"La loi sur la fin de vie adoptée en 2015 a relancé la polémique concernant l’euthanasie ; le texte prévoit une sédation profonde et continue menant progressivement à la mort. Cette pratique inédite fut dénoncée par une partie des députés de droite comme une dérive euthanasique, mais estimée insuffisante par la gauche et les écologistes – soutenus par diverses associations telle l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). Le débat fût biaisé dès l’origine par la polémique autour du cas très douloureux de Vincent Lambert, ce dernier servant de référence. Cependant, la grande absente de ce débat fût bien la question des soins palliatifs. Dans une polémique marquée par l’émotion, il est regrettable que les soins palliatifs n’aient pas été suffisamment mentionnés.
Pourquoi les soins palliatifs ? Parce qu’ils proposent une grande qualité de soin aux patients à tous les échelons du service, des aides-soignants aux médecins en passant par les infirmières et les psychologues. Une formation solide est donnée dans le traitement des symptômes, la psychologie du malade ou bien la philosophie des soins. Par ailleurs les soins palliatifs s’attachent largement au soutien et à l’accompagnement des familles (écoute, explication, préparation de l’après…). Au-delà du soulagement de la douleur, c’est le suivi psychologique ou moral du patient qui est privilégié. Il s’agit de personnaliser les soins, connaître le malade, sa vie et savoir gérer son angoisse face à la mort. Enfin les soins palliatifs donnent une part importante à l’accompagnement des malades par des bénévoles, soulageant une partie du travail des soignants, facilitant la sortie de nombreux malades de leur isolement et contribuant à recréer un lien entre la société et la mort, fatalité honnie et sciemment cachée dans notre pays hédoniste.
Pourquoi s’agit-il d’une alternative ? Parce les soins palliatifs permettent de sortir d’une médecine par trop scientiste et mécaniste – donc déshumanisée- mais aussi car ils permettent à tous les professionnels de santé de continuer à soigner jusqu’au bout sans pour autant donner la mort. La pratique de l’euthanasie, éthiquement douteuse est aussi la porte ouverte à de nombreuses dérives des services de santé. On en veut pour preuve les récentes dérives belges, concernant même des personnes en pleine santé, où le nombre d’euthanasies injustifiées ont explosées.
Mais quelle a été l’évolution des soins palliatifs depuis ces dernières années ? Le magasine The Economist, en 2010, classait la France 23e sur 40 dans la qualité des soins de fin de vie. En 2015 il épingle une prise en charge toujours incomplète des soins palliatifs. La Cour des comptes elle-même souligne ce mauvais classement et apporte même des chiffres plus précis : sur 238 000 patients décédés et éligibles aux soins palliatifs seul un tiers en ont bénéficiés (pour l’année 2009). Dans les services d’urgence on tombe à 7.5%. Toutefois en 2013, la prise en charge des soins palliatifs augmente et concerne 135 000 personnes (deux fois plus qu’en 2009). Cette évolution reste cependant moindre dans le cas des hospitalisations à domicile. Malgré ces efforts, on constate que le programme des soins palliatifs mis en place entre 2008 et 2012 n’est pas à la hauteur des objectifs de la loi de 1999, qui stipulait clairement : « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ». Un bilan des actions menées, prévues par loi Léonetti de 2005 (ce dernier étant également le rapporteur de la loi sur la fin de vie de 2015…) n’a pas été, à ce jour, réalisé. Il faut tout de même admettre que des progrés ont été faits. En octobre 2015, The Economist classait la France à la 10e place ; désignant clairement l’amélioration de l’équipement des centres de soins palliatifs mais aussi leur nombre (qui reste encore insuffisant). On note en revanche un net déficit de bénévoles, contrairement au Royaume-Unis. La principale limite reste la grande inégalité en termes de répartition géographique des centres. On reconnaitra au Ministre Marisol Touraine le déblocage d’une enveloppe de 40 millions d’euros pour pallier à ce déficit d’unité de soin (fixes ou mobiles). Toutefois, on regrettera que le problème du manque de soins palliatifs soit analysé sous le seul prisme du manque de centres ou de lits disponibles quand la prise en charge de ces soins serait parfaitement envisageable au sein des services hospitaliers curatifs ou bien des cliniques ; comme l’a rappelé le Docteur Hubert Tesson (médecin responsable de l’équipe mobile de soins palliatifs du Centre Hospitalier Départemental de La Roche-sur-Yon) pour l’Institut Ichtus."