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France : Politique en France

Macron s’en va-t-en guerre, mironton, tonton, mirontaine. Macron s’en va-t-en guerre, ne sait quand s’arrêtera (1/2)

Macron s’en va-t-en guerre, mironton, tonton, mirontaine.	Macron s’en va-t-en guerre, ne sait quand s’arrêtera (1/2)

Le 16 février 2024, lors de la visite de M. Volodymyr Zelensky, Président de l’Ukraine, à l’Elysée, l’ambiance était quasiment farceuse. Un peu comme avec des adolescents qui auraient profité de l’absence de leurs parents pour siffler la réserve de whisky.

Pensez donc ! D’après le site internet officiel de l’Elysée, il s’agissait seulement pour M.Macron

« de réaffirmer la détermination de la France à continuer d’apporter un soutien indéfectible à l’Ukraine et au peuple ukrainien ».

De ce fait, les deux présidents ont

« signé un accord bilatéral de sécurité entre la France et l’Ukraine. Cet accord fait suite aux engagements qui avaient été pris en format G7 en marge du Sommet de l’OTAN à Vilnius en juillet 2023. Conclu pour une durée de 10 ans et valide tant que l’Ukraine n’aura pas rejoint l’OTAN, il comprend des engagements précis et identifie les domaines de coopération prioritaires identifiés conjointement par la France et l’Ukraine, aussi bien dans les domaines militaire et civil ».

Le site officiel continue de préciser que « Le chef de l’État a tenu un discours offensif envers la Russie ».

Le texte de l’accord n’est quant à lui pas très rassurant. Il est long, verbeux, répétitif. Il réaffirme les objectifs d’adhésion de l’Ukraine tant à l’Union européenne qu’à l’OTAN (« La France confirme que la future adhésion de l’Ukraine à l’OTAN constituerait une contribution utile à la paix et à la stabilité en Europe », on appréciera le postulat au regard de l’histoire). Il contient un gros chèque de 3 milliards d’euros de soutien supplémentaire pour 2024, sans préciser ce que deviendra ce montant dans les neuf années qui vont suivre. Et affirme à sa fin :

« Le présent accord est valable pour une durée de dix ans à compter de la date de sa signature ».

De retour de leur passage à la cave à whisky, verbatim de M. Macron au début de la conférence de presse qui a suivi (entre 4’30’’ et 6’) :

« Cette guerre que seule la Russie a voulu …  [a] déjà conduit à une série de défaites stratégiques de la Russie. Il y a deux ans, la Russie vous expliquait mener une opération spéciale qui allait se conclure en quelques semaines : elle en est réduite à vider ses prisons pour remplacer les pertes colossales qu’elle a subies sur le front. On nous expliquait que la Russie avait un avenir certain : beaucoup de jeunes russes ont préféré la liberté à la guerre et se retrouvent à Belgrade, Tbilissi, Istanbul ou Paris. La Russie a perdu ses talents. Elle préfère financer une guerre injuste et cruelle plutôt que les services de base pour sa propre population ou plutôt que de subventionner le prix des œufs pour les bas salaires. La Russie était revenue dans les années 90 autour des différents formats internationaux : elle a perdu cette place et sa crédibilité sur la scène internationale ».

Dans un premier temps, nous allons expliquer pourquoi tout ceci ne nous paraît pas très rassurant. Dans un deuxième temps, nous donnerons quelques éléments de contexte et d’alternative.

Texte pas très rassurant disions-nous. Au-delà de son contenu formel, il y a en effet l’usage fréquent d’une notion un peu étrange : le « sans s’y limiter ». Quelques exemples extraits du texte :

  • « Le Participant français contribuera au développement des capacités de protection des infrastructures critiques de l’Ukraine, y compris par des moyens militaires, en donnant la priorité, sans s’y limiter, aux capacités modernes de défense aérienne.

