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France : Politique en France

Législatives : la proportionnelle pour enrayer l’abstention

Frédéric Rouvillois analyse dans l'Action Française 2000 le phénomène de l'abstention :

"Le phénomène de l'abstention est évidemment complexe – plus encore que celui du choix du candidat. On peut ne pas aller voter pour d'innombrables raisons, parfois futiles, lorsqu'il fait beau, trop mauvais, ou qu'on est parti en vacances, parfois plus sérieuses – et la science politique oppose ainsi une abstention de consensus à une abstention contestataire de refus du système. Mais avec le cas particulier de l'abstention aux élections législatives, il y a tout de même un élément significatif, qui permet d'éclairer le phénomène : c'est le fait qu'il se répète et qu'il amplifie à chaque consultation. Au début de la Ve République, la participation à la présidentielle et aux législatives était à peu près équivalente, avec un avantage pour ces dernières : même si le président a déjà pris une place prépondérante, les Français sont encore habitués à considérer, comme sous la IIIe et la IVe républiques, les élections législatives comme les seules vraies élections politiquement déterminantes : les élections par excellence. Mais à partir des années soixante-dix et quatre-vingt, les Français perdent cette habitude, tout en prenant de plus en plus conscience que le pouvoir n'est plus au Palais-Bourbon, mais à l'Élysée. Voilà pourquoi la participation aux législatives commence de décliner, alors qu'ils continuent de voter massivement à la présidentielle : on va voter lorsqu'il y a un véritable enjeu. Lorsque que ça n'est pas le cas, on préfère rester chez soi devant Michel Drucker, ou aller à la pêche. […]

Dès lors, quand l'élection présidentielle et les législatives sont décalées dans le temps, la participation à ces dernières peut encore être relativement importante – précisément parce qu' il y a un enjeu politique, comme en 1997. En revanche, lorsque les deux élections sont rapprochées, la présidentielle l'emporte nécessairement en termes de participation, comme en 2007 et en 2012. […] Il est intéressant d'observer aussi que ce phénomène est en contradiction avec le discours politique officiel, qui ne cesse de réclamer une restauration des pouvoirs du Parlement, à laquelle concourent du reste, depuis 1995, toutes les révisions constitutionnelles, notamment celle de 2008. D'un côté, le petit monde politique réclame plus de parlement, et corrélativement, moins de présidence ; de l'autre, les Français continuent d'estimer, au contraire, que l'exécutif présidentiel est l'organe le plus important, le Parlement n'étant plus qu'une institution annexe. Une institution dont la crédibilité et la légitimité démocratique s'émoussent progressivement : qu'en sera-t-il en effet le jour où la participation aux élections législatives tombera en dessous de 50 % ? […]

Nous sommes dans le même cas de figure pour les élections européennes. Les Français ont en effet parfaitement compris que si l'Europe a acquis un poids considérable, ce n'est pas au Parlement européen que se prennent les décisions, mais au Conseil et au sein de la Commission. D'où, là aussi, un effet mécanique sur la participation : cette dernière a perdu 20 points entre les élections européennes de 1979, les premières du genre, en pleine euphorie européiste, et celle de 2009, où l'abstention frôle les 60 %. […]

[L]e scrutin actuel repose sur une ambiguité : s'agit-il de désigner les représentants de la nation ou ceux des circonscriptions, destinés à aller défendre à Paris les intérêts de leurs mandants (l'"assistante sociale" évoquée par Maurras) ? La proportionnelle intégrale avec une circonscription nationale unique (une liste de 577 candidats par formation, chacune ayant un nombre de députés proportionnel au nombre de voix obtenu) mettrait évidemment fin à une telle ambiguité en repolitisant fortement les législatives. Elles redeviendraient comparables à la présidentielle puisque chaque élu l'aurait été, comme le président, par l'ensemble du corps électoral et non plus par 1/577e de celui-ci. […]"

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15 commentaires

  1. “que le pouvoir n’est plus au Palais-Bourbon, mais à l’Élysée.”
    Non. Voir cohabitations.

