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Culture de mort : Euthanasie

22 % des médecins en soins palliatifs prêts à démissionner, 52 % utiliseront la clause de conscience

22 % des médecins en soins palliatifs prêts à démissionner, 52 % utiliseront la clause de conscience

Le projet de loi sur la fin de vie, qui arrive actuellement à l’Assemblée où il sera discuté en commission spéciale, ne passe pas chez les soignants. Gènéthique analyse :

Alors que le projet de loi sur la fin de vie a été présenté en conseil des ministres ce mercredi 10 avril, les résultats d’une nouvelle enquête de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), menée auprès des acteurs en soins palliatifs, viennent d’être révélés. Elle s’inscrit dans la continuité d’une première enquête qui avait été réalisée en 2021.

Les résultats montrent une forte réticence face à une possible évolution de la loi qui aurait des effets délétères sur la pratique des soins palliatifs.

Permettre à chacun de donner son avis

Afin de refléter une position la plus complète possible, la consultation a été réalisée en ligne auprès des soignants et des bénévoles, qu’ils soient adhérents ou non de la SFAP, entre fin février et mi-mars 2024.

2 297 d’entre eux ont répondu, parmi eux 29 % d’infirmiers (IDE) et de cadres de santé, 23 % de médecins, 21 % de bénévoles, 9 % d’aides-soignants et 6 % de psychologues. La majorité d’entre eux (63 %) ne sont pas adhérents à la société savante, et la plupart exercent en unités de soins palliatifs (42 %) ou en équipe mobile de soins palliatifs (32 %), mais avec une diversité géographique de lieux d’exercice.

Avec les gériatres, les acteurs des soins palliatifs sont les plus confrontée à la mort. « Prendre la mort en pleine face, ce n’est pas le quotidien de tout le monde » souligne Claire Fourcade, la présidente de la SFAP. Avec cette enquête, la SFAP entend à la fois mieux comprendre les positionnements professionnels vis à-vis des orientations qui se dessinent avec le projet de loi, et permettre à chacun de donner son avis.

Une grande inquiétude

83 % des bénévoles, infirmiers et médecins interrogés disent être « préoccupés » par le projet de loi qui pourrait légaliser l’euthanasie et le suicide assisté. Ils sont en outre 63 % à être plutôt « insatisfaits » d’une évolution de la loi.

Le sentiment d’inquiétude domine, quelles que soient les générations, même si les jeunes ont une perception un peu moins « négative ». Certains indiquent ainsi que leur « métier sera dénaturé, et [qu’ils vont se] trouver dans des situations humainement et éthiquement très difficile »En outre, comme le relève Claire Fourcade, « les acteurs les plus impliqués dans le processus sont les plus inquiets »Ainsi, l’inquiétude est très marquée chez les médecins en soins palliatifs qui sont en « première ligne ». La moyenne de leurs réponses ne dépasse pas 2, sur une échelle allant de 1 (très inquiet) à 9 (très soulagé).

Provoquer la mort est « inacceptable »

Interrogés sur l’évolution du cadre législatif actuel, 68 % des adhérents de la SFAP (43 % des non adhérents) se disent défavorables à un changement. Il existe toutefois un écart sensible selon les professions : 67 % des médecins sont opposés à une évolution contre 47 % des IDE et cadres.

Le degré d’acceptabilité varie selon le « scenario » retenu. « Dans tous les cas la mort est provoquée. Ce qui pour moi est inacceptable ! » fait toutefois observer un répondant.

54 % des médecins, comme 33 % des infirmiers et cadres de santé ont fait part de leur opposition à la législation du suicide assisté avec une exception d’euthanasie. L’opposition est encore plus forte face la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie à la fois. Elle concerne alors 75 % des médecins, et 53 % des IDE. Le suicide assisté seul est le mieux accepté, mais 34 % des médecins y sont opposés.

80 % des soignants refusent de prescrire, fournir, préparer, administrer le produit létal

Une très grande proportion des répondants sont opposés à la réalisation des actes d’euthanasie ou de suicide assisté. Ainsi, plus de 80 % des soignants adhérents à la SFAP indiquent qu’ils refuseraient de prescrire, fournir, préparer et/ou administrer le produit létal.

« Avant, j’étais urgentiste, j’ai choisi de renoncer à pouvoir guérir » témoigne Claire Fourcade. « Les soignants acceptent cette forme d’impuissance ». Elle ajoute : « cela explique notre refus du pouvoir que donnera ce projet de loi aux médecins ». Pourtant, allant à l’opposé de certains pays, comme la Suisse, où il est interdit aux soignants de participer au suicide assisté, le projet de loi prévoit la participation du personnel médical tout au long de « l’aide à mourir », quel que soit le cadre retenu.

