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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Benoît XVI et la musique

Benoît XVI et la musique

D’Aurelio Porfiri, éditeur et écrivain catholique italien, pour le Salon beige:

Parmi les nombreux aspects concernant la longue vie de Benoît XVI, je ne pense pas qu’il soit possible d’oublier son amour pour la musique, un amour qu’il avait souvent manifesté à diverses occasions. Il se plaisait à jouer du piano et s’intéressait particulièrement à la musique de Wolfgang Amadeus Mozart, auteur privilégié de nombreux théologiens qui sentaient l’empreinte de Dieu dans sa musique. Il en fut de même pour Joseph Ratzinger et, pour cette raison, à l’occasion de son quatre-vingt-neuvième anniversaire, on lui offrit un concert dans lequel la musique de son bien-aimé Mozart était interprétée.

Mais, certainement, le Pape émérite n’aimait pas seulement la musique instrumentale mais aussi la musique sacrée. Rappelons que son frère Georg était un chef de chœur estimé. Recevant l’Association italienne de Santa Cecilia en 2011, il a déclaré que “la Constitution Sacrosanctum Concilium, conformément à la tradition de l’Église, enseigne que” le chant sacré, uni aux paroles, est une partie nécessaire et intégrante de la liturgie solennelle” (n° 112 ). Pourquoi “nécessaire et intégral” ? Certainement pas pour des raisons purement esthétiques, dans un sens superficiel, mais parce qu’il concourt, précisément par sa beauté, à nourrir et exprimer la foi, et donc à la gloire de Dieu et à la sanctification des fidèles, qui sont le but de la musique sacrée”. Dans la collection de ses ouvrages sur la liturgie, il y a de nombreuses références à la musique sacrée, de nombreuses réflexions vraiment éclairantes sur la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Par exemple, lorsqu’il conteste le fait que certaines musiques entendues aujourd’hui dans l’Église doivent être considérées positivement parce qu’elles sont destinées aux jeunes, disant à juste titre que cette musique n’exprime pas la culture des jeunes, mais celle des grandes sociétés de musique pop.

Une belle méditation faite en 2008 au Collège des Bernardins à Paris, qui part de saint Benoît, nous offre un regard théologique sur la musique sacrée de Benoît XVI : “Pour saint Benoît, la règle déterminante de la prière et du chant des moines est la parole du Psaume : Coram angelis psallam Tibi, Domine – en présence des anges, je veux te chanter, Seigneur (cf. 138, 1). Se trouve ici exprimée la conscience de chanter, dans la prière communautaire, en présence de toute la cour céleste, et donc d’être soumis à la mesure suprême : prier et chanter pour s’unir à la musique des esprits sublimes qui étaient considérés comme les auteurs de l’harmonie du cosmos, de la musique des sphères. À partir de là, on peut comprendre la sévérité d’une méditation de saint Bernard de Clairvaux qui utilise une expression de la tradition platonicienne, transmise par saint Augustin, pour juger le mauvais chant des moines qui, à ses yeux, n’était en rien un incident secondaire. Il qualifie la cacophonie d’un chant mal exécuté comme une chute dans la regio dissimilitudinis, dans la ‘région de la dissimilitude’. Saint Augustin avait tiré cette expression de la philosophie platonicienne pour caractériser l’état de son âme avant sa conversion (cf. Confessions, VII, 10.16) : l’homme qui est créé à l’image de Dieu tombe, en conséquence de son abandon de Dieu, dans la ‘région de la dissimilitude’, dans un éloignement de Dieu où il ne Le reflète plus et où il devient ainsi non seulement dissemblable à Dieu, mais aussi à sa véritable nature d’homme. Saint Bernard se montre ici évidemment sévère en recourant à cette expression, qui indique la chute de l’homme loin de lui-même, pour qualifier les chants mal exécutés par les moines, mais il montre à quel point il prend la chose au sérieux. Il indique ici que la culture du chant est une culture de l’être et que les moines, par leurs prières et leurs chants, doivent correspondre à la grandeur de la Parole qui leur est confiée, à son impératif de réelle beauté”. Des paroles vraiment éclairantes qui nous ouvrent de grandes perspectives théologiques.

Malheureusement, il n’a pas pu faire grand-chose pour la musique sacrée à l’époque où il était pape régnant, car son caractère très délicat et la situation de décadence absolue ne lui permettaient pas de prendre ces décisions fortes et impopulaires qui seraient peut-être nécessaires et qu’il aurait sûrement aimées.

Je voudrais terminer par quelques souvenirs personnels. L’un d’eux évoquait l’époque où il était cardinal et où il m’avait fait convoquer à la sacristie de la basilique Saint-Pierre après avoir joué pour une messe de pèlerins allemands qu’il avait célébrée. Il m’a remercié et m’a montré son grand amour pour la musique sacrée.

Puis je me souviens quand, en tant que Pape, il montrait sa proximité avec la Chapelle Musicale Pontificale dite Chapelle Sixtine, avec des gestes d’une grande délicatesse et sensibilité. Une attention à la musique qu’il manifesta en nommant Cardinal le Maestro Domenico Bartolucci qu’il estimait beaucoup pour sa vie passée au service de la musique sacrée.

Maintenant Benoît XVI écoute la musique des anges et pourra voir de ses propres yeux ce qu’il a désiré et espéré toute sa vie.

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