  • « … grâce à la fourniture continue d’une assistance en matière de sécurité et d’équipements militaires modernes dans les domaines terrestre, aérien, maritime, spatial et cybernétique, en accordant la priorité, sans s’y limiter, à la défense aérienne, à l’artillerie, à la capacité de frappe de longue portée, aux véhicules blindés, aux capacités de l’armée de l’air et à d’autres capacités essentielles »

  • « le Participant français fournira à l’Ukraine une assistance rapide et soutenue en matière de sécurité, des équipements militaires modernes dans tous les domaines, selon les besoins, »

  • « Dans le domaine militaire, sans préjudice de leur position dans le contexte de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, les Participants proposent d’établir une coopération permettant au Participant ukrainien de développer des capacités militaires complètes dans les domaines suivants, qui ne sont pas exhaustifs »; et suit une liste de 8 domaines tous plus larges les uns que les autres.

  • « Les Participants s’efforceront de faire en sorte que les capacités militaires de l’Ukraine soient d’un niveau tel qu’en cas d’agression militaire extérieure contre la France, l’Ukraine soit en mesure de fournir une assistance militaire efficace. Les modalités, le format et la portée de cette assistance seront déterminés par les Participants. »

On aura compris qu’il ne s’agit pas seulement de whisky à gogo. C’est open bar.

D’autant moins rassurant qu’une autre notion apparaît dans le texte de l’accord, celle de la dissuasion.

  • Dans l’introduction de l’accord, on trouve cette phrase à propos des principaux éléments des engagements de sécurité à long terme pris par la France à l’égard de l’Ukraine dans le cadre de cet accord sont les suivants : « la prévention, la dissuasion active et les mesures à prendre face à toute nouvelle agression de la part de la Fédération de Russie»
  • Et encore au chapitre 7 « Coopération militaire et de défense», on trouve ainsi : «  Les Participants travailleront ensemble à la mise en place d’une force durable capable de défendre l’Ukraine aujourd’hui et de dissuader l’agression russe à l’avenir ».
  • Et enfin au chapitre « Coopération en cas d’agression armée future » : « Le Participant français, aux côtés d’autres partenaires internationaux, aidera l’Ukraine à renforcer sa capacité de dissuasion et de défense contre les agresseurs extérieurs en développant de futures forces de défense armées modernes, de plus en plus interopérables avec l’OTAN et contribuant aux forces de l’OTAN ».

Or, tout récemment, le 30 janvier 2024, M.Macron faisait comme d’habitude le beau en s’adressant à la Communauté de défense en Suède.

Après son discours dans lequel il dresse un panorama d’une France capable de s’engager simultanément tous azimuts (Ukraine bien sûr mais aussi Roumanie, mer Rouge, Afrique, et pourquoi pas maintenant mer Baltique…), il est interrogé sur l’usage de la force de dissuasion nucléaire française :

« La France dispose de forces navales compétentes et puissantes. C’est en outre le seul pays de l’Union européenne disposant d’une force nucléaire indépendante. La France se sent-elle responsable de la protection et du maintien de la sécurité et de l’unité européennes, concernant la mise en place d’un nouveau passage dans l’océan Arctique et son influence géopolitique potentielle ? ».

Réponse de M.Macron :

« Oui, assurément. Pas de manière à provoquer une escalade, mais en nous tenant aux côtés de nos alliés et de nos partenaires européens, afin de préserver la liberté, la souveraineté et les libertés essentielles qui devraient être garanties par notre droit international. Donc nous ressentons cette responsabilité très particulière. Parallèlement – je l’ai réitéré à la fin de mon discours, j’étais très clair, il y a quelques années – pour nous, une partie de nos intérêts vitaux – ce que nous concevons et définissons comme nos intérêts vitaux – a une dimension européenne, ce qui nous donne une responsabilité particulière, compte tenu précisément de ce dont nous disposons et de notre capacité de dissuasion. Il faut dire les choses clairement ».

Devons-nous donc en conclure que, par la signature de ce traité, M.Macron envisage la possibilité d’user de la dissuasion nucléaire au profit de l’Ukraine ?

