Catherine Rouvier remet les pendules à l'heure après la polémique qui a suivi la déclaration du Cardinal Bertone sur les liens entre pédérastie et homosexualité dans l'Eglise :
"Auteur
de Pedophiles and Priests. Anatomy of a Contemporary Crisis New
York (Oxford University Press, 2001), Philip Jenkins a été
interrogé dans Le
Monde du 8 avril 2010 […] Il
développe les réflexions suivantes :
«À la fin des années 60, […] les
criminologistes et psychiatres — américains — ont réclamé la
dépénalisation d’un certain nombre d’actes, la réduction des peines et
un assouplissement des traitements pour les agresseurs. Au même moment,
fleurissait aux États-unis la pornographie mettant en scène des enfants,
librement accessible dans les boutiques pour adultes entre 1972 et
1977. » Ceci fut contemporain du « déclassement de l’homosexualité comme
maladie mentale en 1973».
[…] En somme cette concomitance entre la dépénalisation de
l’homosexualité et la « décontraction » de la permissive society
américaine des années soixante/soixante-dix au sujet de toutes les
formes de perversion sexuelles, y compris la pédophilie, aurait amené
l’Église — comme d’autres institutions — à une indulgence qui est, pour
Jenkins, à l’origine du lien constaté entre une recrudescence de
comportements homosexuels — moins drastiquement traqués qu’auparavant
chez les séminaristes — et une augmentation des condamnations pour abus
sexuels
Le rapport du John Jay College
Le
rapport
du John Jay Collège of Criminal Justice de la City University of
NewYork — consultable sur l’Internet en anglais — apporte des
évaluations chiffrées précises qui donnent à la fois la proportion
faible en réalité des condamnations compte tenu de la période longue sur
laquelle elles ont été récoltées (50 ans ), et le pourcentage très
faible, sur le total des condamnations, de celles relevant réellement de
la pédophilie :
«De 1950 à 2002, soit sur une durée d’un
demi-siècle, sur le total des religieux incriminés le pourcentage de
ceux accusés d’abus sexuel, 4.392 prêtres (sur plus de 109.000) ont été
accusés de relations sexuelles avec des mineurs mais 78,2 % des chefs
d’accusation se rapportent à des mineurs qui ont passé la puberté. Le
reste, les prêtres accusés de pédophilie proprement dite sont en fait au
nombre de 958 en 50 ans, soit 18 par an. Mais seules 54 condamnations
ont été prononcées, soit un peu plus d’une par an».
Cette étude montre aussi que ces abus sexuels avérés sont
majoritairement le fait de prêtres séculiers (dans le paragraphe 2.2. de
l’étude on peut lire en effet que « les enquêtes diocésaines donnent le
chiffre de 4.692 prêtres et diacres mis en cause pour abus sexuels
commis dans l’exercice de leur ministère […], les enquêtes relatives
aux communautés religieuses donnent le chiffre de 647 religieux
réguliers mis en cause pour des abus sexuels ») et que ces comportements
ont presque totalement disparu en Amérique depuis les mesures
drastiques prises par l’épiscopat américain en 2002 : une
politique de tolérance zéro (dite one strike out) de l’Église
américaine qui prévoit la suspension immédiate de tout religieux, même
simplement mis en cause dans une histoire de relation sexuelle.Ces mesures avaient suivi une décision du pape Jean Paul II, en 2001 de
contrôler plus étroitement les moeurs des candidats à la prêtrise. Le
pape Benoît XVI a renforcé le dispositif par une instruction du 31 août
2005. Le lien paraît établi par les graphiques
publiés par le John Jay collège (consultables en ligne) : les courbes
de plaintes et de procès sont en décroissance depuis 2002 et proches de
l’inexistence depuis 2006. On comprend que les lobbies gay aient
eu du mal à admettre ce lien puisqu’ils ont, c’est naturel, protesté
vigoureusement contre le caractère discriminatoire de ces mesures
restrictives."