Alors que le secrétaire général de la conférence des évêques d’Italie, Mgr Nunzio Galantino – nommé à ce poste en 2014 par le pape François – vient de qualifier la Réforme de Luther d’« événement du Saint-Esprit », le cardinal Gerhard Müller vient de tenir sur la rupture protestante il y a 500 ans un langage beaucoup plus… catholique. Dans une tribune publiée ce mardi par La Nuova Bussola Quotidiana, répondant directement et ouvertement à cette assertion, le cardinal Müller a souligné qu’il ne s’agissait pas d’une réforme, mais d’une révolution. Jeanne Smits a traduit l'article ici. Extrait :
"Il y a une grande confusion aujourd’hui dans le discours sur Luther, et il faut dire clairement que du point de vue de la théologie dogmatique, du point de vue de la doctrine de l’Eglise, il n’y eut pas en réalité une réforme mais une révolution, c’est-à-dire un bouleversement total des fondements de la foi catholique. Il n’est pas réaliste de prétendre que son intention était de lutter contre certains abus relatifs aux indulgences, ou contre les péchés de l’Eglise de la Renaissance. Les abus et les mauvaises actions ont toujours existé dans l’Eglise, et pas seulement à la Renaissance, – il en existe même de nos jours. Nous sommes la Sainte Eglise par la grâce de Dieu et des sacrements, mais tous les hommes d’Eglise sont pécheurs, tous ont besoin de pardon, de la contrition et de la pénitence.
Cette distinction est très importante. Dans le livre écrit par Luther en 1520, De captivitate Babylonica ecclesiae, il semble tout à fait clair que Luther a tourné le dos à tous les principes de la foi catholique, de l’Ecriture Sainte, de la Tradition apostolique et du magistère du Pape et des Conciles, et de l’épiscopat. En ce sens, il a travesti le concept de développement homogène de la doctrine chrétienne, tel qu’on l’a explicité au Moyen Age, en venant jusqu’à nier le sacrement, signe efficace de la grâce qui s’y trouve ; il a remplacé cette efficacité objective des sacrements par une foi subjective. Ce faisant, Luther a aboli cinq sacrements, et il a aussi nié l’Eucharistie : le caractère sacrificiel du sacrement de l’Eucharistie, et la transformation réelle de la substance du pain et du vin en la substance du corps et du sang de Jésus-Christ. Et encore : il a qualifié le sacrement de l’ordre épiscopal, le sacrement de l’ordre, d’invention du pape – défini comme l’Antichrist – et comme ne faisant pas partie de l’Eglise de Jésus-Christ. Nous disons au contraire que la hiérarchie sacramentelle, en communion avec le successeur de Pierre, est un élément essentiel de l’Eglise catholique, et pas seulement un principe d’organisation humaine.
C’est pourquoi nous ne pouvons pas accepter que la réforme de Luther soit définie comme une réforme de l’Eglise au sens catholique. Est catholique une réforme qui est un renouvellement de la foi vécue dans la grâce, dans le renouvellement des coutumes, de l’éthique : un renouvellement spirituel et moral des chrétiens ; pas une nouvelle fondation, une nouvelle Eglise.
Il est donc inacceptable d’affirmer que la réforme de Luther « était un événement du Saint-Esprit ». Au contraire, elle était dirigée contre le Saint-Esprit. […]
On entend beaucoup de voix qui parlent de Luther avec trop d’enthousiasme, sans connaître exactement sa théologie, ses polémiques et les effets désastreux de ce mouvement qui a séparé des millions de chrétiens de l’Eglise catholique. […]"