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Histoire du christianisme

Retour 100 ans en arrière : naissance de l’Eglise Rénovée

Retour 100 ans en arrière : naissance de l’Eglise Rénovée

D’Arnaud de Beauchef pour le Salon beige:

En mai 1922, naquit en Russie l’Eglise Rénovée, encore appelée Eglise Vivante. A l’occasion de l’emprisonnement du patriarche orthodoxe russe de l’époque, Tikhon, une prise du pouvoir par des éléments réformateurs de l’Eglise russe conduisit à la tenue d’un concile de “l’Eglise de toutes les Russies” en avril-mai 1923. A cette occasion, les réformateurs parlèrent de ‘l’abdication’ du patriarche pour légitimer leur prise de pouvoir.

La participation à ce concile de 476 membres fut bien organisée : 2/5 des membres étaient directement nommés par les réformateurs. Pour le reste, les règles d’éligibilité des délégués dépendaient des réponses à un questionnaire préalablement envoyé à chaque participant pressenti. La police soviétique de l’époque, la Tcheka, aida les rénovateurs moscovites dans la sélection au sein des provinces. Il est à noter que certains membres furent des laïcs.

En parallèle, le mouvement méthodiste épiscopal américain, contribua financièrement au projet en fournissant des moyens financiers à la formation du nouveau clergé après la saisie des objets précieux du clergé organisé par le pouvoir soviétique à l’hiver 1922 afin de faire face à la famine.

Au total, ce mouvement de l’Eglise Vivante, recueillit l’adhésion de la plupart des membres du clergé de l’époque. Il n’y eu que deux refus de participation à ce concile parmi tous les évêchés de Russie.

L’Eglise Rénovée entérina les orientations suivantes :

  1. Une bienveillance à l’égard du pouvoir politique soviétique, dont l’idéologie est considérée comme alignée avec le message évangélique d’une Eglise indivise et communautaire des temps apostoliques. Cela ouvrait la voie d’une plus grande symbiose entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel et en tout cas à l’instauration de « liens normaux » avec le nouveau pouvoir soviétique, après la période “réactionnaire” du patriarche Tikhon.
  2. Une affirmation du caractère synodal de l’Eglise et, de ce fait, le refus de son caractère patriarcal. A ce titre, une auto-proclamation de son caractère démocratique s’exprima.
  3. L’accès à l’épiscopat d’hommes mariés et la possibilité pour le clergé veuf d’accéder au remariage. Eliminer toutes les barrières qui séparent le prêtre de ses fidèles.
  4. La condamnation du monachisme, source de nomination des évêques par le passé et trop éloigné de la nouvelle mission sociale de l’Eglise.
  5. Sur le plan liturgique, abandon du slavon au profit du russe, élimination de l’iconostase et déplacement de l’autel au milieu des paroissiens.
  6. Participation des laïcs aux instances dirigeantes de l’Eglise Rénovée.
  7. Un rapprochement du monde occidental, avec l’abandon du calendrier julien au profit du calendrier grégorien.

Une fois que ces évolutions ont été entérinées, le vocable d’« Eglise Vivante » fut rapidement abandonné au profit de la simple dénomination « Eglise Orthodoxe ». Son instance exécutive s’appela le « Saint-Synode », dirigé par un conseil suprême de 10 membres. D’après le journal « Messager du Saint-Synode », en 1925, l’Eglise Rénovée comptait 95 évêques, 11.057 prêtres et 1125 diacres.

Au cœur des ces évolutions était pour certains le vœu de ramener à l’Eglise les masses laborieuses dans une époque de défection massive. A cela s’ajoutait l’esprit éclairé de clercs moscovites proches du pouvoir politique central. Ce qui est plus étonnant est qu’une partie des clercs qui furent à l’origine de cette Eglise Rénovée étaient parmi les plus conservateurs avant l’arrivée au pouvoir des communistes.

En fait, il y avait parmi ce clergé rénovateur beaucoup de « légitimistes institutionnels » attachés à une bonne entente avec l’appareil d’Etat, quel qu’en soient les dérives. Cela ne fut pas sans conséquence, car ces clercs conciliants furent souvent les meilleurs indics signalant au pouvoir communiste leurs confrères récalcitrants qui furent ainsi contraints à goûter au goulag.

Ce bref aperçu de cette page sombre de l’histoire l’orthodoxie russe sous la férule communiste ne peut laisser indifférent le lecteur catholique contemporain :

Revoyons rapidement la succession de ces événements d’il y a 100 ans : cela commence par l’”abdication” de la plus haute autorité. Puis il est question de rejoindre au plus près les thèmes de la société civile sans opposition, de réformer l’Eglise vers plus de synodalité, de réformer la gouvernance de l’Eglise, de mettre les laïcs au centre dans une approche la plus participative possible (tout en les sélectionnant bien), d’alléger les contraintes morales pour tous.

En toute ingénuité, nous pouvons bien sûr penser au déroulement actuel du Synode sur la synodalité, mais bien sûr, comme le signale la mention légale au début de certaines œuvres cinématographiques : « Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence. » 

Quelle fut la suite de cette Eglise Rénovée russe ? C’est très simple : ce schisme disparut en quinze ans pour plusieurs raisons :

Tout d’abord le pouvoir soviétique ne cherchait pas à promouvoir une nouvelle Eglise et s’il favorisa « l’Eglise Vivante », ce ne fut qu’un soutien tactique pour éliminer l’Eglise orthodoxe. D’autre part, les croyants du bas de l’échelle ne suivirent pas cette évolution en masse. Simplement ils continuèrent de se détourner de leurs églises qui d’ailleurs fermaient en grand nombre. Par ailleurs, les dirigeants de cette Eglise Rénovée connurent de nombreuses dissensions entre eux en l’absence de dépôt précis à transmettre et d’autorité claire et consistante dans le temps. Enfin, le clergé “conservateur légitimiste” qui avait suivi ces évolutions se trouva finalement pris dans une situation intenable, car l’évolution des compromis conduit en général à une forme de compromission indigeste.

En tout cas, il faut voir dans ce type d’évolution le marqueur d’une montée en puissance d’un totalitarisme sociétal qui a prise sur une institution ecclésiale affaiblie et largement inféodée. La bonne nouvelle est que ces situations ne durent jamais très longtemps à l’échelle du temps de l’Eglise, la mauvaise nouvelle est que la vraie rénovation se fait souvent dans la douleur à l’échelle du temps des contemporains.

Ce rappel historique datant de 100 ans presque jour pour jour, invite les clercs et les fidèles catholiques à considérer avec la plus grande prudence les événements ecclésiaux qui agitent le temps présent.

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2 commentaires

  1. Vatican II et l’Église synodale de François suivent les mêmes orientations anti-traditionnelles que l’Église Rénovée russe…et avec les mêmes résultats…

  2. Nihil novi sub sole…

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