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Culture de mort : Euthanasie

« Nous aurons à justifier notre volonté de vivre »

« Nous aurons à justifier notre volonté de vivre »

Christophe Régnier, Françoise Bourlière et Christèle Périsse, touchés par une grave maladie, signent une tribune contre l’euthanasie dans Le Figaro :

Nous, malades, prenons la parole en faveur des soins palliatifs et d’accompagnement, qui soulagent la douleur, et appelons à refuser l’euthanasie (ou sa version préliminaire, le suicide assisté), parce qu’elle accroîtrait, au lieu de les réduire, la souffrance et l’injustice. Nous avons l’expérience de la maladie, nous savons combien dès l’annonce du diagnostic autre chose commence et qui n’est pas ce qu’on croit. Nous savons ce qui aide le malade et ce qui lui nuit. Lanceurs d’alerte, nous mettons en garde contre la double mystification qui pèse sur le débat : le problème tel qu’il est posé exprime une méconnaissance de bien-portant, et sa présentation dissimule la réalité économique.

On parle d’un « droit de mourir dans la dignité ». Ceux qui parlent ainsi ne sont pas amis des malades. Cela revient à dire à ceux qui souffrent : vivre dans votre état est indigne, ayez la dignité
de mourir. Entendons Philippe Pozzo di Borgo, modèle du film Intouchables :

«Vous ne vous rendez pas compte du désastre que provoque chez les personnes qui se débattent avec des vies
difficiles votre soutien à l’euthanasie ou au suicide assisté comme des morts « libres, dignes et courageuses ».

Les faits incontestés sont que presque personne n’a envie de mourir, jeune ou vieux, malade ou bien-portant, et les malades moins que les autres, figurez-vous, car la maladie mortelle est une puissante incitation positive à vivre, qu’il ne faut pas ramener à la peur de la mort, alors que le bienportant, s’imaginant que la maladie est tout le contraire de la vie, déclare parfois, de loin, qu’il lui préférera la mort. Le prétendre n’est pas plus sérieux que ces gens jeunes qui déclarent ne pas souhaiter vieillir. Quand vous serez très malades, un désir de vivre qui exprime la vie et non la peur de la mort vous fera accepter des peines dont le bien-portant s’imagine qu’il leur préférerait la mort.

Comprenez que lorsque le malade déclare : « Je n’en peux plus, je voudrais mourir », ce langage indirect est pour lui la seule façon de dire « vous me laissez trop seul », « tu ne viens pas me voir assez souvent », « est-ce que tu tiens à moi ? ». La loi qu’on prépare lui fera rentrer ces paroles dans la gorge et, en le forçant à ce choix faussement libre qu’il ne demande pas, l’enfermera dans la solitude. L’euthanasie ne sera pas obligatoire, mais la situation du malade dépendant sera renversée : nous aurons à justifier notre volonté de vivre, devant nous-mêmes comme devant notre famille et la société. Demander à vivre deviendra égoïste, vouloir vivre sera se mettre dans son tort. […]

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3 commentaires

  1. Le problème est que les gens en bonne santé ne supportent pas les malades ou mal-portants qui les empêchent de vivre leur vie égoïste sans soucis et sans mauvaise conscience. D’ailleurs quand ils demandent de vos nouvelles ils se rassurent en minimisant les souffrances exprimées devant eux.

  2. C’est hélas! très bien vu.
    Il y a par ailleurs dans la position des tirés au sort “pour le suicide assisté et l’euthanasie” une formulation très inquiétante. Le suicide, c’est un minimum de volonté de mourir (ce qui n’exclut pas les pressions explicites ou implicites), mais du coup si l’on distingue l’euthanasie, c’est que celle-ci est une mise à mort sans consentement, c’est à dire en l’occurrence un assassinat. Autant dire que les malades et vieillards, les fameuses “bouches inutiles” et coûteuses, sont mal partis face au futur corps de bourreaux qu’il faudra créer.
    On relit toujours avec profit l’interview de Jacques Attali parue en 1981 dans le livre L’Avenir de la vie : “L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figures. (…) Des machines à tuer, des prothèses qui permettront d’éliminer la vie lorsqu’elle sera trop insupportable, ou économiquement trop coûteuse, verront le jour et seront de pratique courante.”

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