De Gabrielle Vialla sur fécondité.org :
Dans le contexte de la fin d’un synode concerné par « les droits » des femmes et des migrants, qu’en est-il de l’attention portée à la problématique de la GPA ?
Ainsi les mères porteuses, tributaires des sommes reçues pour « ce travail », ne sont-elles pas, le plus souvent, parmi les plus pauvres ?
Quant à l’enfant né de la GPA, dans notre pays, il est évidemment un migrant. Il est conçu et mis au monde ailleurs, la GPA n’étant pas autorisée sur le territoire français. À l’instar d’autres migrants, l’enfant né par GPA est aussi un survivant. Qu’en est-il de notre compassion pour les embryons morts dans l’opération ?
Quant aux commanditaires de la GPA, loin de la bien-pensance mondialisée rappelons que proportionnellement aux mères porteuses, ce sont des nantis, qu’ils sont protégés de « la malfaçon » par des contrats subtilement ficelés, qui chosifient à la fois la vie humaine et la maternité.
Il y a peu de temps, sur la place saint Pierre de Rome, a été installé une œuvre d’art, rappelant à nos consciences endormies, ceux qui « n’appartiennent pas à notre groupe ». Je suggère de ne pas oublier dans la réalité de l’immigration chère au pape François, l’enfant né par la GPA. J’ai pour ma part cette image d’une possible statue représentant deux continents avec d’un côté un placenta, de l’autre le nouveau-né institutionnellement détaché du sein qui l’a porté.
Alors que le synode a encore mis en exergue des revendications tenaces en faveur de l’ordination diaconale de la part des femmes présentes, je m’interroge sur notre capacité à comprendre la vocation spirituelle de la femme mais aussi plus prosaïquement à défendre la condition féminine. Que l’enseignement constant de l’Église protège la femme de l’instrumentalisation (prostitution, mariages forcés, pornographie) comme l’enfant à naître (contraception, avortement, fivete…) cela m’est une évidence. Maintenant, que ces sujets soient une réelle préoccupation pastorale, en France et en Europe, c’est tout sauf une évidence. Au contraire, la focalisation et la réduction des sujets féminins à la distribution du pouvoir est devenue pour le moins lassante. Quelques dizaines de femmes occidentales, souvent d’un certain âge, exigent une reconnaissance et du pouvoir. Soit. On les entend. Des milliers, millions de femmes catholiques œuvrent autrement dans l’Église, de façon moins bruyante, plus efficientes. On est vite tenté de penser que le sujet de la femme dans l’Église est donc un piège. Ce faisant, on l’abandonne au monde sécularisé. C’est à ce moment-là que le piège se referme, en réalité. En effet, notre foi chrétienne doit savoir rendre compte de la Création, du vis-à-vis originel de l’homme et de la femme, auquel Dieu donne une fécondité, et dans lequel Il a mis son image, sa ressemblance. Nous croyons avec saint Paul que le Salut passe par l’amour du Christ pour son Église, qui n’a pas de meilleure analogie que le mariage entre un homme et une femme. Quelles sont les conséquences spirituelles de nos abandons ?
Au-delà des graves et terribles renoncements à la loi naturelle, que revêt la pratique de la GPA, les pasteurs sont déjà sollicités pour des demandes de baptêmes de petits enfants nés de cette façon.
Ce sujet n’est plus une question de casuistique théorique, c’est une question pastorale pratique, qui devient de plus en plus importante et pressante. C’est aussi l’exemple patent qui démontre que de vrais sujets de réflexion sont délaissés.
La Congrégation pour la doctrine de la foi a donné une réponse pour le moins succincte à des situations réellement complexes. « Can two homosexual persons be regarded as the parents of a child who is to be baptized, and who was adopted or was received by other means, such as surrogacy? In order for the child to be baptized, there must be a founded hope that the infant will be brought up in the Catholic religion »
Il manque une argumentation et des conseils pratiques. Il est intéressant de noter ce qu’en disent nos frères orthodoxes, dans un contexte où la GPA est souvent légale.
« Si les parents ne confessent pas expressément leur acte, et les parrains se montrent de fait d’accord avec cet acte peccamineux, il ne peut plus être question d’éducation chrétienne de l’enfant. Le refus de baptiser l’enfant correspond alors à la tradition orthodoxe prévoyant l’adhésion à la doctrine de l’Église du baptisé ou de ses parents et parrains quand il s’agit d’un enfant. Un tel refus aura également une signification pastorale, puisque la société reçoit alors clairement le signal de l’Église que la pratique des mères porteuses est inacceptable du point de vue chrétien ».
Beaucoup de personnes soutiennent à raison, qu’en occident, le baptême est déjà donné dans de nombreuses situations où la foi est très fragile. En pratique, la seule exigence, pas toujours respectée, sera de mettre l’enfant au caté. Aussi, plusieurs laïcs engagés dans la préparation au baptême que j’ai interrogés, arguent que l’accueil d’un enfant né par GPA ne pose pas de question particulière. Au contraire, l’enfant étant bien sûr innocent de tout ce qui a entouré sa conception, lui donner une figure féminine positive avec une marraine est une bonne chose. Là, j’ai une grande compassion pour le prêtre qui en dernier recours porte la responsabilité devant Dieu du baptême ou du refus du baptême.