Et on retiendra aussi de ce petit tour suédois cette phrase de M.Macron :

« C’est pourquoi la réponse raisonnable consiste à nous placer dans une situation de soutien à l’Ukraine, cette année et les années à venir. Quoi qu’il en coûte, et à tout prix ».

Décidément, le covid a laissé des traces.

Autre interrogation suite à cette signature : faudrait-il un vote du Parlement pour rendre cet accord militaire (et financier) effectif ? En effet,  l’article 53 de la Constitution prévoit que

« les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi ».

Or, depuis le début du conflit en Ukraine, si le Parlement a connu quelques événements associés, à aucun moment il n’a eu à connaître aucun vote de nature législative.

C’est le 25 février 2022 que M.Macron s’adresse à l’Assemblée nationale par le biais d’une lettre (article 18 de la Constitution). Une sorte de « Nous sommes en guerre » (le covid a encore frappé…) ; mais sans être en guerre (c’est Macron) informant du

« le déclenchement le 24 février 2022 d’une attaque armée de grande intensité contre l’Ukraine. Avec nos partenaires européens et nos alliés, nous avions anticipé cette possibilité funeste d’une guerre sur le continent. Nous avons par conséquent tout mis en œuvre pour éviter l’escalade et œuvrer à résoudre la crise par le dialogue ».

C’est drôle, ça rappelle là aussi un peu le « nous sommes prêts » covidien. En tout cas, en 10 minutes, c’était torché et la séance close. Pas de discussion, donc pas d’avis de députés.

Le 23 mars 2022, c’est M. Zelensky lui-même qui intervient devant l’Assemblée nationale, avec une rhétorique honnêtement assez peu sophistiquée :

« Pour que la liberté ne perde pas, elle doit être bien armée. Les chars, les armes antichars, les avions de combat, la défense aérienne : nous en avons besoin et vous pouvez nous aider. Pour que la liberté ne perde pas, le monde doit aussi la soutenir avec des sanctions contre l’agresseur. Chaque semaine, il faut prendre un nouveau paquet de sanctions. Les entreprises françaises doivent quitter le marché russe : Renault, Auchan, Leroy Merlin et tous les autres groupes doivent cesser d’être les sponsors de la machine de guerre russe. Ils doivent cesser de financer le meurtre de femmes et d’enfants, ou le viol. Chacun doit se rappeler que les valeurs passent avant les bénéfices. Nous devons déjà penser à l’avenir, à la façon dont nous allons vivre après la guerre. Il nous faut des garanties solides pour rendre la sécurité inébranlable et les guerres impossibles dans ce monde. Créons un nouveau système de garanties et de sécurité, au sein duquel la France jouera un rôle de premier plan, pour que personne n’ait plus à pleurer la mort, pour que les gens puissent vivre leur vie et mourir non pas sous les bombes, au milieu d’une guerre, mais quand leur heure est venue, dans la dignité. Chacun doit vivre dans le respect, et on doit pouvoir lui dire « adieu », comme la France l’a dit à Jean-Paul Belmondo. ».

Là encore, les députés ne sont pas appelés à en discuter.

C’est le 3 octobre 2022 qu’est organisé le premier débat, après déclaration du gouvernement, relatif à la guerre en Ukraine et aux conséquences pour la France. Un peu curieusement, la présidente de l’assemblée, Mme Braun-Pivet, alerte ainsi : « Tous, nous avons le devoir d’empêcher des récits autres que la vérité prospérer parmi nos concitoyens. » Ah, la vérité prospère !…

Mme Borne (alors premier ministre ; comme c’est déjà loin tout ça…) présente une position plutôt équilibrée :

« En attendant que soient réunies les conditions d’une sortie du conflit, notre devoir est d’aider l’Ukraine autant que possible, sans entrer en guerre avec la Russie ».

