Un entretien avec le Figarovox de Claire Fourcade, docteur à la Polyclinique Le Languedoc à Narbonne. Elle exerce depuis plus de 12 ans en service de soins palliatifs, expérience qu'elle relate dans son livre «1001 vies en soins palliatifs» paru en 2012 aux éditions Bayard. Pour elle, ce qui manque aux soins palliatifs en France est une réelle volonté politique :
"La France a une pratique de la médecine palliative qui s'est développée beaucoup plus tardivement et plus lentement que chez nos voisins anglo-saxons. Notre société n'a pas fait le choix, dans un contexte de ressources contraintes, d'attribuer à cette discipline des moyens permettant de répondre à l'ensemble des besoins des patients, même si beaucoup a été fait depuis 15 ans. […]
Malgré un «programme national de développement» mis en place à partir de 2008, les sages ont remarqué qu'en 2014 «aucune estimation globale du nombre de personnes ayant effectivement bénéficié de soins palliatifs sur une année donnée n'est disponible». Comment expliquez-vous ce manque de données? D'où viennent les blocages?
Ce dernier plan de développement s'est achevé en 2012 sans être prolongé. Les réticences de notre société à envisager la mort expliquent probablement en grande partie cette carence et ce manque de volonté politique. Les soins palliatifs continuent encore trop souvent d'être un pis-aller qui ferait suite à l'échec de la médecine curative alors qu'ils pourraient être proposés bien plus tôt dans l'accompagnement des maladies graves, en offrant aux patients une prise en charge globale qui comprenne l'ensemble des difficultés auxquelles ils sont confrontés.
Permettre l'accès à des soins palliatifs pour tous nécessite d'abord une volonté politique et des budgets adaptés. Un meilleur contrôle de l'utilisation des ressources allouées permettraient également d'éviter que certains budgets ne puissent être utilisés à d'autres fins que celles prévues, dans un contexte de forte contrainte économique pour les établissements de santé. Les équipes de soins palliatifs ne reçoivent pas toujours l'intégralité des moyens qu'ils devraient recevoir.[…]
La proposition de loi sur la fin de vie de Mrs Léonetti et Claeys ne modifie pas à mon sens les grands équilibres de la loi de 2005. Elle vient répondre à certaines inquiétudes de nos concitoyens (par exemple sur la question de la sédation) et préciser certains dispositifs (comme les directives anticipées). Néanmoins, ces questions sont extrêmement complexes et la vigilance sera de mise tout au long des débats pour éviter que des formulations imprécises ne conduisent à des dérives, dans la pratique de la sédation en particulier. […]
Nous essayons de ne jamais oublier que chacune des décisions uniques que nous prenons pour des patients uniques vient dire aussi à tous l'attention que notre société porte aux plus vulnérables."