La lettre de Cap Fatima a publié une critique très documentée du film Fatima de Marco Pontecorvo, diffusé en France par nos amis de la société Saje. Ceux qui voudraient se replonger dans l’histoire de ces belles apparitions peuvent se reporter à la page du site Brève histoire des apparitions de Fatima.
L’actualité nous conduit à interrompre momentanément nos réflexions sur le message et le secret de Fatima. En effet, plusieurs personnes nous ont récemment demandé ce qu’il fallait penser du dernier film de Marco Pontecorvo, Fatima, diffusé en France depuis le 6 octobre par la société Saje.
Au départ, nous n’étions pas très chaud pour publier une critique de ce film, car il est diffusé par une société qui a le mérite de diffuser de très bons films. Pourtant, devant les demandes reçues, il était difficile de se taire. Après réflexion, il nous a semblé qu’une critique faite le plus charitablement possible pouvait s’avérer utile. En effet, un point de désaccord analysé avec honnêtement et le plus objectivement possible peut conduire à un approfondissement de nos connaissances. L’Église n’a jamais eu peur des critiques et les hérésies l’ont toujours conduite à approfondir sa doctrine. C’est pourquoi nous avons accepté de tenter le difficile exercice d’analyser ce film, espérant que cette analyse qui se veut plus une réflexion sur le message de Fatima qu’une critique du film, puisse être utile aussi bien à ceux qui ont vu le film qu’à ceux qui ne l’ont pas vu.
Pour commencer, il faut reconnaître que ce film a d’indéniables qualités : c’est un très beau film, pourrait-on dire dans le langage courant. Les paysages sont beaux ; l’ambiance de l’époque est très bien rendue ; les personnages sont dans l’ensemble très vrais ; les enfants jouent de façon étonnamment naturelle. Aussi ne s’ennuie-t-on absolument pas en regardant le film, bien au contraire. Mais à côté de ces qualités artistiques et cinématographiques méritées, il a quelques défauts qui ont gêné certains de ceux qui l’ont vu, ce qui les a conduits à nous demander notre avis.
Il faut reconnaître que, si l’histoire est en grande partie inspirée des apparitions de 1916 et 1917 à Fatima, elle n’est pas toujours fidèle. Le film commence avec la première apparition de l’Ange en 1916 et se termine à la fin de la dernière apparition de 1917. Certes, faire un film sur des événements aussi denses nécessite forcément d’adapter plus ou moins les faits pour les faire rentrer dans une durée définie et avec des moyens techniques qui, s’ils sont devenus impressionnants de nos jours, conservent malgré tout des limites, surtout lorsqu’il s’agit de représenter des réalités surnaturelles. Faire quelques adaptions par rapport à la réalité était donc inévitable. Toutefois, ces adaptions ne doivent pas conduire à travestir les faits ou en modifier l’esprit. Or si, en général, le film respecte ce principe, force est de constater que ce n’est pas toujours le cas. En particulier, il y a des coupures dans l’histoire pas toujours bien choisies, des modifications de certains faits profondément regrettables et des scènes totalement inventées. Si elles sont trop nombreuses, ces adaptations peuvent aller jusqu’à dénaturer le message de Fatima. Voyons ce qu’il en est. (Pour ne pas être trop long, nous n’analyserons que les apparitions proprement dites.)
Les apparitions de l’Ange
Le film commence avec la première apparition de l’Ange. Pour ceux qui ne sont pas forcément familiers des apparitions de Fatima, voici comment Lucie rapporte cette apparition dans ses mémoires.
Nous étions montés sur le versant à la recherche d’un abri, et après avoir goûté et prié, nous avons commencé à voir à quelque distance, au-dessus des arbres qui s’étendaient vers l’est, une lumière plus blanche que la neige, ayant la forme d’un jeune homme. (…) Nous étions surpris et à demi absorbés. Nous ne disions mot. En arrivant près de nous, l’Ange nous dit : « N’ayez pas peur. Je suis l’Ange de la Paix. Priez avec moi. » Et s’agenouillant à terre, il baissa le front jusqu’au sol. Poussés par un mouvement surnaturel, nous l’imitâmes et nous répétâmes les paroles que nous lui entendions prononcer : « Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je Vous aime. Je Vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas, qui ne Vous aiment pas. » Après avoir répété cette prière trois fois, il se releva et nous dit : « Priez ainsi. Les Cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à la voix de vos supplications. » Et il disparut.
