opportunité historique : le renforcement de la nation hongroise.

Si nous faisons l’effort de nous rappeler ce qu’était notre tâche il y a trente ans, nous pouvons répondre quelque chose comme ceci : trouverons-nous – et la découvrirons-nous, si elle n’existe pas – la recette qui permettra d’assurer la conservation dans l’ère moderne de cette communauté millénaire qu’est la nation hongroise ?

L’Etat ne peut pas rester neutre face à la culture, il ne peut pas rester neutre face à la famille, et il ne peut pas rester neutre non plus face à la question de savoir quel type de population réside sur son propre territoire ».

Et tous les deux veulent remettre le droit à sa juste place.

A.Soljénitsyne est le plus incisif sur l’analyse de ce qui est souvent appelé à la fois par commodité et avec complaisance l’Etat de droit. Il y revient à plusieurs reprises dans son discours :

« En conformité avec ses objectifs, la société occidentale a choisi la forme d’existence qui était pour elle la plus commode et que je qualifierai de juridique. Les limites (fort larges) des droits et du bon droit de chaque homme sont définies par un système de lois. A force de s’y tenir, de s’y mouvoir et d’y louvoyer, les Occidentaux ont acquis une bonne dose de savoir-faire et d’endurance juridique. Tout conflit reçoit une solution juridique et c’est là la sanction suprême (p.27)… Moi qui ai passé toute ma vie sous le communisme, j’affirme qu’une société où il n’existe pas de balance juridique impartiale est une chose horrible. Mais une société qui ne possède en tout et pour tout qu’une balance juridique n’est pas, elle non plus, vraiment digne de l’homme. Une société qui s’est installée sur le terrain de la loi, sans vouloir aller plus haut, n’utilise que faiblement les facultés les plus élevées de l’homme. Le droit est trop froid et trop formel pour exercer sur la société une influence bénéfique. Lorsque toute vie est pénétrée de rapports juridiques, il se crée une atmosphère de médiocrité morale qui asphyxie les meilleurs élans de l’homme (p.29)… Ainsi la vie conçue sur le mode juridique se révèle-t-elle incapable de se défendre contre le mal, et se laisse ronger peu à peu (p.32)…. A partir d’un certain niveau de problèmes, la pensée juridique pétrifie : elle empêche de voir les dimensions et le sens des événements (p46)…

Durant ces dernières décennies, cet égoïsme juridique de la philosophie occidentale a été définitivement réalisé, et le monde se retrouve dans une cruelle crise spirituelle et dans une impasse politique (p.57).

Décrit par V.Orban, cela devient :

« Et de la même manière, nous avons replacé sur de nouvelles bases notre réflexion et notre culture en matière de relations entre individus. Pour simplifier tout en gardant l’essentiel, dans un système libéral la règle est que tout ce qui ne porte pas atteinte à la liberté d’autrui est permis. C’est la boussole de l’action individuelle. Au lieu de cela, ce qui se passe maintenant chez nous, ou ce que nous essayons maintenant de mettre en place, suit une autre boussole et déclare – en revenant à une vérité bien connue – que la bonne définition de la relation entre deux individus ne consiste pas à dire que tout le monde a le droit de tout faire qui ne porte pas atteinte à la liberté d’autrui, mais que tu ne dois pas faire à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse à toi-même. Et même plus : ce que tu voudrais que l’on te fasse, fais-le à autrui aussi. C’est une base différente ».

A propos de ce nouveau veau d’or qu’est l’état de droit, moment savoureux du discours de V.Orban, quand il parle de l’examen des plaintes et procédures diverses déposées contre certaines de ses actions par la Commission européenne. En effet, ces plaintes devraient être maintenant instruites par la Finlande car celle-ci exerce, du 1er juillet au 31 décembre 2019 la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (ce sera la Croatie lors du 1er semestre 2020). Et V.Orban de faire remarquer :

