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France : L'Islam en France

Juin 2023 : Annecy, Nanterre, Conflans, les pièces d’un même puzzle

Juin 2023 : Annecy, Nanterre, Conflans, les pièces d’un même puzzle

De Jérôme Serri, journaliste littéraire et ancien collaborateur parlementaire :

Annecy, le 8 juin 2023 : un réfugié syrien armé d’un couteau a fait six blessés graves, dont quatre enfants de 22 à 36 mois (AFP). L’homme se disait chrétien. Quelques jours plus tard, des témoignages (à vérifier) semblaient démentir cette appartenance que les médias se sentirent apparemment obligés de prendre pour argent comptant. Attendons que la lumière soit faite sur cette affaire aussi tragique que surprenante, en espérant qu’elle le sera !

Au Sénat, quelques jours après le drame d’Annecy, trois sénateurs interrogent la Première ministre, Madame Elisabeth Borne. Le premier, du groupe Les Républicains, sur « l’application des règles du droit d’asile » ; le second, du groupe Union Centriste, sur « la difficile prise en charge psychiatrique préventive » ; et le troisième, du groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires, sur « la nécessité de maintenir une ligne de dignité pour préserver l’unité nationale face à la haine néo-nazie qui s’est déversée en toute impunité dans les rues d’Annecy » au lendemain du drame. Trois façons de d’amener les Français à regarder ailleurs. Une quatrième question, de la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio, du groupe Les Républicains, concernait la lutte contre le port de l’abaya, ce vêtement féminin traditionnel des pays musulmans:

«Madame la Ministre, la semaine dernière sur le site gouvernemental jeveuxaider.gouv.fr, plateforme publique de l’engagement, on pouvait découvrir une jeune fille voilée qui a subrepticement été remplacée, trois jours plus tard, par une autre jeune fille à la tête découverte, alors ma question est simple : Madame la Ministre, comment nous faire croire que le gouvernement lutte contre les abayas lorsqu’il affiche ouvertement sur le site gouvernemental une jeune fille voilée sous le drapeau français, et donc plus globalement quelle est la ligne du gouvernement en matière de lutte contre l’inquiétante offensive islamiste dans notre pays ? »

« Comment nous faire croire… ? », c’est bien la question que se posent les Français mais ils se la posent à propos de toute parole politique qu’elle soit de droite ou de gauche, qu’elle vienne de la majorité ou de l’opposition. Madame Eustache-Brinio a interrogé la ministre de façon bien superficielle. On se demandait, et on se demande toujours, comment la photo d’une jeune fille voilée avait pu être mise en ligne sur un site gouvernemental, même s’il fut procédé trois jours plus tard à son retrait ? Aussi eût-il été plus judicieux de lui poser la question suivante :

« Madame la ministre avez-vous diligenté une enquête dans vos services ? L’autorité de l’Etat a-t-elle été testée jusque dans votre ministère ? Était-ce un nouvel essai après la malheureuse tentative de la Commission européenne en septembre 2022 d’exposer et d’imposer dans une campagne d’affichage une jeune femme voilée ? Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il s’est passé ?»

Madame Eustache-Brinio affirme ne pas avoir été rassurée par la réponse de la ministre qui avait bien évidemment botté en touche. C’est là l’habituel et lassant jeu de rôles qui consiste pour la majorité et l’opposition à se faire mutuellement la leçon en imputant à l’autre une absence de lucidité et de courage. Après ce qu’il s’était passé le 7 juillet 2020 au Sénat, on pouvait s’attendre à ce que Madame Eustache-Brinio fasse profil bas. Mais prendre la parole dans une séance de questions au gouvernement, apparaître à l’écran, diffuser sa propre intervention dans des documents de campagne est tentant à l’approche des élections sénatoriales de septembre prochain. Que s’était-il donc passé ce 7 juillet 2020 ? Madame Eustache Brinio et ses collègues sénateurs prirent acte des camouflets qu’ils essuyèrent de la part du CCIF et de l’ex-UOIF sans réagir. Personne n’en parla. C’est en naviguant sur le site du Sénat qu’on découvre le pot aux roses. Le début du compte rendu de la présentation du rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur la radicalisation islamiste devant ses membres est d’autant plus édifiant qu’au mois d’octobre suivant Samuel Paty sera assassiné par un islamiste et le CCIF, rapidement pointé du doigt :

Mme Nathalie Delattre, présidente (RDSE – Rassemblement Démocratique et Social Européen).

« Deux auditions n’ont pu se dérouler dans de bonnes conditions. La première, celle du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), nous a mis face à deux personnes envoyées par l’association, mais qui n’en étaient pas représentantes – c’était au moins le cas pour l’une des deux. Nous avons écrit au CCIF, qui nous a répondu qu’il pensait pouvoir nous recommander des personnes à rencontrer, mais qu’il ne pensait pas que c’était lui-même que nous souhaitions auditionner. Chose extraordinaire ! La réponse édifiante, et par ailleurs victimaire, du CCIF est révélatrice. Je vous propose que nous l’annexions à notre rapport.

Jean-Yves Leconte (SOCR – Socialiste et Républicain).

« – N’est-ce pas obligatoire de se présenter devant la commission d’enquête ?

Mme Nathalie Delattre

« – Oui, c’est une obligation à laquelle on ne peut se soustraire. Nous nous réservons le droit d’envisager des suites. L’autre audition qui n’a pu se tenir est celle du président de l’ex-Union des organisations islamiques de France (UOIF), aujourd’hui Musulmans de France, qui était injoignable, prétextant que le secrétariat n’était pas ouvert à cause de la crise sanitaire. Même les ministres se sont rendus disponibles dans un calendrier contraint. Je souhaite que cet état de fait soit noté dans notre dossier. »

Un autre sénateur, Alain Cazabonne (UC – Union Centriste), reviendra un peu plus loin sur la question des « suites » à donner à cette non-comparution :

« Quant aux personnes qui ne sont pas venues témoigner devant notre commission, il faut marquer le coup. »

La présidente n’y prêtera même pas attention.