La scène présentée par le film, la toute première du film, est très différente. Lucie est seule dans une grotte souterraine en train de nettoyer des gravures rupestres. L’Ange apparait et dit : « N’aie pas peur. Ne crains rien. Je suis l’Ange de la paix, l’ange du Portugal. » Dans la réalité, l’Ange ne révèle qu’il est l’ange du Portugal qu’au cours de sa deuxième apparition. Puis l’Ange ajoute : « Regarde. » Lucie a alors une vision de la guerre au cours de laquelle elle voit son frère Manuel pendant un combat. L’Ange continue en disant : « Ils ne semblent pas prêts de s’arrêter. » Puis il ajoute : « Nous devons prier » et sans se prosterner jusqu’à terre, il fait réciter la prière « Mon dieu, je crois … » mais en omettant la deuxième partie : « Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas qui n’adorent pas et qui n’espèrent pas. » (Jean-Paul II fit la même omission en citant cette prière de l’Ange dans le sermon qu’il prononça lors de son pèlerinage à Fatima le 13 mai 1982.) Pourquoi avoir supprimé une partie si courte et qui est si importante pour bien comprendre le message de Fatima ? Car cette première prière de l’Ange donne la raison principale de toutes les apparitions Fatima : la conversion des pécheurs.
Juste avant de disparaître, l’Ange ajoute : « Prie pour la paix. » Cette phrase est une invention, car au cours de ses trois apparitions, l’Ange n’a jamais demandé de prier pour la paix, mais pour la conversion des pécheurs, ce qui est bien différent. Dans la réalité, avant de disparaître, l’Ange confia aux petits voyants : « Priez ainsi. Les Cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à la voix de vos supplications », précision importante omise dans le film.
Ainsi, dès le début, le film s’écarte sensiblement de l’histoire réelle et les changements apportés modifient profondément l’esprit de cette première apparition. Or aucune contrainte cinématographique n’imposait de telles modifications : il était parfaitement possible de respecter les faits.
Le producteur a, ensuite, choisi de ne pas représenter les deux autres apparitions de l’Ange, celle de l’été près du puit des parents de Lucie, puis celle de l’automne, à nouveau au Cabeço. Dans le film, l’Ange apparaît bien deux autres fois, mais très brièvement et de façon totalement inventée : il apparaît uniquement à Lucie, sans dire un mot, une première fois sur la place du village pendant que l’administrateur égrène la dernière liste de morts, puis au cours d’un interrogatoire des petits voyants après la troisième apparition de 1917.
Ainsi les si riches paroles de l’Ange au cours de ces deux apparitions ne sont pas dans le film. Or dans celle de l’été, l’Ange donne la définition des sacrifices à faire pour les pécheurs. Et dans celle de l’automne, il donne un très bel enseignement sur l’eucharistie. La suppression de ces deux apparitions est très regrettable, car c’est un petit résumé du message de Fatima. De plus, lorsqu’un peu plus tard la mère de Lucie refuse de danser pour fêter le retour du front de plusieurs soldats, on comprend mal d’où vient la réponse de Lucie : « Maman doit faire des sacrifices pour faire revenir Manuel. » Et cette réponse est incorrecte pour plusieurs raisons : d’une part, dans ses mémoires, sœur Lucie ne parle jamais de son frère Manuel, sauf dans le deuxième pour signaler qu’elle était la dernière d’une fratrie de cinq filles et un garçon ; d’autre part, au cours de sa deuxième apparition, l’Ange demanda de faire des sacrifices pour obtenir la conversion des pécheurs : « Offrez constamment au Très-Haut des prières et des sacrifices. (…) De tout ce que vous pourrez, offrez à Dieu un sacrifice en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs. (…) Surtout, acceptez et supportez, avec soumission, les souffrances que le Seigneur vous enverra. »
Cette première partie du film met donc mal à l’aise. Heureusement, la suite corrige ce début malheureux, mais pas complètement.
VIVANT
Merci d’avoir pu entrer dans un commentaire éclairé et éclairant du film.