« Nous allons examiner avec nos amis Finlandais la situation de l’Etat de droit en Hongrie. La Finlande, Mesdames et Messieurs, est un Etat où il n’y a pas de Cour constitutionnelle. La protection de la constitution est assurée par une commission du Parlement spécialement constituée à cet effet. Imaginez un instant, dans l’Etat de droit hongrois, si nous disions tout d’un coup que nous supprimons la Cour constitutionnelle et que c’est la Commission de la Constitution du Parlement qui exerce le contrôle de constitutionnalité. Ou voici un autre exemple éloquent : en Finlande, l’Académie est placée sous le contrôle et la direction du ministère de l’Education. Imaginez un instant, si nous avions clos le débat sur l’Académie des Sciences hongroise en la plaçant sous le contrôle et la direction du ministre de l’Education. Ou imaginez encore cet Etat de droit en Finlande où les juges sont nommés par le président de la République sur proposition du ministre de la Justice ».

Peut-être le moment aussi de rappeler cet autre passage du discours d’A.Soljénitsyne :

« Si on prend la presse occidentale dans son ensemble (NDLR : par presse, A.S. entend l’ensemble des mass medias), on y observe des sympathies dirigées en gros du même côté (celui où souffle le vent du siècle), des jugements maintenus dans certaines limites acceptées par tous, et tout cela a pour résultat non pas la concurrence mais une certaine unification. La liberté sans frein, c’est pour la presse elle-même, ce n’est pas pour les lecteurs : une opinion ne sera présentée avec un peu de relief et de résonance que si elle n’est pas trop en contradiction avec les idées propres du journal et avec cette tendance générale de la presse » (p.37).

3° Deux combattants, une même reconnaissance de l’obligation du courage

Il n’est bien sûr pas nécessaire de rappeler l’âme de combattant et le courage démontrés par Alexandre Soljénitsyne dans sa lutte contre le totalitarisme communiste.

La surprise, en 1978, est venue de sa dénonciation de ce qui était pour lui le premier trait de l’Occident contemporain : le déclin du courage :

« Le déclin du courage est peut-être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occident d’aujourd’hui. Le courage civique a déserté non seulement le monde occidental dans son ensemble, mais même chacun des pays qui le composent, chacun de ses gouvernements, chacun de ses partis, ainsi que, bien entendu, l’Organisation des Nations unies ».

V.Orban présente son action politique comme un combat et appelle au courage :

« Je pourrais dire que nous avons vécu les neuf à dix dernières années avec la truelle dans une main et le sabre dans l’autre. Il a fallu construire tout en luttant en permanence, parce que – et cela aussi a marqué nos dix dernières années – nous avons dû faire face à la mise en question continuelle de l’acceptation internationale de notre système, et repousser les assauts menés dans le cadre de cette mise en question ». Et le cœur de l’enjeu est évidemment au-delà des enjeux libéraux  d’affaires ; il est culturel : « Pour conclure, nous avons encore à aborder la question de savoir si la culture chrétienne et la liberté chrétienne ont besoin d’être défendues ? Ma réponse est qu’aujourd’hui la liberté chrétienne fait face à deux attaques. La première, qui vient de l’intérieur, est celle des libéraux et vise à l’abandon de la culture chrétienne de l’Europe. Mais il y en a une seconde, qui vient de l’extérieur et qui se manifeste dans la migration, dont la conséquence – même si ce n’est pas son intention – est d’anéantir l’Europe telle que nous l’avons connue ».

Et il ajoute :

« Est-il possible que ce pays réussisse à rejeter la migration, à assurer la protection de la famille, à défendre sa culture chrétienne, à proclamer l’unification et l’édification de sa nation, et à créer les conditions de la liberté chrétienne ? Est-il possible qu’il arrive à maintenir tout ce programme face à un vent contraire international sans précédent, et le conduise au succès ?

Je ne pense pas, Mesdames et Messieurs, que nous rêvions. Oui, c’est possible ! Tout comme cela a été possible dans les dix dernières années. Mais ce ne sera possible que si nous nous consacrons avec toute notre énergie à ce que nous croyons et à ce que nous voulons. Ce ne sera possible que si nous avons du courage, un esprit chevaleresque – il en faut de nos jours –, et si nous nous serrons les coudes ».

