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Culture de mort : Euthanasie

Les soins palliatifs transformés en « soins d’accompagnement », “morceau d’anthologie de logorrhée législative bavarde, bureaucratique et inutile”

Les soins palliatifs transformés en « soins d’accompagnement », “morceau d’anthologie de logorrhée législative bavarde, bureaucratique et inutile”

Dans une tribune publiée par Atlantico, le député Patrick Hetzel s’inquiète d’une nouvelle dérive derrière le projet de loi sur l’euthanasie. Extrait :

[…] Pour tenter de convaincre les parlementaires les plus hésitants, le projet consacre tout un chapitre préliminaire aux soins palliatifs. Mais un examen attentif de celui-ci montre qu’ils sont sacrifiés au profit d’une nouvelle notion, les « soins d’accompagnement ». Ces derniers sont appelés à s’inscrire dans une stratégie décennale, morceau d’anthologie de logorrhée législative bavarde, bureaucratique et inutile. Manœuvre de diversion politique prenant en otage les soins palliatifs dans une instance nationale au statut non défini et un plan décennal, ce discours ne doit abuser personne. Le plan vise à la création de maisons d’accompagnement qui ne verront le jour qu’à longue échéance, alors que la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie sera d’effet immédiat. Comment peut-on parler de stratégie à dix ans, quand aujourd’hui 400 personnes meurent chaque jour, sans avoir eu accès aux soins palliatifs ? Qu’il s’agisse de soins palliatifs hier ou de soins d’accompagnement demain, la société attend des crédits et du personnel formé, non des textes déclamatoires et des usines à gaz qui n’ont pas leur place dans une loi. Comment ne pas imaginer que très rapidement, ce soit le manque de moyens, humains et financiers en matière de soins palliatifs, qui conduise par défaut d’accès aux soins, à un recours à l’euthanasie ? Le retard actuel en France en matière de traitement de la souffrance risque de créer un contexte favorable au développement de l’euthanasie parce que les moyens n’auront pas été mis préalablement. Tout ceci est éthiquement extrêmement dangereux. Sans compter que le choix du Président de la République, contrairement d’ailleurs à ce qu’il avait annoncé aux représentants des cultes, d’avoir un seul texte de loi qui comporte à la fois le volet soins palliatifs et le volet euthanasie et suicide assisté est troublant car cela laisse entendre qu’il y aurait un continuum entre soins palliatifs, suicide assisté et euthanasie. Or, éthiquement, il y a là une véritable rupture et le franchissement d’une ligne rouge. Mais, par la présentation même du texte, on cherche à masquer cela afin de rendre le projet plus « acceptable ». Louvoyer lorsque l’on touche aux valeurs fondamentales de la société est éminemment critiquable. Le Président de la République, plutôt que de s’inspirer de Machiavel, ferait mieux de relire celui dont il dit être intellectuellement proche : le philosophe Paul Ricoeur qui a écrit des choses très fortes sur l’éthique du politique.

Enfin les rédacteurs ont été pris à leur propre piège. Tout en se réclamant des droits des patients inscrits à l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, il leur était difficile d’inscrire ces dispositions dans ce même code qui proscrit l’euthanasie. Parce qu’il s’agit de questions de société et non de santé publique, I ’avant-projet a fait le choix de dispositions législatives autonomes. Il en est de même de l’objection de conscience des médecins et des infirmiers. Elle ne figurerait pas dans le code de la santé publique. Cette même gêne se retrouve avec l’impact du suicide assisté et de l’euthanasie sur les contrats d’assurance-vie. Un suicide assisté et une euthanasie ne peuvent être considérés comme une mort naturelle. Il est difficile aussi de les assimiler à une mort violente, puisque cela reviendrait à estimer qu’il n’y a pas de différence entre le suicide et le suicide assisté. Pour cette raison, la clause de bénéfice de l’assurance-vie est renvoyée aux stipulations des contrats d’assurance. Mais permettre à un tiers d’euthanasier une personne et de le faire bénéficier d’une assurance vie, c’est ouvrir la voie à l’abus de faiblesse des patients.