Certains députés sont moins nuancés, comme M. Benjamin Haddad, de Renaissance :

« Livrons plus d’armes à l’Ukraine pour qu’elle se défende, reprenne son territoire et gagne la guerre. Livrons-lui plus d’armes pour dire à la Russie et au monde que l’agression ne paie jamais. Livrons-lui plus d’armes pour que nos frères européens, polonais, lituaniens, estoniens ou roumains sachent que la France est toujours avec eux, que l’Europe se protège et les protège face aux menaces à nos frontières. Chaque jour, les Ukrainiens meurent pour la liberté de l’Europe. Nous serons à la hauteur de leur sacrifice : nous ne faillirons pas, nous tiendrons ».

C’est un peu tempéré par M.Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères :

« Bien sûr, nous avons aussi un devoir de sagesse, le souci d’éviter la généralisation de la guerre et le dérapage vers l’usage des armes de destruction massive, la volonté de préserver les chances de la paix. Le monde peut compter sur nous pour travailler, dès que ce sera possible – et avec qui ce sera possible – au rétablissement de la paix mais l’issue du conflit passera par le respect scrupuleux de la souveraineté de l’Ukraine, l’établissement de garanties de sécurité sérieuses et crédibles et la reconstruction d’un pays martyr ».

De même que par M. Thomas Gassilloud, président de la commission de la défense nationale et des forces armées :

« Cependant, soyons prudents, Tout reste encore possible, et il y a en particulier des risques d’escalade. Au-delà de l’Ukraine, nous devons tous être conscients que cette guerre représente un risque pour le monde. Nous observons les prémices d’une guerre hybride généralisée dans tous les champs possibles de conflictualité : espace, information, alimentation, énergie, cyberespace. Résister à la loi du plus fort, ce n’est pas être un va-t-en-guerre mais comprendre que pour sauver la paix il faut parfois assumer le coût de la guerre ».

Mais ce débat est sans vote. Nous ne savons donc pas évaluer le soutien à la politique du gouvernement. Mais il aurait peut-être bien été unanime.

Le seul vote, à notre connaissance, ayant été effectué à ce sujet a eu lieu le 30 novembre 2022 lorsque les parlementaires ont proposé une résolution

« affirmant le soutien de l’Assemblée nationale à l’Ukraine et condamnant la guerre menée par la fédération de Russie »

Pieyre-Alexandre Anglade, de Renaissance, exprime son enjeu :

« Nous sommes réunis aujourd’hui pour un vote dont la portée est particulièrement chargée de sens et de gravité. Pour la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Assemblée nationale entend, avec cette résolution, apporter son soutien au peuple ukrainien et à sa résistance face à l’agresseur russe et condamner sans ambiguïté le conflit odieux mené par la Russie de Vladimir Poutine contre l’Ukraine.»

Les partis aux ailes de l’Assemblée apportent quelque modération. Mme Laurence Robert-Dehault, pour le RN :

«  Il est incompréhensible que votre motion ne parle jamais de l’objectif que nous devons tous garder à l’esprit : comment arriver à un cessez-le-feu et à la paix pour rétablir la souveraineté de l’Ukraine et faire en sorte que le peuple ukrainien ne soit plus martyrisé ? ».

M. Aurélien Saintoul, pour LFI :

« À sa lecture, on sent que ses auteurs se sont exaltés à l’idée d’un héroïsme dont ils aimeraient être capables depuis leurs bureaux et leurs cabinets. Ce bellicisme rhétorique a ceci de spécialement repoussant que ses partisans sont certes prodigues, mais le plus souvent du sang des autres. …/…Je regrette de devoir m’attarder sur le style d’un texte. Ces considérations sont forcément abstraites et même quelque peu dérisoires en regard de la mort, du viol et de l’exil de dizaines de milliers de personnes. Mais que faire d’autre puisque le texte est vide ou presque, émaillé de pétitions de principes, d’effets de manche, d’exagérations, de généralisations et de sophismes plus ou moins sournois ? Vous avez lâché la bride à l’émotion et la raison se traîne loin derrière ».