  2. Il faudrait réduire le nombre de députés, 3OO en cas de proportionnelle intégrale sans lien territorial (ou même 100 pour ajuster exactement le nombre de siège au pourcentage obtenu: 3%des voix = 3 sièges), 400 en maintenant en partie le scrutin actuel avec une dose de proportionnelle.
    La proportionnelle intégrale favorise les apparatchiks: Ségolène Royal, Jacques Lang, François Bayrou seraient aujourd’hui députés avec la proportionnelle intégrale car ils auraient été placés à des places sûres en tête des listes; Alain Juppé n’aurait pas eu à se retirer pour éviter un échec et serait lui aussi toujours député car il aurait été placé en tête de liste UMP ou presque.

  3. Il est vrai que la proportionnelle intégrale possède plusieurs inconvénients: impossibilité d’éliminer circonscription par circonscription des boulets comme Lang, Guéant, Royal ou Bayrou (mais de l’autre côté empêchement de la formation d’un front “ripoublicain”), et surtout élection de députés sans prise en compte de leur circonscription d’origine: imaginons la Creuse, dont les candidats attitrés (du FDG au FN) seraient tous placés en position supérieure à 500; ils n’auraient aucune chance d’être élus, et la Creuse ne serait pas représentée.
    Malgré cela c’est la seule façon pour nous d’être entendus à travers la voix de plus de 2 ou 3 députés…

  4. La proportionnelle intégrale renforce le parisianisme et les logiques d’appareil. Mais permet de sortir du bipartisme. Avec le risque d’assemblées ingouvernables, et de minorités farfelues ou indésirables…

  5. la désaffection pour les législatives vient aussi du fait que l’UMP trahissant systématiquement ses électeurs, pour ces derniers, PS ou UMP c’est un peu pareil. Alors que la la présidentielle c’est le choix d’un homme, ou son élimination comme lors de la dernière

  6. à Pierrot :
    La Creuse n’est, de toute façon, représentée que par UN seul et unique député dans le système actuel.
    Elle ne compte,certes, que 120.000 habitants, mais un seul député pour un département représente une bizarerie…
    Le découpage des circonscriptions serait peut-être à réétudier sans prise en compte de l’échelon départemental ?

  7. Pardon, il fallait lire bizarrerie ( il y avait comme un “r” bizarre ! )

  8. @pmc
    Ce n’était qu’un exemple pour mieux me faire comprendre; je n’ai rien contre la Creuse ^^

  9. Il faut tordre le cou aux mensonges gaullistes et gaulliens qui justifient le scrutin majoritaire à deux tours en mentant sur le scrutin proportionnel : en 1958-1962, il fallait bien accabler la IV ème République pour justifier la Constitution nouvelle qui a aboli le contrôle parlementaire, cassé le rôle du Premier ministre, et concentré tous les pouvoirs dans la technocratie et la Présidence de la République.
    L’alliance des gaullistes et des communistes a autant fait pour affaiblir les gvts de la IVème que les modes de scrutins, qui n’étaient d’ailleurs pas proportionnels, mais fondés sur un scrutin proportionnel ET des apparentements entre listes qui permettaient d’atteindre 50 % des voix et donc de dégager des majorités parlementaires. Il faut donc cesser d’opposer la ”stabilité” de la 5 ème (et Mai 1968 ?) l’instabilité de la 4 ème.
    A part le Royaume Uni, tous le spays européens sont des démocraties avec proportionnelle forte , corrigé de plus (Allemagne) ou moins de majoritaire, selon le système mathématique choisi pour attribuer les sièges non élus à la proportionnelle.
    Nos voisins sont-ils plus mal gouvernés ? Sont-ils des imbéciles moins intelligents que nous ? Ont-ils des institutions plus médiocres ? Peuvent-ils dégager des majorités réformatrices ou comme nous conservatrices du programme de la Résistance qui date maintenant de 60 ans, le fameux ”modèle français” dont nous crevons ? Modèle que malheureusement une partie de la droite nationale, y compris au FN, défend comme ”indépassable” et garant de la survie de la France.
    La proportionnelle à l’allemande qui panache proportionnelle nationale selon la méthode dite de Sainte-Laguë et attribution de sièges au majoritaire de circonscriptions est très équilibrée : elle a permis à de ”petits” partis d’émerger les libéraux et les Verts, die Linke également, et également la droite nationale dans les Länder parfois d’émerger.
    Il faut cesser de répéter des arguments fallacieux, ceux que développent les élus PS et UMP, trop contents de bénéficier d’un système ”majoriatire” qui fait que 40 % des électeurs du premier tour de la présidentielle ne sont pas représentés à l’Assemblée Nationale.
    Oui, BAYROU, M. Le Pen, Mélenchon, et d’autres eussent été élus à la proportionnelle : quand on a obtenu aux alentours de 10 % voire le double à la présidentielle, est-ce scandaleux ?
    Nous devons nous, cathos contestataires du désordre établi, et nationaux revendiquant la parole rendue au peuple, de seriner en boucle la justification institutionnelle du déclin de la démocratie que sanctionne une participation en chute libre depuis 20 ans : les majorités parlementaires ne sont plus que la représentation du tiers des citoyens , au mieux.

