"Au début je n’ai rien vu venir. Le premier titre était une prestation tout à fait agréable de metal sur fond d’opéra baroque. Puis au cours du deuxième morceau j’ai commencé à me sentir très mal à l’aise. Des sensations que je n’avais pas connues depuis plusieurs années ont commencé à se manifester en moi. Je me suis dit : merde, qu’est-ce qu’ils sont en train de faire, là ? Puis j’ai fait savoir à Marie, qui m’accompagnait que cette musique me mettait particulièrement mal à l’aise. C’est là qu’elle m’a dit que, d’après son copain, le groupe serait dans un certain ordre occulte appelé Dragon rouge, dont je n’avais jamais entendu parler. Les morceaux se sont enchainés et de manière invisible, sans qu’on ne puisse rien déceler de particulier dans les gestes, les paroles ou la mise en scène, j’ai commencé à ressentir des « forces » concentrées autour de la scène, qui n’avaient rien de normales. En tout cas, suffisamment anormales pour que ça me bouscule à l’intérieur et que ça réveille en moi des sensibilités endormies depuis longtemps. Anormales dans la vie de tous les jours, mais parfaitement reconnaissables dans la magie. […]
Pour faire simple, après le premier morceau, j’ai senti converger, sous l’impulsion du groupe, les forces émanent du public pour alimenter un égrégore qui n’était pas la seule émanation de « l’ambiance du festival » ou du « charisme du groupe ». Therion était en quelque sorte en train de vampiriser, ou plutôt de détourner toute cette force vers la destination qu’ils avaient choisie. Quand j’ai été certain de ce que je ressentais, on était clairement en phase de protection (ou d’invocation, là cette terminologie me semble plus représentative). A partir de là je me suis senti franchement mal au point que j’ai eu envie de me blottir en position fœtale, tellement je sentais s’exprimer une puissance égrégorielle incroyable. Je serais incapable de dire qu’elle a été l’objectif de cette manipulation d’énergie, si elle avait d’autres fins que d’entrer en résonnance avec leur public et se nourrir. Les objectifs dépendent de la phase de préparation et il est fort probable que cette phase ait été faite, du moins en partie, en amont du concert. Toujours est-il que ça n’avait rien d’agréable, et la conjonction des forces du public, manipulées et maitrisées par le groupe, constituait un nuage invisible, presque électrique, autour de la scène dont la chaleur en était quasi-palpable.
Pendant un morceau, je me souviens très clairement que l’un des chanteurs s’est assis sur le devant de la scène. Je ne comprenais pas ce qu’il chantait et ne voyait pas bien ce qu’il faisait, mais je peux dire avec certitude qu’on était à la pointe du rituel. Si je devais comparer (avec toutes les réserves qui s’imposent) avec la célébration du mystère eucharistique, on pourrait dire que cela correspondait, dans l’ordre du déroulement, à la phase de transsubstantiation pendant la messe. J’étais littéralement pétrifié, je ne pouvais plus regarder, je baissais la tête en espérant qu’elle rentre dans mes épaules."