Et enfin M.André Chassaigne (PC) :

«  Après neuf mois de guerre, cette résolution n’aurait-elle pas dû prendre en considération l’avenir du conflit et faire scintiller les lumières de la paix ? Enfin, la proposition de résolution aurait pu indiquer que la France allait tout mettre en œuvre sur le plan politique pour imposer un cessez-le-feu et l’ouverture de pourparlers de paix. Consolider la paix, c’est concevoir un cadre de sécurité collective incluant tous les pays européens, y compris la Russie et l’Ukraine. Car la Russie, même dirigée par un homme aussi dangereux que Vladimir Poutine, restera toujours un voisin : la géographie est implacable. Seul le peuple russe pourra, de ses propres mains, briser les lourdes chaînes dont il est prisonnier ».  

Mais au final, le soutien à la résolution est massif : 399 votants, 95 abstentions (LFI en particulier), 303 pour et 1 contre.

La plus récente occasion majeure de tâter le pouls de l’Assemblée à ce sujet a eu lieu le 31 janvier 2023 ; séance de questions/réponses au gouvernement. Les dix premières questions, posées successivement par chacun des groupes parlementaires, concernent l’Ukraine. Franchement  l’atmosphère est toujours celle d’un soutien assez affirmé à la politique gouvernementale.

  1. Chassaigne rappelle néanmoins que « Ce soutien passe aussi par la recherche d’une solution diplomatique la plus rapide possible, comme le demandent les mouvements pacifistes de l’Ukraine et de la Russie. À l’inverse d’une escalade guerrière, dans laquelle aucune limite ne serait plus posée à l’utilisation des armes les plus destructrices, il faut ouvrir les chemins de la paix» et Mme Panot (LFI) que « nous souhaitons donc qu’un débat soit organisé concernant les modalités de l’aide française et européenne à la reconstruction de l’Ukraine, afin que le Parlement soit associé à ce processus».
  2. Olivier Marleix (LR) est le plus offensif pour demander l’association du Parlement aux évolutions du conflit : « La France, grande puissance – européenne notamment – et membre de droit du Conseil de sécurité des Nations unies, a vocation à imaginer la fin de la guerre. Pourtant elle ne fait pas entendre sa voix singulière : notre pays donne le sentiment d’être à la remorque de ses partenaires européens et de son allié américain, parfois en décalage avec eux et sans initiative propre. Elle n’est pas à la hauteur de son histoire : sans doute la position française souffre-t-elle de l’isolement du Président de la République jusque dans son propre pays, une des seules démocraties dans laquelle le chef de l’État n’évoque pas ses options stratégiques avec le Parlement. Madame la Première ministre, : êtes-vous prête à organiser un débat au Parlement sur ce sujet ?»

Le RN, par Mme Le Pen,

« demande solennellement si le Président de la République peut faire entendre au monde qu’un espoir demeure en organisant avec l’ensemble des parties une grande conférence pour la paix ».  

Mme Borne répond de façon groupée à tous les orateurs et en revenant à sa position déjà évoquée :

« Nous sommes prêts à étudier les demandes supplémentaires des Ukrainiens, en veillant au respect de trois principes. D’abord, notre aide ne doit pas provoquer d’escalade ».

Que retenir de ces discussions ? Nous ne savons pas si, constitutionnellement, l’effet de l’accord décennal signé avec l’Ukraine peut effectivement être valide immédiatement sans vote du Parlement. En tout cas, les partis politiques ne semblent pas exprimer d’indignation face à cette décision ni de demande pour voter. Et il est probable qu’un vote serait en accord avec la décision de M.Macron. Retenons encore –ça vaut ce que ça vaut- qu’un sondage La Tribune Dimanche/Ipsos du 18 février 2024 donnait 41% des Français qui souhaitaient maintenir l’aide militaire à l’Ukraine et 21 % l’augmenter.

La lecture de ces différentes séquences à l’Assemblée nationale fait ressortir quelques autres aspects.