La formule de Nathalie Delattre est révélatrice. « Nous nous réservons le droit d’envisager des suites », en d’autres termes : « nous nous sommes couchés, mais nous nous réservons le droit de nous relever ». Depuis quand le courage se conjugue-t-il au futur ? Rappelons ce que sont les « suites » dont parle la présidente puisqu’elle ne le fait pas : « La personne qui ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment devant une commission d’enquête est passible de deux ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ». Précisons que le droit de poursuivre en justice toute personne qui contrevient à cette obligation est le seul pouvoir coercitif accordé au parlementaire. Comment celui- ci peut-il se permettre de faire la leçon aux membres de l’exécutif quand il n’a pas lui-même le courage de faire respecter l’institution à laquelle il appartient ?

Revenons quelques années en arrière. Septembre 2014, veille des élections sénatoriales : « Le Sénat peut relever la République ». C’était le slogan de campagne de Gérard Larcher, candidat à sa propre succession, après l’intermède de trois ans d’une présidence socialiste. Six ans plus tard, en 2020, le rapport de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste lui est remis. Ne l’aurait-on pas informé que les représentants du CCIFet de l’ex-UOIF ne s’étaient pas présentés devant la commission ? Que le Sénat puisse fermer les yeux sur ces camouflets n’est tout de même pas la façon dont son Président entendait pouvoir relever la République !

Trois mois plus tard, le 16 octobre, Samuel Paty est décapité à la sortie de son collège à Conflans- Sainte-Honorine, dans le département où Gérard Larcher est élu. Au lendemain de cet assassinat, le ministre de l’Intérieur demandait la dissolution du CCIF qu’il avait dans le viseur depuis un an. Que s’était-il passé ? Gérald Darmanin expliqua que

« le parent d’élève qui avait lancé une fatwa contre ce professeur avait très clairement fait référence au Collectif Contre l’Islamophobie en France ».

Madame Eustache-Brinio, qui fut le rapporteur de cette commission d’enquête sur la radicalisation islamiste, peut bien déplorer aujourd’hui que ce collège ne porte toujours pas le nom de Samuel Paty, que l’abaya ne soit pas interdite, que la photo d’une jeune fille voilée ait été mise en ligne sur un site gouvernemental. Que n’a-t-elle, en tant que rapporteur, conseiller la fermeté à ses collègues ! Que ne les a-t-elle convaincus de donner des « suites » à l’inacceptable désinvolture du CCIF à l’égard de leur institution !

Mai-juin 2023 : Répondant à l’attente de la sœur de Samuel Paty, le sénateur Henri Leroy écrivait le 9 mai dernier au Président du Sénat pour lui demander la création d’une commission d’enquête « sur les dysfonctionnements de l’Etat qui n’ont pas permis d’éviter » l’assassinat de son frère. Le 15 juin, le Sénat approuva à main levée la création de cette commission. Interrogé, le sénateur Henri Leroy expliquait qu’elle allait « permettre d’éclairer les zones d’ombre de cette affaire, des zones d’ombre inexpliquées, inexplicables et intolérables » qui « ont contribué à laisser un homme seul face au danger ». Difficile d’imaginer que la sœur de Samuel Paty ait été informée de l’inconséquente passivité des membres de la commission d’enquête sénatoriale de 2020 ! Notons tout de même que si le sénateur Henri Leroy est membre du groupe Les Républicains, il n’avait pas pris part aux travaux de cette commission.

Fin juin 2023, trois semaines après le drame d’Annecy, nuits d’émeutes un peu partout en France provoquées par la mort à Nanterre, le 27 juin, d’un jeune français d’origine magrébine tué par un tir de policier lors d’un refus d’obtempérer. On est loin, avec ces émeutes, de cette prétendue « haine néo-nazie » que le Président du groupe Ecologiste du Sénat disait s’être « déversée en toute impunité dans les rues d’Annecy » au lendemain du drame, loin de cette « nécessité de maintenir une ligne de dignité » dont il parla en pointant la colère des habitants de la Ville. Il y a d’ailleurs fort à parier que son sens de la dignité va lui donner l’occasion de s’inquiéter du regain d’antisémitisme qui accompagne ici et là les émeutes.

Il n’y a bien sûr aucune relation directe de cause à effet entre tous ces faits. Ce sont là néanmoins les pièces d’un puzzle cohérent qu’assemble jour après jour, et ce depuis des décennies, la grosse main molle de la lâcheté. D’Annecy à Nanterre en passant par le Sénat et le collège de Conflans-Sainte- Honorine, le fil rouge en ce mois de juin est le constat amer et inquiétant d’une France qui ne cesse de se mentir à elle-même par l’intermédiaire d’hommes et de femmes qui, incapables de gouverner, s’entredéchirent pour occuper le pouvoir. Si « la politique, comme la définissait le cardinal de Richelieu, est l’art de rendre possible le nécessaire », il est évident qu’aussi longtemps que ce qui est nécessaire pour le pays (but à atteindre et moyens à mettre en œuvre) n’aura pas été défini avec courage et précision devant l’ensemble des citoyens et avec eux, la France continuera de se déliter jusqu’à sa ruine, comme nation une et indivisible.

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2 commentaires

  1. “Que n’a-t-elle, en tant que rapporteur, conseiller la fermeté à ses collègues !”
    Littéraire, vraiment?

  2. blabla habituel, toujours pas d’actes pour protéger les français

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