4° Un même affrontement des mêmes adversaires : influenceurs et libéraux

Pour V.Orban, il s’agit d’abord d’influenceurs de l’ombre comme George Soros qu’il voit derrière certaines personnalités de l’Union européenne. A ce propos, il se félicite d’avoir tout récemment écarté une première menace :

« Elle aurait consisté en ce que des personnages inaptes et hostiles soient choisis à la tête des institutions européennes qui revêtent pour eux de l’importance. Je ne donnerai pas davantage de détails sur ce qui s’est effectivement passé, mais il est de fait que grâce à des manœuvres compliquées il a été possible d’écarter ce danger. Nous avons réussi à mettre un croc-en-jambe à tous les candidats de George Soros. Partout ».

Pour A.Soljénitsyne,

« la presse (NDLR : encore une fois, tous les mass medias) est le lieu privilégié où se manifestent cette hâte et cette superficialité qui sont la maladie mentale du XXème siècle. Aller au cœur des problèmes lui est contre-indiqué, cela n’est plus dans sa nature, elle ne retient que les formules à sensation. » (p 36).

Et comment la presse use-t-elle de la liberté ?

« en se gardant bien de transgresser les cadres juridiques mais sans aucune vraie responsabilité morale si elle dénature les faits et déforme les proportions. Le journaliste et son journal sont-ils vraiment responsables devant leurs lecteurs ou devant l’Histoire ? Quand il leur est arrivé, en donnant une information fausse ou des conclusions erronées, d’induire en erreur l’opinion publique ou même de faire faire un faux pas à l’Etat tout entier, les a-t-on jamais vus l’un ou l’autre battre publiquement leur coulpe ? Non, bien sûr, car cela aurait nui à la vente…  La presse a le pouvoir de contrefaire l’opinion publique, et aussi celui de la pervertir » (pp.34/35).

Enfin, V.Orban déplore ce qu’il appelle la haine des libéraux :

« il n’y a plus qu’une question à laquelle je dois répondre, qui est celle de savoir pourquoi nos adversaires, les partisans de la démocratie libérale, nous haïssent à ce point ?… La haine ne fait pas partie de l’ordre naturel. Et nous ressentons tous que lorsque l’on nous critique et nous attaque, ce n’est pas pour débattre avec nous, mais pour nous haïr. Nous connaissons tous le vieux conseil tactique communiste consistant à accuser son adversaire de ce que l’on fait soi-même, et c’est pourquoi les libéraux prétendent que nous les haïssons avec nos sentiments nationaux, mais la réalité est exactement l’inverse, parce que nous autres sommes capables, dans une approche chrétienne, de faire la différence entre l’homme et ses actes. Nous sommes capables de ne pas aimer, et même de haïr ses actes, mais nous ne détestons ni ne haïssons l’homme. Au lieu de cela, nos adversaires ne se limitent pas à s’opposer à ce que nous faisons, mais ils nous haïssent aussi nommément…

Pour revenir à la question de savoir pourquoi les libéraux nous haïssent, je dirai ceci : puisqu’ils estiment que l’humanité est en train de dépasser son époque nationaliste, ou plus précisément d’inspiration nationale et christiano-centrée, et qu’il convient donc de piloter l’humanité vers une ère post-nationaliste et post-chrétienne, ils considèrent que pour y parvenir un modèle est nécessaire, que l’humanité a besoin d’un modèle nouveau et universel, qu’ils ont trouvé dans la démocratie libérale. Maintenant, le problème est que toute théorie de ce genre qui promeut le salut universel par la politique ne peut être forte et efficace que si elle est exclusive. La volonté universelle ne peut supporter le moindre peuple inflexible, aussi minuscule soit-il. C’est pourquoi lorsque l’idéologie du salut universel et de la paix se heurte à une résistance, elle n’y répond pas par le débat, mais par la haine…  Et si la Hongrie, la Pologne, l’Autriche, l’Italie et la Tchéquie tiennent à leur propre manière de voir les choses, à leur attachement à la nation, c’est insupportable, c’est intolérable. Il ne faut pas seulement combattre ces gens, il faut les haïr, parce qu’ils font entrave au bien universel de l’humanité ».

