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L'Eglise : Foi

La bienheureuse Marie toujours vierge

A quelques jours de la grande fête de l’Assomption, une double nouvelle :

  • Le linguiste Christophe Rico vient de publier un nouveau texte passionnant et une nouvelle fois en décalage complet par rapport aux exégètes modernes, et en accord complet avec la tradition. Il s’agit de la fameuse phrase « la vierge concevra », d’Isaïe, le mot hébreu étant alma. Pour TOUS les exégètes modernes, et donc dans TOUTES les traductions modernes (sauf la traduction liturgique qui a tout récemment repris « la vierge » pour éviter la contradiction avec la citation qu’en fait saint Matthieu- et aussi Segond 21, me fait-on remarquer), alma est une « jeune femme » – ce qui rend sans aucun intérêt la prophétie d’Isaïe puisque des jeunes femmes enceintes il y en a tout le temps – et la rend absurde puisque cette banalité est annoncée avec une grande solennité. Christophe Rico prouve, par un travail inédit sur les textes hébraïques (et grecs et latins et syriaques), que « alma » veut bien dire « vierge », et précisément « adolescente vierge ». Et que saint Jérôme avait donc raison d’insister sur ce point et de défendre sa traduction, et que la tradition avait raison de dire comme lui. (Christophe Rico a même trouvé des textes de rabbins juifs du moyen âge – dont Rachi – qui admettent à leur corps défendant que « alma » implique la virginité, sachant qu’ils font ainsi un énorme cadeau aux chrétiens.) Au passage, Christophe Rico montre que le texte massorétique de Proverbes 30,19, qui est incompréhensible, est mal vocalisé, et que, une fois encore, c’est saint Jérôme qui a raison, ou plutôt qui avait une version bien vocalisée permettant de comprendre l’enchaînement des idées et l’unité de la triple et quadruple sentence. C’est un texte de 80 pages pas toujours facile à lire (et dont certains développements paraissent hors de proportion, notamment sur les titres des psaumes), mais pour quiconque s’intéresse à la question c’est désormais un texte fondamental.
  • Une vieille attaque contre la virginité perpétuelle de la très Sainte Vierge a été balayée par la découverte archéologique d’une tombe juive en Egypte à Tell el-Yahoudieh, rattaché à l’ancienne Léontopolis. Elle présentait une inscription en grec qui a été publiée en 1922.Depuis des siècles, les adversaires de la virginité perpétuelle de Marie abusent du texte de saint Luc, chapitre 2, verset 7 : « Elle (Marie) mit au monde son fils premier-né ». Ils reprennent à leur compte le mot de Lucien de Samosate (c. 120 – c. 180), qui ne parlait d’ailleurs pas du Christ : « S’il est premier, il n’est pas seul ; s’il est seul, il n’est pas premier ». Helvidius (c. 340 – c. 390), théologien romain, considéré comme hérétique par saint Augustin, affirmait que la Vierge Marie a eu des enfants après son enfantement virginal, enfants qu’elle aurait eu de saint Joseph, en s’appuyant sur le texte de saint Luc et le terme de premier-né. Saint Jérôme le réfuta brillamment, montrant que, selon l’usage biblique, le premier-né « n’est pas seulement celui qui a des successeurs, mais aussi bien celui qui n’a pas de prédécesseur ». En ce sens, premier-né n’est pas exclusif d’unique. Saint Jérôme n’eut aucune peine à trouver de multiples exemples de son affirmation. L’usage biblique ne laisse place à aucune hésitation : premier-né est en usage dans la loi mosaïque pour désigner cet enfant qui possède tous les privilèges inhérents à la qualité de premier-né, et qui impose à ses parents tous les devoirs fixés par la Loi, dès lors qu’il est né premier, l’aîné, indépendamment de toute naissance ultérieure. Les pères postérieurs reprennent cette explication de saint Jérôme. Ainsi saint Basile explique que quand l’évangéliste appelle Jésus le fils premier-né de Marie, « ce terme n’implique nullement une relation à d’autres qui seraient nés après lui ; mais celui-là est appelé premier-né qui, le premier, ouvre le sein maternel ». Saint Jean Damascène dit de même : « Premier-né est celui qui est né le premier, qu’il soit fils unique ou qu’il soit l’aîné d’autres frères ». Tous les théologiens et commentateurs catholiques resteront fidèles à cette interprétation. Cependant, même si un certain nombre de protestants ne se sont pas écartés de la tradition et de la raison sur ce point, un nombre plus grand d’exégètes protestants ou rationalistes n’ont cessé de reprendre l’argument d’Helvidius. Tels Frédéric Godet (1812-1900) : « Le terme de premier-né suppose naturellement que Marie a eu d’autres enfants après celui-ci ». Ou encore Hermann Usener (1834-1905) : « Jésus fut le premier fruit du mariage légitime de Joseph et de Marie ; cela est dit en paroles très claires Lc 2, 7 : “Et elle enfanta son fils premier-né” ; l’Evangéliste dit premier-né et non unique… Jésus est donc reconnu pour être l’aîné des fils et des filles de Joseph, que l’Evangile lui-même mentionne ailleurs ». Il faut malheureusement ajouter à cette liste des théologiens qui se disent catholiques, tel John Paul Meier (né en 1942), prêtre de l’archidiocèse de New York et professeur d’exégèse à l’université Notre-Dame (Indiana). Dans le premier volume de son ouvrage fleuve : Un certain juif, Jésus. Les données de l’histoire, après quelques formules de précaution il finit par conclure que l’opinion la plus probable est que « les frères et sœurs de Jésus étaient de vrais frères et sœurs ». Nonobstant le fait que la virginité perpétuelle de Marie est un dogme de foi catholique !

    Ceci posé, revenons à l’épitaphe funéraire. Elle est datée de l’an 5 avant Jésus-Christ et s’apitoie sur le sort d’une défunte. « Voici la tombe d’Arsinoé, ô passant. Pleure, en considérant combien elle fut malheureuse, infortunée, accablée par le destin ». L’inscription passe à l’interpellation par la morte elle-même : « Encore petite, je demeurai orpheline de ma mère. (…) Mon père Phabeiti me donna un mari. Mais dans les douleurs de l’enfantement de mon enfant premier-né, le sort me conduisit au terme de la vie ».

    Ainsi, cet enfant premier-né, dont la naissance coûta la vie à sa mère, fut le premier et le seul, ce qui répond au (faux) dilemme de Lucien. Le terme est ici utilisé au sens biblique, il n’est pas besoin de discuter longtemps pour le comprendre. Ainsi, il est entièrement prouvé que saint Luc a pu appeler Jésus-Christ le fils premier-né de Marie, plutôt que son fils unique, tout en sachant pertinemment que, non seulement le fait, mais encore la possibilité d’enfants ultérieurs de Marie était exclue.

    Il a pu le faire, soit en employant le terme de premier-né au sens qui était en usage chez les Juifs de son époque, soit en utilisant une source qui contenait le mot hébreu ou araméen correspondant, et en le traduisant avec les Septante – version grecque de l’Ancien Testament du IIIe siècle avant notre ère – par premier-né.

    De toute façon, l’emploi de ce terme, en Lc 2, 7, est aussi peu en opposition avec la croyance à la virginité perpétuelle de Marie, qu’il ne l’est, dans l’épitaphe de Tell el-Yahoudieh, avec la certitude absolue qu’Arsinoé n’aurait point d’autres enfants…

    La virginité de la Vierge Marie a été ainsi vengée des affirmations de pseudo-savants incroyants, et a humilié la superbe de la critique rationaliste, dont la pauvreté intellectuelle était une offense à la raison.

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