Mot de clôture du 42e pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté, prononcé par l’abbé Jean de Massia, aumônier général de l’association, en la cathédrale de Chartres lundi 20 mai :
Ami pèlerin !
La messe s’achève, mais reste encore un instant. Après la procession, je t’encourage à entrer dans la cathédrale ; alors s’achèvera vraiment ton pèlerinage. En y pénétrant après 3 jours d’efforts, tu goûteras l’espace d’un instant, un infime mais authentique aperçu de ce que sera la joie du Ciel, le sentiment d’être enfin à la maison, avec le Christ. Mais aussi, tu éprouveras en ce lieu l’impression rassurante d’une familiarité, d’une communion de foi à travers les siècles, en découvrant que ces vérités que tu as médités sur la mort, l’Enfer, le Ciel, la fin du monde, prennent vie ici dans la pierre et le vitrail, les mêmes depuis 8 siècles, les mêmes depuis 20 siècles.
En témoigne le célèbre tympan du jugement dernier qui se dresse au portail sud, ou sous le Christ juge et l’archange saint Michel, apparaissent les deux chemins de la destinée humaine, l’un conduisant les méchants dans la gueule de l’Enfer, l’autre menant les justes vers l’éternité bienheureuse du Paradis. Deux chemins : telle est la foi, la même hier et aujourd’hui.
Hélas, la pensée du jugement, le désir de la Cité Sainte a abandonné le cœur des hommes, et le passant qui aujourd’hui contemple ce porche n’y voit parfois que fables et légendes, ou contes pour enfants. Que faire, pour que ces pierres parlent à nouveau aux cœurs des hommes ? La cathédrale nous livre une réponse. Toujours au porche sud, mais cette fois-ci à l’intérieur, juste sous la rosace de l’Apocalypse montrant le Christ en gloire dans la cité sainte, les bâtisseurs ont légués aux générations futures une scène étonnante : le vitrail des 4 évangélistes du Nouveau testament, montés tels des enfants sur les épaules des quatre grands prophètes de l’Ancien : des nains juchés sur des épaules de géants, illustration profonde de la transmission de la foi. Comme si la cathédrale te disait : pèlerin ! Accepte de recevoir, de monter tel un enfant sur les épaules des anciens pour te laisser enseigner, pour être un maillon de cette chaîne ininterrompue de témoins ardents qui, depuis Jésus-Christ, reçoivent fidèlement puis répètent intégralement aux générations suivantes la même vérité qui sauve, enseignent le catéchisme aux enfants, leur font aimer le Ciel mais aussi craindre l’Enfer, rayonnent autour d’eux et témoignent du fait que tout cela est vrai, que ce ne sont pas des fables, que c’est du réel et le plus essentiel qui soit, puisqu’il s’agit du salut éternel.
La foi n’est pas un marché dont on prend ce qui plait et rejette ce qui fâche, dont on adapte le contenu en fonction de l’air du temps, non la foi est adhésion à Jésus-Christ, et à tout son message. Oui, depuis la Pentecôte le Christ suscite des témoins ardents, pour que les vérités de l’évangile ne tombent pas dans l’oubli, pour que les hommes sachent quelle est la splendeur de la destinée que Dieu a préparé à ceux qu’il aime parce que oui, il les aime et a payé de sa vie cet amour ; mais aussi des témoins courageux qui osent dire à la face de l’athéisme contemporain que la vie comporte un risque réel, que ces deux chemins du tympan du porche sud existent vraiment, que le péché est grave et peut mener à l’Enfer, et qu’il y a aujourd’hui des crimes qui se déguisent en bien et dont l’injure crient vers le Ciel ; et que Dieu, à la fin, jugera, récompensera les bons et châtiera les méchants impénitents qui auront résisté jusqu’au bout à son amour. « Telle est la vérité, le reste est imposture. »
Toi aussi, pèlerin, tu sais que ton cœur est à la croisée de ces deux chemins du tympan du porche sud, tu sais les combats qu’il te faudra mener dès demain, et la grâce qu’il te faudra demander, car nul n’est assuré, par ses propres forces, du salut de son âme. Mais nous avons pèleriné et nous reviendrons, nous avons fait pénitence pour expier nos péchés, nous avons prié, et cela compte aux yeux de Dieu. Et surtout, surtout, nous avons confié l’ultime issue de nos vies entre les mains de Marie, qui veille sur nous maintenant, et à l’heure de notre mort ; et cela nous suffit pour repartir d’ici l’âme en paix, avec au cœur les mots par lesquels Péguy achevait sa Présentation de la Beauce à Notre-Dame :
« O reine qui lisez dans le secret du cœur, vous savez ce que c’est que la vie ou la mort ; nous vous prions pour nous. Quand nous aurons joué nos derniers personnages, Quand nous aurons posé la cape et le manteau, Quand nous aurons jeté le masque et le couteau, Veuillez vous rappeler nos longs pèlerinages. Quand nous retournerons en cette froide terre, Veuillez vous rappeler ce chemin solitaire. Quand on aura sur nous dit l’absoute et la messe, Veuillez vous rappeler, reine de la promesse, le long cheminement que nous faisions en Beauce. Quand nous aurons quitté ce sac et cette corde, Veuillez vous rappeler votre miséricorde. »
Il me reste à remercier le Cardinal Müller : merci éminence, pour votre présence parmi nous, pour la célébration de la messe, pour votre vigoureuse homélie ; merci au nom de tous les pèlerins pour le clair témoignage de la vérité qui nous guide et nous encourage : vous nous rappelez l’importance de la formation dans la foi, et que pour aimer en vérité, il faut connaître droitement.
Merci à vous, cher Monseigneur Christory, et vous cher Père Blondeau, pour votre accueil dans ce trésor de foi qu’est la cathédrale de Chartres : nous vous souhaitons une belle entrée dans l’année jubilaire, qui célèbre à partir de septembre les 1000 ans de la construction de la crypte.
Merci aux très nombreux prêtres, séminaristes, religieux et religieuses qui ont accompagnés les pèlerins, et les ont aidé à contempler les choses d’en Haut.
Merci enfin à l’organisation du pèlerinage, aux directions des pèlerins et des soutiens, à tous les bénévoles, qui ont su relever un défi inédit devant l’affluence des pèlerins cette année.
Je salue également tous les pèlerins anges gardiens qui nous ont suivis et portés par leur prière tout au long du pèlerinage ; et je vous donne rendez-vous, chers pèlerins, l’année prochaine pour le 43ème pèlerinage de Chrétienté dont le thème sera : « Pour qu’il Règne, sur la terre, comme au Ciel » !
Notre Dame de Paris, priez pour vous, Notre Dame de Chartres, priez pour nous Notre Dame de la sainte Espérance, convertissez-nous.