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France : Politique en France / France : Société

Pour Alain de Benoist, les Gilets jaunes ont déjà gagné

Pour Alain de Benoist, les Gilets jaunes ont déjà gagné

Breizh-info a interrogé l’essayiste Alain de Benoist. Extrait :

Ce que je trouve le plus frappant, c’est d’abord la continuité du mouvement. Alors que le gouvernement s’attendait à ce que la pression se relâche, elle ne se relâche pas. C’est le fruit d’une extraordinaire détermination, à laquelle s’ajoute encore une étonnante maturité. Non seulement les Gilets jaunes refusent de se définir en termes de « droite » ou de « gauche », non seulement ils se déterminent sans le moindre souci de ce que pensent les partis et les syndicats, mais ils ne se laissent prendre à aucun piège des journalistes, pour lesquels ils n’ont d’ailleurs que mépris. Sur les plateaux de télévision, ils tiennent des propos de bon sens, ils ne se démontent pas, ils restent d’une fermeté exemplaire sans pour autant apparaître comme des excités. Leur colère et leur résolution montrent qu’au point où la plupart d’entre eux sont arrivés, ils estiment n’avoir plus rien à perdre. Et en cela ils représentent parfaitement une France qui, au fil des années, s’est aperçue qu’elle ne parvient plus à vivre, et a même désormais du mal à survivre. D’où ce mouvement de révolte, qui s’est d’abord transformé en soulèvement populaire, puis en insurrection.

On a beaucoup reproché aux gilets jaunes de faire usage de la violence ?

Disons-le d’abord d’emblée : le casseur en chef, c’est Emmanuel Macron. C’est lui qui a cassé les corps intermédiaires, déclassé les classes moyennes, rogné sur les acquis sociaux, permis aux revenus du capital de progresser au détriment de ceux du travail, augmenté les taxes et le poids des dépenses contraintes. C’est lui qui a été installé à la place qu’il occupe pour réformer le pays en sorte d’imposer aux « Gaulois réfractaires » les exigences de la logique du capital et les diktats du libéralisme. Le peuple ne s’y trompe pas, qui a immédiatement adopté comme mot d’ordre le slogan « Macron démission ! »

Les violences enregistrées le 1er décembre, notamment sur les Champs-Élysées, ont surtout été le fait de casseurs et de pillards qui étaient totalement étrangers au mouvement des Gilets jaunes. […]

On peut le regretter, mais aucun mouvement historique n’a jamais échappé complètement à la violence. Que je sache, la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, aujourd’hui célébrée comme une journée fondatrice de la République, s’est elle aussi accompagnée de quelques « débordements ». Mais surtout, il faut bien constater que, sans recours à la force, les Gilets jaunes n’auraient jamais rien obtenu. La « Manif pour tous », il y a quelques années, avait rassemblé des foules immenses, qui étaient finalement reparties bredouilles. On ne fait pas la révolution avec des gens bien élevés ! Les pouvoirs publics ont reculé cette fois-ci parce qu’ils ont pris peur. Cette peur se transformera un jour en panique.

A la veille de la journée de samedi dernier, on a vu tous les représentants de la caste au pouvoir annoncer l’apocalypse pour le lendemain et lancer des « appels au calme » et « à la raison ». C’est une stratégie classique : après avoir diabolisé, condamné, diffamé, jeté de l’huile sur le feu, on essaie de désarmer la contestation en conviant tout le monde à se « réunir autour d’une table », ce qui est évidemment la meilleure façon de tourner en rond. Il est triste à cet égard que l’opposition « de droite » n’ait pas hésité à entonner le même refrain : mais il est vrai que ce n’est pas d’hier que la droite bourgeoise préfère l’injustice au désordre. […]

Vous parleriez d’un événement historique ?

Oui, sans aucun doute. Le soulèvement des gilets jaunes est radicalement différent de tout ce à quoi on a assisté depuis des décennies. Les comparaisons avec le 6 février 1934 sont grotesques, celles avec Mai 68 le sont plus encore. […]

Ce qui était au départ une simple révolte fiscale s’est très vite transformé en révolte sociale, puis en révolte généralisée contre un système dont le peuple de France ne veut plus entendre parler. Est-ce l’annonce d’une révolution ? Les circonstances pour cela ne sont sans doute pas encore réunies. Mais c’est pour le moins une répétition générale. Pour l’heure, le peuple fait usage de son pouvoir destituant. Il lui reste à réaliser qu’il possède aussi le pouvoir constituant et que ce à quoi il aspire ne pourra se réaliser que lorsque nous aurons changé, non seulement de régime, mais aussi de société. C’est alors qu’il sera temps de parler de VIe République, sinon de Deuxième Révolution française.