Je tiens à redire qu’il y a des éléments objectifs radicalement différents entre l’attitude qui consisterait à accueillir un enfant privé de père ou de mère, un enfant né hors mariage, un enfant adopté… et celle qui ferait preuve de tolérance vis-à-vis d’une structure qui nie l’altérité, en profitant d’une instrumentalisation du corps féminin. Dans ce dernier cas, le mensonge concernant la filiation est organisé, prémédité.
Les situations et les possibilités d’acte de naissance sont complexes. Dans le meilleur des cas, l’acte de naissance des enfants nés par GPA comporte dans un premier temps le nom du père (donneur de sperme) et celui de la mère porteuse (gommant – quand elle existe – la donneuse d’ovocyte). Puis, l’adoption plénière fait disparaître toutes les femmes impliquées dans la GPA pour garder les commanditaires « de l’achat ». Les contrats protègent ceux-ci du potentiel handicap de l’enfant comme des éventuels comportements problématiques (alcoolisme…) de la mère porteuse, incluant de fait l’avortement si nécessaire.
Jean-Paul II nous avait prévenus :
« Comme je l’ai dit bien des fois, séparer radicalement la liberté de la vérité objective empêche d’établir les droits de la personne sur une base rationnelle solide, et cela ouvre dans la société la voie au risque de l’arbitraire ingouvernable des individus ou au totalitarisme mortifère des pouvoirs publics. » Evangelium Vitae
Ce n’est pas le moindre paradoxe qu’à l’époque où, au sein de l’Église, nous savons nous montrer très sévères, à raison, envers les doubles vies, nous ne soyons pas plus explicites face à des mensonges successifs qui privent la personne d’un droit à être aimée pour elle-même, parce qu’on se laisse fasciner par l’affectivité présente dans la revendication du droit à l’enfant, et de faire famille.
Si aucun acte de repentir, si aucune exigence autre que de mettre potentiellement l’enfant au caté n’est demandée au représentant légal, comment, parvenu à l’âge adulte, l’enfant ne verra-t-il pas dans cette attitude une complaisance vis-à-vis de la GPA ? De fait, beaucoup – et cela dépasse le cadre de la GPA – voient simplement dans le baptême l’occasion de fêter l’arrivée de l’enfant, mais aussi pour les parents de le présenter à l’entourage. D’ailleurs, le rituel du baptême tient compte de cette réalité de présentation, certes faite à Dieu et non aux hommes. Il comporte une bénédiction différente pour celle qui vient d’être mère et pour celui qui vient d’être père. Dans le cadre d’un enfant né par GPA, présenté par deux représentants légaux, comment se prémunir contre une possible instrumentalisation du baptême pour donner une image sociale positive d’une situation en elle-même dramatique ? Oh, bien entendu, rien, absolument rien dans notre foi, et dans les mœurs promues par l’Église n’incite à la moindre complaisance envers la GPA. Tout y est en faveur du respect de la dignité de l’homme, de la femme, de la vie… seulement reconnaissons-le, il est des sujets dont nous sommes tous fatigués, des présupposés éducatifs que l’on ne préfère plus exiger.
Une question se pose au catholique, à la veille du temps de l’Avent : « Peut-on aimer un enfant, sans aimer sa mère ? »
Il est de bon ton de rappeler qu’aux premiers temps de l’Église ce sont les mères de familles qui ont demandé aux pasteurs le baptême des petits enfants. Elles ont su réveiller les « cœurs masculins » à une compassion toute maternelle, en leur partageant leur inquiétude et leur souffrance face à l’épreuve de la mortalité infantile. J’en appelle aux femmes, celles qui ont porté la vie, celles qui en ont été privées, comme celles qui ont renoncé à la maternité humaine par amour de Dieu, de partager aux pasteurs ce que signifie la maternité dans l’éducation chrétienne des enfants. Je prie la Vierge Marie d’éclairer les consciences des pasteurs sur leur responsabilité réelle. Je prie Notre-Dame afin que nous ne nous détournions ni de ces enfants, ni des femmes qui les ont mis au monde, et que leur bien véritable soit recherché avant toutes autres considérations. Oui j’assume, si l’on me parle des représentants légaux, je réponds paisiblement : « Les femmes et les enfants d’abord !»
« Il est essentiel que l’homme reconnaisse l’évidence originelle de sa condition de créature, qui reçoit de Dieu l’être et la vie comme un don et une tâche : c’est seulement en acceptant sa dépendance première dans l’être que l’homme peut réaliser la plénitude de sa vie et de sa liberté, et en même temps respecter intégralement la vie et la liberté de toute autre personne. » Jean-Paul II, Evangelium Vitae
Gabrielle Vialla