Le Caesar est plébiscité et porté aux nues. Ce canon d’artillerie est cité comme un emblème du soutien apporté à l’Ukraine. Rien que le 3/10/2022 :  Mme Borne : « nous avons livré des systèmes plus lourds et plus complexes : des véhicules légers, des blindés et surtout des systèmes d’artillerie Caesar avec leurs munitions » (si en plus on a livré les obus qui vont avec !…) ; M.Thiériot (LR) : « La décision rapportée par la presse de livrer des canons Caesar prévus pour l’exportation ou des véhicules Arquus est excellente » ; M. Thomas Gassilloud, président de la commission de la défense nationale et des forces armées, apporte une précision (peut-être un peu inquiétante quant aux capacités de l’armée française :

« Nous devons également être conscients du fait que le soutien à l’Ukraine dévoile certaines de nos fragilités. En livrant par exemple dix-huit canons Caesar – ce qui reste modeste à l’échelle du conflit –, nous avons cédé près du quart de notre artillerie. Même si l’armée française est probablement la meilleure d’Europe, nos démocraties européennes sont de moins en moins capables de soutenir une guerre de haute intensité ».

Et le ministre des armées lui-même, M. Sébastien Lecornu, le répète :

« Le deuxième chapitre [d’aide militaire] a été plus lourd : nous avons délivré à l’Ukraine non seulement des pièces d’artilleries – notamment dix-huit canons Caesar assortis de leurs munitions… ».

Et encore le 30/11/2022, M. Alain David (PS) : « La France a livré à l’Ukraine des canons Caesar qui se sont révélés déterminants sur le terrain » ; Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux répondant à la motion (cela nous a permis d’apprendre qu’elle existait comme secrétaire d’Etat…) :

« Nous soutenons pleinement l’Ukraine et l’exercice de sa légitime défense. Nous lui avons livré des équipements militaires qui jouent un rôle majeur pour appuyer sa contre-offensive. Je pense notamment aux dix-huit canons Caesar »,

et enfin Mme Borne elle-même :

« Nous sommes l’un des premiers contributeurs dans la livraison d’équipements, de munitions et dans la formation de centaines de soldats ukrainiens. Ce sont des équipements qui font la différence sur le terrain. Je pense aux canons Caesar ».

Et encore un an après, le 21/12/2023, lors d’une réponse donnée par Mme Patricia Mirallès (dont nous apprenons ainsi l’existence comme secrétaire d’Etat chargée des anciens combattants et de la mémoire [sic]) :

« Une des spécificités de notre soutien militaire est que nous fournissons des capacités complètes, comprenant des équipements, des formations et de la maintenance. Nous avons par exemple fourni des canons Caesar – camions équipés d’un système d’artillerie -, qui ont fait leurs preuves. »

La Macronie a deux outils miracles : les numéros verts et le Caesar !

Et Nordstream, au fait ? Ben oui, parce qu’on en parle pendant ces débats. C’est Mme Borne, le 3/10/2022 :

« c’est la Russie qui a lancé cette guerre. C’est elle qui nous pousse à agir. C’est elle, encore, qui choisit de faire du gaz un objet de chantage. Ces derniers jours, des explosions ont été constatées sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Tout indique qu’un acte de sabotage grave et irresponsable a été commis. Je ne tirerai pas de conclusions ici : une enquête internationale indépendante doit être conduite. Avec l’Union européenne, nous répondrons de manière ferme et unie à cette attaque contre des infrastructures énergétiques européennes ».

Et encore Mme Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères :

« Il y a aussi un chantage à la sécurité énergétique par la coupure des vannes du gaz alors que nous sommes témoins de mystérieuses explosions en mer Baltique ».

Témoins de mystérieuses explosions en mer Baltique. Qu’en termes choisis tout ceci est avancé ! Et elle est où, la réponse ferme et unie à cette attaque contre des infrastructures européennes ? Enlisée ? Il y aurait quelque chose de gênant ?

Et au fait, Boutcha ? Là aussi, de nombreuses allusions pendant les débats. Mme Borne, toujours elle le 3/10/2022 :

« Dans les territoires occupés, on assiste à des transferts forcés de populations, enfants compris. Leur libération s’accompagne de la découverte de nouvelles atrocités, comme à Boutcha en avril ».