La démocratie libérale conçue comme une eschatologie par les libéraux européens ne supporte pas d’alternative.

D’une certaine façon, A.Soljénitsyne avait préannoncé le combat qu’aurait à mener la Hongrie de V.Orban :

« Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante… Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin avec une ironie particulière quand ils sont pris d’un accès subit de vaillance et d’intransigeance –à l’égard de gouvernements sans force, de pays faibles que personne ne soutient ou de courants condamnés par tous et manifestement hors d’état de rendre un seul coup. Alors que leur langue sèche et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces menaçantes, face aux agresseurs et à l’Internationale de la terreur » (pp 23/24).

Il est peu besoin de rappeler les commentaires outranciers de nombreux partis politiques français et en particulier du parti macronien au sujet de V.Orban (un exemple seulement, un communiqué de LAREM en septembre 2018 :

« Face à ce projet politique {de V.Orban}  envers lequel la fascination grandit au sein de formations d’extrême-droite disséminées partout en Europe, l’Union européenne est confrontée à un choix simple : lutter ou se renier. Cette alternative nous engage tous, au-delà des appartenances partisanes. La République En Marche et l’ensemble des progressistes ne laisseront pas l’Europe à ceux qui veulent la détruire).

C’est le même genre d’outrance qui a ponctué la réception du discours d’A.Soljénitsyne. Le gros de la presse le fustige, et l’élite libérale américaine fulmine contre l’ingrat à qui elle a eu la bonté de donner asile –

« Alexandre Soljénitsyne découvre que l’ensemble de la presse, quand elle ne lui prête pas des propos qu’il n’a pas tenus, passe sous silence l’essentiel de ceux qu’il a prononcés. Sarcasmes et quolibets pleuvent : « Fanatique ! Mystique orthodoxe ! Héraut de la guerre froide ! Réactionnaire ! Doctrinaire féroce ! Nostalgique des tsars ! Gifle à la face de l’Europe ! S’il ne se plaît pas chez nous, qu’il fiche le camp ! Etc, etc… Richard Pipes, grand maître des études slaves, dénonce une critique « qui sent le pogrome »… » (Préface de Claude Durand).

L’affirmation du courage est peut-être au final ce qui relie le mieux A.Soljénitsyne à V.Orban. Et de toutes les vertus, la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres et qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres, de toutes les vertus, la plus important me paraît être le courage (Hélie Denoix de Saint Marc).

Et il faudra du courage pour continuer d’affronter les institutions européennes, cet empire maastrichien  récemment décrit par Michel Onfray, dans son dernier ouvrage Théorie de la dictature (mais quel ouvrage de Michel Onfray n’est pas « le dernier » ? …) et dont une critique souligne :

« Dès Jean Monnet, l’Union Européenne qui n’existait alors qu’en projet à peine esquissé avait déjà pour unique fonction de détruire la souveraineté des peuples européens et de les livrer pieds et poings liés à l’idéologie néolibérale incarnée par les Etats-Unis. Une telle ambition impérialiste et populicide ne peut pas ne pas faire songer à Océania, l’enfer dystopique de 1984. Un enfer en passe de se réaliser.  A cette heure, il existe un Etat maastrichien : il a son drapeau, sa devise, son hymne, sa Constitution, ses élus, son Parlement, ses instances dirigeantes, son droit, ses lois, son idéologie libérale-nihiliste. Il lui manque deux choses essentielles : son peuple, et, par voie de conséquences, sa légitimité démocratique. Pour passer outre, une seule solution : s’imposer par la force ».

La liberté est à ce prix : la liberté est un système de courage (Charles Péguy)

Et terminons par un petit rappel sur le résultat par nation des récentes élections européennes : la liste soutenue par V.Orban en Hongrie a recueilli 53% des suffrages exprimés. La liste macronienne, brillamment conduite par Dame Cui-Cui, a recueilli 22,4% des suffrages exprimés…

Il faut décidément remplacer ce peuple hongrois….

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