  10. Bien évidemment, le scrutin proportionnel à l’échelon national est le seul rationnel. La chambre ne doit pas être le syndicat des territoires, c’est le rôle du sénat de représenter les villes, les départements, les régions.

  11. Entièrement d’accord : le retour à la proportionnelle pour les législatives, comme en Espagne ou en Allemagne, pour ne prendre que deux exemples. Ce serait un premier pas.
    Et une modification de la Constitution pour que les députés soient non plus les représentants de la Nation (ce qu’on nous bassine depuis Sieyès et la Révolution) mais de leur circonscription. Allons plus loin puisque nous y sommes : arrêt des sempiternels redécoupages électoraux et proposition de 4 députés par département, point barre, sans tenir compte de la densité de peuplement car se serait remettre le doigt dans l’engrenage du redécoupage en fonction de…
    En outre, des mandats impératifs, obligeants nos députés à rendre des comptes à leurs électeurs, ce qui nous changerait, forcément, car jusqu’à ce jour le système n’en n’a pas voulu. Par la suite, il sera toujours loisible d’aller plus loin. Là, c’est vraimenr le minimum acceptable pour un retour à plus de vraie démocratie.

  12. Proportionnalité intégrale? Le pays sera ingouvernable, comme au bon vieux temps de la IVe…
    Un Maupéou avait compris sous Louis XV. Mais, voila, y a pas de roi, juste un monsieur-qui-ne-couche-pas-à-l’Elysée.

  13. Il est évident que s’il y avait la proportionnelle, les français retrouveraient le chemin des urnes. A quoi sert de se déplacer si on est certain de ne pas avoir de députés ? (c’est ce que se disent beaucoup d’électeurs)
    En 1986, (proportionnelle) le taux d’abstention n’était que de 21%, donc très bas.

  14. L’argument selon lequel la proportinnelle favoriserait l’instabilité ests faux, historiquement et politiquement faux.
    Les régions connaissaient-elles une “instabilité”?
    absolument pas (proportionnelle intégrale jusqu’aux régionales de 2004 (non comprises)
    Le gouvernement Chirac 1986-1988 ? non plus
    Les Etats étrangers (presque tous ont la proportionnelle) connaissent-ils une instabilité ? en général non.
    etc La proportionnelle connait surtout avantages: celui d’abord de permettre la représentation des français. C’est CA le plus important. Cela s’appelle la démocratie.
    Et après pour avoir des majorités stables, cela oblige les députés à un peu plus de travail! pour une fois!!

  15. L’argument de nombreux abstentionnistes ( dans ma famille ,en particulier ,! )est que quelque soit le parti au pouvoir..il applique quasiment la même politique…évidement car essentiellement d’inspiration franc-mac !

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