A la différence des lois autrichiennes, belges et espagnoles qui assument pleinement le choix des mots, le texte évite soigneusement d’employer les termes de suicide assisté et d’euthanasie. Les avantages économiques et financiers d’une telle loi pour l’assurance maladie et nos régimes de retraite appartiennent au non-dit mais n’échappent à personne. D’ailleurs les mutuelles ne dissimulent pas leur soutien à cette initiative gouvernementale.  De nouvelles perspectives sont ouvertes pour venir à bout de la surpopulation carcérale, ce dispositif étant appelé à s’appliquer aux personnes condamnées à une détention définitive et à celles placées en détention provisoire. On voit ainsi le signal qu’adresse ce texte avec toutes ses demi habiletés aux personnes les plus vulnérables, le dévoiement du sens du soin auquel il procède, les multiples contentieux auxquels il conduirait et les contradictions dans lesquelles il placerait les pouvoirs publics entre une politique de prévention du suicide et la légalisation du suicide assisté. Sans résoudre pour autant les problèmes essentiels posés par le mal mourir dans notre pays, sans répondre à la solitude des plus fragiles d’entre nous, en déstabilisant une société en mal de repères et un système de santé en crise. En somme, cela conduit à une nouvelle dérive éthique dont les faibles et les vulnérables seraient les premiers et grands perdants.

Il est également frappant que la voix des soignants soit si peu entendue par l’exécutif. Plus de vingt sociétés regroupant les professionnels de santé s’opposent au texte. Celles et ceux qui sont actuellement directement engagés au sein des unités de soins palliatifs lancent de très nombreuses alertes. Alors qu’au sein même de la santé, il y a actuellement une très forte crise de sens, le gouvernement semble totalement ignorer le risque qu’un tel texte va faire peser sur les professionnels de santé. Il y a d’ailleurs une autre interrogation très forte : si la clause de conscience des professionnels semble reconnue individuellement, le texte reste muet sur la question d’une dérogation collective susceptible d’exister pour les établissements. Est-ce à dire qu’il y aura une obligation pour les établissements de pratiquer des euthanasies ? Et l’on peut enfin légitimement s’interroger, alors que tant de nos concitoyens en fin de vie n’ont actuellement toujours pas la possibilité d’accéder aux soins palliatifs et que les dispositions de la loi actuelle sont très insuffisamment appliquées (notamment le fameux triptyque de la loi Clays-Leonetti : personne ne doit mourir dans l’isolement, personne ne doit subir d’acharnement thérapeutique et personne ne doit souffrir) : « N’avons-nous pas mieux à faire que de proposer le suicide à nos concitoyens ? Notre fraternité consiste-elle désormais à faire mourir car le « temps du mourir » serait devenu inutile ? Devons-nous désormais tout mesurer à l’aune des droits individuels, oubliant par la même l’existence de nos liens collectifs en société ? Sommes-nous désormais contraints de tout mesurer à l’aune de l’utilitarisme, notamment économique, lorsqu’il s’agit de penser la protection des plus vulnérables et des plus faibles ? ». Voilà des questions essentielles que le débat parlementaire ne doit nullement esquiver et c’est pourquoi il faut espérer que l’exécutif arrêtera enfin de nier l’évidence même de ces débats par un travestissement linguistique aussi insupportable que contraire à l’éthique que la France a toujours porté en matière de fin de vie. Sinon, nous risquons de jeter aux orties une voie qui fut justement patiemment construite autour d’un large consensus éthique. La loi à venir concernant la fin de vie sera-t-elle la première à faire voler largement en éclat le consensus qui a jusqu’alors très largement prévalu en la matière au moment de l’adoption des lois successives ? Ce ne serait alors plus une avancée sociétale comme certains nous l’annoncent mais un recul de la fraternité authentique.

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5 commentaires

  1. Toute la “bonne société” s’insurge contre cette loi mais nos représentants ne manqueront pas de la voter pour préserver leur image et leur portefeuille. D’autres s’abstiendront pour marquer leur désaccord!!!!!!!!!!!!!!!
    Comment peut-on ne pas faire preuve de courage et choisir en disant oui ou non quand il s’agit de tuer tous ceux qui nous dérangent: Vieux, handicapés, attardés mentaux, enfants génants, contestataires et …….? La liste s’allongera de jours en jours soyez en sûrs.
    Pauvre France

  2. Un peu comme sous le régime nazi, n’est-ce pas où pratiquait l’eugénisme, où l’on “piquait” les attardés mentaux et malades mentaux de tout âge ! Il faudrait retrouver les mots de l’époque, “la mort miséricordieuse” etc.

  3. En opposition frontale à “Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie”, le régime s’affirme en “Je suis l’impasse, le mensonge et la mort”.

  4. Ce projet de loi vient en totale opposition avec la déclaration actuelle sur la dignité de la personne humaine , approuvée par le pape François, que je viens de lire.

  5. droit de mourir! quid du droit de vivre décemment et dans la tranquillité et la sécurité?

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