Une fois la personne décédée, 44 % des adhérents de la SFAP disent ne pas être d’accord pour constater un décès par suicide assisté ou euthanasie, et 49 % être opposés au fait de constituer le dossier médical. Selon Claire Fourcade, ces réponses témoignent du « déchirement » qui traverserait les soignants face à cette situation.

La clause de conscience vient « casser le sens de l’engagement »

Alors que le projet de loi prévoit l’existence d’une clause de conscience, 52 % des médecins, 51 % des infirmiers, et 22 % des autres professions indiquent qu’ils utiliseront cette clause de conscience.

32 % des médecins, ainsi que 19 % des infirmiers et cadres de santé, ont également dit être inquiets sur la « solidité » de la clause de conscience, et ne pas ce sentir protégés par cette clause. « Ce n’est pas qu’ils ne font pas confiance à la clause de conscience » explique la présidente de la SFAP, mais « la seule promesse qu’ils font au quotidien [à leurs patients], c’est d’être là jusqu’au bout et de ne pas abandonner. Une clause de conscience protège le soignant mais au prix de la trahison de cette promesse ». Elle vient « casser le sens de l’engagement ». « Autant s’en aller tout de suite, par crainte que son utilisation vienne trahir cet engagement » prévient Claire Fourcade.

Les réponses des soignants montrent aussi leur crainte que les futurs clauses de conscience ne soient pas respectées, ou que le législateur veuille revenir dessus, à l’exemple de ce qui peut se passer pour la clause de conscience existant pour les avortements.

De forts impacts sur la pratique des soignants

L’étude témoigne globalement d’une grande appréhension des conséquences de la loi. Seuls 13 % des médecins et 14 % des infirmiers se disent prêts à intégrer l’évolution législative dans leur pratique professionnelle. Une part non négligeable des soignants : 22 % des médecins, 17 % des infirmiers et cadres se disent prêts à démissionner de leur poste en cas d’adoption de la loi.

L’impact du projet de loi dans leurs pratiques est souligné par la quasi-totalité des répondants (92 %). 68 % des médecins, 57 % des infirmiers et 45 % des autres professions estiment qu’il y a un risque de division ou de tension dans les équipes. 47 % des médecins, 38 % des IDE considèrent même qu’il y a un risque de démission dans leurs équipes. « Ce nouveau sujet de friction, une part importante des équipes le redoute » souligne Claire Fourcade car « la promesse du non-abandon ne peut se faire qu’en équipe, c’est une promesse collective ». […]

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3 commentaires

  1. Dans ces proportions, le risque pour le chef de l’Etat est seulement un risque électoral, à quelques semaines des élections européennes (mais elles ne recueillent que 50% de participation, autant dire que les Français n’en feront pas un référendum sur l’euthanasie). Puis le sujet sera bien vite oublié en 2026 pour les municipales. Quant à faire rentrer cette loi au passif du bilan de la majorité aux présidentielles de 2027, ce sera sans effet car ce sera déjà de la préhistoire.
    Dans ces proportions et compte tenu de la perméabilité des jeunes générations, l’adhésion de toute une profession deviendra irrésistible avec le temps. Malheureusement, beaucoup de ces jeunes, plus tard, à la veille de leur retraite ou au soir de leur vie seront pris de remords mais ce sera trop tard pour inverser les lois et mentalités.
    Il nous faut néanmoins être les témoins de la vérité et tracter sur les marchés : beaucoup pour notre propre salut, beaucoup pour les malades, un peu pour le corps médical et un peu pour les hommes politiques. En espérant que le Bon Dieu daigne donner un prolongement à nos humbles actions dans le cœur des personnes rencontrées, pour sa plus grande gloire.

    • Oui Armel, beaucoup de pessimisme dans votre premier paragraphe, des remords au deuxième et de l’action à la fin. Sinon, entre avortement et euthanasie, la vie risque effectivement d’être courte, très très courte !

  2. Noé n’a pas eu la prétention d’empêcher le déluge. En revanche il a construit une arche pour sa famille.
    A contrario, Loth cherche à sauver les autres dans sodome et gomorrhe. Non seulement il n’y arrive pas mais il finit même par perdre sa femme.
    Je ne suis ni pessimiste ni rongé par le remords. J’ai tracté et suis encore dispo pour tracter. Les hommes d’armes bataillent et Dieu donne la victoire.

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