Ou M.Thieriot :

«  Mais Vladimir Poutine, l’ami de Kadyrov, ne défend pas les racines chrétiennes et le message d’amour universel des Béatitudes. Tel le Grand Inquisiteur de Dostoïevski, il en est leur caricature grimaçante, qui ne sert qu’à couvrir le pas des bourreaux dans la nuit de Boutcha »

ou encore Mme Colonna :

« notre pays a envoyé depuis le mois d’avril, certains d’entre vous l’ont rappelé, trois équipes spécialisées de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, la dernière d’entre elles étant arrivée mardi dernier. Celle-ci aidera la justice ukrainienne à faire toute la lumière sur les atrocités découvertes à Izioum, comme l’ont déjà fait les autres équipes à Boutcha ».

Et alors, les conclusions de cette recherche criminelle de la gendarmerie nationale ? Un petit rapport officiel ?

Et encore, l’effondrement russe qu’on nous a promis ? Mme Borne, le 3/102022 :

« L’économie russe s’est considérablement rétractée, avec une chute de 6 % de son PIB cette année. L’inflation russe a explosé. La Russie a perdu l’accès à des matériels de haute technologie nécessaires pour moderniser le pays et assurer sa croissance. Moscou tente pour l’instant de maintenir l’illusion grâce aux prix élevés de l’énergie. Mais les faits sont là. La propagande russe ne doit pas nous berner : l’économie russe est à l’asphyxie ».

M. Laurent Marcangeli, du groupe Horizons le même jour :

« J’entends dire, ici et là, que ces sanctions seraient plus dures à supporter pour les Français que pour les Russes. Il s’agit d’un mensonge malheureusement répandu au moyen de campagnes de désinformation successives. Non seulement ces sanctions fonctionnent à l’endroit du régime russe, mais leur effet sur l’économie française reste marginal ».

Au tour de Mme Catherine Colonna :

« Ces sanctions ont un but clair : asphyxier l’effort de guerre russe et appliquer une pression maximale sur les fauteurs de guerre. D’ores et déjà, l 200 individus et plus de 100 entités russes y sont soumis. Ces sanctions sont réfléchies et appropriées. Elles sont efficaces et auront un impact massif et durable sur la machine de guerre russe, comme l’a rappelé Mme la Première ministre : le PIB de la Russie va reculer de six points en 2022 et retomber, d’ici à deux ans, à son niveau du début des années 2000… vingt ans en arrière. Nous asséchons aussi ses revenus tirés des hydrocarbures. Et l’accès aux technologies dont elle a besoin est déjà mis en cause dans des secteurs aussi stratégiques que sont l’aéronautique, l’automobile et l’armement ».

Appuyée par son collègue  M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie :

« Il est clair que l’économie russe subit une forte récession. La Première ministre et la ministre des affaires étrangères l’ont rappelé, le PIB de la Russie s’est réduit de 6 % en 2022. C’est considérable. Le gouvernement russe lui-même admet que l’économie du pays aura reculé au moins de 3 % cette année – on s’attend à 4 % de récession supplémentaire en 2023 ! ».

Mme Borne de surenchérir le 30/11/2022 :

« Notre but est de rendre le coût de la guerre insupportable pour la Russie. Et n’en déplaise aux admirateurs des régimes forts, ces sanctions fonctionnent… Paralysie du système productif, difficultés à réorienter les exportations, difficultés d’approvisionnement : la récession russe devrait atteindre 5,5 % en 2023 selon l’Organisation de coopération et de développement économiques ».

Ce sont justes de petites observations anodines parce qu’on a pris connaissance d’un document du 30 janvier 2024 du Fonds Monétaire international (qui vaut ce qu’il vaut) et dont on recopie un tableau ci-dessous :

Il est vrai que c’est toujours M.Le Maire qui est ministre de l’Economie.

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1 commentaire

  1. C’est drôle comme, lorsqu’il s’agit d’accords internationaux, nos dirigeants arrivent à s’engager sur 10,15ans.
    En revanche, quand cela concerne l’intérieur, rien ne dure au delà de quelques mois: ministres, réformes, promesses et j’en passe.

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