[…] Le gouvernement a, comme d’habitude, réagi à la fois trop tard et trop maladroitement. Mais le résultat est là. Les élites sont paralysées par la trouille, les commentateurs ne comprennent toujours pas ce qui se passe, le programme de réformes macronien est définitivement compromis, et Macron lui-même, qui se rêvait en Jupiter siégeant sur l’Olympe, se retrouve petit Narcisse flageolant sur sa Roche tarpéienne face à un peuple qu’il dit entendre, mais qu’il n’écoute pas.

Quoi qu’il se passe, les Gilets jaunes ont déjà gagné. Ils ont gagné parce qu’ils sont parvenus à faire reculer les pouvoirs publics, ce que n’avaient pas réussi à faire les familles bourgeoises hostiles au mariage gay, les adversaires de la GPA, les cheminots, les syndicats, les retraités, les fonctionnaires, les infirmières et les autres. Ils ont gagné parce qu’ils sont parvenus à rendre visible ce qu’on cherchait à rendre invisible : un peuple qui est l’âme de ce pays. Ils ont gagné en montrant qu’ils existent, qu’ils bénéficient du soutien presque unanime de la population, et qu’ils sont bien décidés à préserver leur pouvoir d’achat, mais aussi leur sociabilité propre. Ils ont gagné parce qu’en refusant d’être plus longtemps humiliés et méprisés, ils ont fait la preuve de leur dignité. Au second tour de la dernière élection présidentielle, l’alternative était paraît-il « Macron ou le chaos ». Les gens ont voté Macron, et en prime ils ont eu le chaos. Ce chaos s’étend désormais partout, en France comme ailleurs en Europe. A la merci d’une crise financière mondiale, l’idéologie dominante, responsable de la situation, a désormais son avenir derrière elle. Les temps qui viennent seront terribles.

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6 commentaires

  1. Sympa ! bon à part que La Manif pour Tous était aussi le PEUPLE français, de droite amis aussi de gauche, y compris bien des futurs “Gilets jaunes” (le 1er décembre j’ai croisé vers 21h sur les Champs Elysées un manifestant portant le maillot LMPT) et pas seulement des “familles bourgeoises” (sinon il n’y aurait pas eu autant de monde !) et il y a eu , également, quelques violences (on se souvient des échauffourées du 24 mars 2013 ou de ceux des Invalides en avril plusieurs soirées de suite, simples exemples…. et des centaines de “gardes à vue”)

    • “La Manif pour Tous était aussi le PEUPLE français, de droite” : Oui, pour la piétaille… Mais avec le recul, rien qu’à en juger par les moyens colossaux déployés, le côté quelque peu opaque d’une organisation qui préexistait au mouvement, en dit long sur le côté “spontané”, qui a surtout été bien préparé en amont par certains réseaux… Cela n’enlève bien sûr rien à la noblesse de ce pourquoi nous nous étions mobilisés ; mais était-ce le véritable objectif, ou y avait-il un agenda “caché” derrière ?

  2. Ils ont gagné ?…. Espérons. Espérons que les quelques cacahuètes lancées en pâture ne démobilisent pas les troupes. Il est vrai qu’on a vu beaucoup de revendications de fond intéressantes, des propositions intelligentes et constructives, mais noyées parmi moult demandes au raz des pâquerettes du type je n’ai pas de quoi acheter les cadeaux de Noël à mes petits enfants. Même si c’est vrai et que cela traduit une détresse financière indiscutable, je crains qu’avec ce genre de supplication de fin de mois, nous ne soyons pas près d’une grande remise à plat qui devrait régler beaucoup de problèmes financiers mais sur le long terme.

  3. Quel intérêt de faire “une deuxième révolution” pour installer une “VIe République” ? Ce n’est pas ce que l’on peut appeler “changer de régime” ! Les gilets jaunes ont peut-être gagné une bataille, ce qui n’est déjà pas si mal, mais ils n’ont pas gagné la guerre ! Pour la gagner, le système se défendra jusqu’au bout, quitte à laisser le pays en ruine et des morts derrière lui. La république est d’essence satanique puisque maçonnique ! Pour la vaincre, car c’est bien de cela qu’il s’agit, peu importe son numéro, la France doit revenir à ses valeurs fondatrices.

    • “la France doit revenir à ses valeurs fondatrices” : Oui, mais cela pourra sans doute se faire par d’autres biais et d’autres formes que celles du passé… L’Histoire ne ressert pas les plats, mais les circonstances qui rendront possibles un tel retour au bon sens et aux fondamentaux de notre nation, seront à ce point dramatiques que le peuple se tournera immanquablement vers ce qu’il lui restera de son être… En clair, vous voulez la monarchie, moi aussi, mais il y aura peut-être des étapes intermédiaires…

  4. Un couple c’est un homme + une femme. JAMAIS autre chose. donc pas “couple de même sexe”…. désolé quand je vois 2 chiens ensemble, je ne dis pas que c’est un couple…. on dit donc DUO ou PAIRE.

    A utiliser les mots de l’adversaire, vous avez déjà perdu….

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