Le Cardinal Agelo Scola, archevêque de Milan, a donné la première conférence de Carême à Notre-Dame de Paris, sur le thème « Éthique chrétienne et vie en société ? ». Le Cardinal a redéfini le sens du terme solidarité, trop souvent galvaudé :
"Parler de manière crédible de la solidarité […] signifie contourner deux obstacles majeurs, qui sont désormais des lieux communs du discours dominant : d’une part, la solidarité comme un terme purement rhétorique, sentimental, une invitation à « faire du bien », et, d’autre part, la solidarité comme un faux nez du capitalisme, une sorte d’étiquette destinée à maquiller un modèle économique souvent brutal, en échangeant des richesses contre des «aides humanitaires». Il est bien évident, dans un cas comme dans l’autre, qu’il ne se trouve aucune exigence éthique, et encore moins d’espérance spirituelle […].
Les principes de la doctrine sociale de l’Église, comme le rappelle le Compendium (§ 162-163), principes au nombre desquels se trouve évidemment la solidarité, doivent toujours être compris dans leur unité, leur interaction et leur articulation. Considérer à part le seul concept de solidarité est donc déjà une erreur : c’est pour cela que le pape Benoît XVI, à la quatorzième session de l’Académie pontificale des sciences sociales, a souligné que la solidarité était indissociable de trois autres concepts fondamentaux de la doctrine sociale : le bien commun, la subsidiarité et la dignité humaine.
L’idée est en effet la suivante : pour qu’on puisse parler de solidarité, il faut reconnaître un bien social commun, qui est surtout le bien de l’être-ensemble (en commun). La solidarité est l’expression du partage de ce bien commun dans les profits et les charges sociaux. D’autre part, si nous voulons jouir de ce bien commun sans léser la dignité humaine, il convient de ne pas mépriser (de façon paternaliste) les acteurs sociaux : c’est à cela que sert la subsidiarité, qui exprime l’initiative (personnelle ou collective), fondamentale, et ne pouvant pas se réduire à la société prise dans son ensemble. La construction articulée qui en ressort est en forme de croix ; Benoît XVI a même dit : «Nous pouvons tracer les interconnections entre ces quatre principes en plaçant la dignité de la personne au point d’intersection de deux axes, un axe horizontal qui représente la « solidarité » et la « subsidiarité », et un axe vertical, qui représente le bien commun ».
Ce schéma contient donc deux axes que nous devons suivre si nous voulons abolir les lieux communs du discours sur la solidarité.
- sur l’axe horizontal : on ne peut pas respecter la dignité humaine (autre lieu commun ) si l’on n’est pas solidaire de ceux qui sont en difficulté : mais une solidarité authentique doit respecter la liberté d’initiative des personnes. Si la subsidiarité est la garantie du droit irréductible de la personne à être un acteur et non pas un objet dans la société, la solidarité est la garantie de l’appartenance à cette société : c’est une double dimension, qu’il convient d’exprimer et de respecter si l’on veut garder à la personne humaine toute sa dignité dans les relations sociales.
- sur l’axe vertical : le bien commun est le bien partagé dans l’agir social, qui n’est pas directement perçu comme un bien possédé, mais qui doit être voulu et recherché : la société est maxime opus rationis, elle est principalement une œuvre de la raison. Au fondement de la société se trouve un bien personnel qui fonde et excède à la fois le bien commun : le bien commun des personnes, ainsi compris, ne s’épuise pas dans un bien historique, mais il reste ouvert en permanence comme le bien des personnes considérées en tant que telles ! De sorte qu’on ne peut pas respecter la dignité humaine dans son intégralité sans esquisser une perspective eschatologique d’achèvement de la personne et de toutes les personnes. […]"
HS
Magistral et stimulant! Conférence prolongée sur le plan pratique par la bonne émission de Radio Notre-Dame de ce matin, “Esprit d’entreprise”, consacrée à la doctrine sociale ou plutôt sociétale de l’Eglise, avec des intervenants dynamiques et inventifs ( émission “podcastable”)
luit
Très belle conférence. A écouter également les réponses aux question de l’assemeblé avec un approfondissement sur la subsidiarité,la juste conception de l’objection de conscience (qui ne doit pas se limiter à un pratique individuelle), l’éducation,…