Bruno de Seguins Pazzis n’a pas aimé :
Alors qu’ils viennent de braquer une banque, La Fraise et son fils Paulo, quittent leurs masques et vêtements dans une ruelle et pressent le pas vers leur voiture. Mais comme ils avaient garé celle-ci sur une place handicapés, juste devant un centre spécialisé, elle a été emmenée par la fourrière. Ils s’incrustent alors dans le bus du centre, La Fraise se faisant passer pour éducateur et Paulo, à sa demande, pour un handicapé prénommé Sylvain. En route pour quelques jours dans un gîte rural, avec le magot dans leurs sacs, ils espèrent pouvoir échapper à la police…
Avec : Artus (Paulo / Sylvain), Clovis Cornillac (la Fraise / Orpi / Lucien), Alice Belaïdi (Alice), Marc Riso (Marc), Céline Groussard (Céline), Gad Abecassis (Gad), Ludovic Boul (Ludovic), Stanislas Carmont (Alexandre), Marie Colin (Marie), Thibaut Conan (Thibaut), Mayane-Sarah El Baze (Mayanne), Théophile Leroy (Baptiste), Arnaud Toupense (Arnaud), Sofian Ribes (Soso), Boris Pitoeff (Boris), Benjamin Vandewalle (le vrai Sylvain). Scénario : Artus, Clément Marchand et Milan Mauger. Directeur de la photographie : Jean-Marie Dreujou.
Ce n’est pas vraiment facile de dire du mal d’un film qui, d’une part met en scène des handicapés mentaux, d’autre part totalise après cinq semaines d’exploitation en salle plus de 6,4 millions d’entrées ce qui le place à date en tête des douze films ayant dépassé en France un million d’entrées depuis le début de l’année, laissant ainsi loin et juste derrière lui le « blockbuster » Dune, seconde partie de Denis Villeneuve avec un peu plus de 4,1 millions d’entrées et dont le budget a légèrement dépassé 190 millions de dollars contre 6 millions d’euros pour Un p’tit truc en plus ! Pour la fréquentation, il est vrai que nombreux sont les films qui montrent que l’importance du nombre d’entrées n’est pas une garantie de qualité.
Pour ce qui est de la mise en scène de personnes handicapés, Un p’tit truc en plus n’est pas vraiment une nouveauté. Citons seulement Rain Man (1988) de Barry Levinson et plus près de nous le très beau Marie Heurtin (2014) de Jean-Pierre Améris. Mais il est vrai qu’il s’agit de comédies dramatiques ou de drames. Par ailleurs, avant Un p’tit truc en plus, des handicapés ont déjà tenus des rôles au cinéma (Pascal Duquesne dans Le Huitième jour de Jaco Van Dormael en 1996 face à Daniel Auteuil, ou encore Gabrielle Marion-Rivard et Alexandre Landry dans le mélodrame canadien Gabrielle de Louis Archambault en 2013).
Là où Victor Artus Solaro, dit Artus (humoriste et comédien qui a commencé à se faire un nom à partir de 2011 dans des émissions de télévision), innove un tant soit peu, c’est en intégrant ces handicapés au nombre d’une douzaine dans une comédie dans laquelle ceux-ci jouent pratiquement leurs propres rôles. On pourrait dire qu’il pourrait s’agir pour ces handicapés d’une forme d’autodérision, voire d’opération cathartique, qu’il n’y a donc rien de bien méchant dans tout cela, qu’il s’agit d’une comédie bien gentille abordant avec un humour un peu mordant mais tendre les différences. Une comédie généreuse au fond… C’est ce qu’une vision superficielle du film peut laisser croire. Aussi, si on y regarde d’un peu plus près, de quoi s’agit-il sinon d’une médiocre comédie réalisée par un humoriste qui, à l’heure où les thèmes de « l’inclusion » et du « droit à la différence » s’invitent dans le discours public, a su saisir l’air du temps et flirter avec cette fameuse « inclusion ». Et le spectateur, que voit-il se dérouler devant ses yeux sinon une vague comédie dont le scénario est très convenu, très mal écrit, bancal à de nombreux égards, pas abouti, et dont la mise en place et par ailleurs très poussive. Il ne s’agit que d’une suite désordonnée de sketchs dans lesquels l’humour potache se situe bien trop souvent au niveau d’histoires de « pipi caca ». C’est une répétition d’insultes et de gags eux-mêmes répétitifs e t prévisibles : le handicapé atteint du syndrome de Gilles de la Tourette qui profère tout au long du film, et de préférence dans les moments les plus sensibles, les insultes « enculé » et « fils de pute », son camarade autiste qui monologue en permanence sur la gouvernance de Nicolas Sarkozy, celle qui attire les balles ou tout autre projectile comme un aimant, celui qui enfile à tout moment des déguisements différents ou son voisin qui voue un culte effréné à Dalida… Et puis gag suprême, l’infecte nourriture servie à chaque repas qui s’écrase en gros plans dans les assiettes. Et comble de tout, pour être bien morale, le dénouement de cette « comédie » fait la part belle aux deux malfaiteurs qui sont, finalement et bien entendu, très gentils en raison de l’attachement qu’ils manifestent pour ceux qui ont « un p’tit truc en plus » et ceux qui les encadrent. Ça, si ça ne vous arrache pas les larmes… Au fond, il y a quelque chose de gênant, plus encore de nocif, dans tout cet étalage.
Enfin, et parce qu’il faut conclure sur ce qui pourrait devenir un film culte, pour la mise en scène de son premier long métrage, les quelques jolis plans du Vercors réalisés avec un drone et qui sont pratiquement hors sujet, ne nous montrent pas qu’Artus aurait des dispositions évidentes pour la réalisation. Dégoulinant d’opportunisme, de bons sentiments et de médiocrité.
Bruno de Seguins Pazzis