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Institutions internationales

Pour l’ancien directeur du FMI, rien ne vaut la doctrine sociale de l’Eglise

Michel Camdessus, ancien directeur général du FMI de 1987 à 2000, catholique pratiquant, né à Bayonne, a participé mardi soir à
la conférence sur le thème “Le chrétien au service du bien commun
donnée en l’église d’Espelette. Il explique :


C[I]l est important d’avoir recours, dans les temps de crise comme
ceux que traversent le monde et la France, à cette notion du bien commun

que l’on avait perdue de vue, que l’on n’enseignait plus à Sciences Po.
A partir de l’expérience que j’ai eue dans les affaires de mon pays et
du monde, je crois que le bien commun, c’est l’étoile polaire pour le
navigateur
. Il a ce point fixe et même si la mer est démontée, les
courants contraires, s’il n’y a pas de vent et qu’il n’avance plus, il
sait qu’il faut garder cet axe-là. Même s’il faut louvoyer en
permanence.

Quel sens revêt pour vous cette notion de bien commun ?

Le souci constant de l’homme, dans toutes ses dimensions, en
particulier de l’homme le plus pauvre et le moins favorisé. Ce qui
compte, c’est d’être guidé par l’homme. Il ne faut pas aller vers ce qui
divise, ce qui fractionne les sociétés, mais dans le sens de la
fraternité et de la solidarité, en particulier à l’égard de ceux, qu’ils
soient proches ou très lointains, qui sont en souffrance ou en
difficultés. […]

Vous avez loué mardi soir “l’enseignement social-chrétien” ?
Est-il compatible avec l’économie et y a-t-il une doctrine économique et
sociale de l’Eglise ?

A travers mon métier, j’ai eu l’occasion de discuter avec tous les
hommes politiques qui prétendent avoir la clé des problèmes du monde :
les dirigeants chinois, les pères fondateurs en Afrique, les leaders
idéologiques d’Amérique latine. J’ai découvert qu’aucun système de
pensée économique, politique, social, n’a la cohérence de l’enseignement
social-chrétien
. C’est mon point de vue, il peut être discuté. Mais je
le crois plus actuel que jamais parce qu’il donne le primat absolu à
l’homme et au respect des plus pauvres, à cette orientation vers le bien
commun, à la responsabilité individuelle comme à la solidarité. Il
reconnaît le droit de propriété, mais aussi l’hypothèque sociale sur la
propriété, la préférence à donner aux plus pauvres. La nécessité de
combattre pour la justice, la paix, et d’organiser le monde. Pour que
les problèmes de dimension mondiale soient enfin pris en main par une
autorité universelle, qui permette d’orienter le monde vers le bien
commun. Pas seulement chacune de nos petites collectivités locales.

Pendant 13 ans comme directeur général du FMI, vous êtes-vous référé à ces valeurs dans vos prises de décision ?

Oui, oui. J’ai la chance d’être chrétien et d’avoir suivi cet
enseignement
. Mais le directeur général du FMI n’est pas Dieu le Père.
Il a été désigné par l’ensemble des pays du monde. Il peut suggérer des
choses, avec force, mais au final, ceux qui décident, ce sont les 24
pays autour de la table qui représentent l’ensemble du monde
. Ils
peuvent vous dire : “Ecoutez ce que vous dites, c’est très bien, bravo,
mais nous, voilà ce qu’on veut. On n’ira pas plus loin
.” Vous pouvez
insister : “Avec ça, vous n’allez pas régler les problèmes des pays les
plus pauvres.
” Ils vous disent : “Ecoutez, ça nous fait rien.” Vous êtes
en permanence dans une situation de tension, difficile. Il faut
persévérer, l’œil fixé sur cette étoile polaire du bien commun mondial.

On vous qualifie souvent de libéral, voire d’ultralibéral. Acceptez-vous cette définition ?

Il est vrai qu’en France, on m’a parfois qualifié de libéral ou
d’ultralibéral. Et même certains m’ont dit libéral de la pire espèce
,
l’espèce anglo-saxonne. Aux Etats-Unis, j’ai entendu un jour le leader
de la majorité à la Chambre des représentants du Congrès américain dire
que le directeur général du Fond monétaire international, c’est un
socialiste de la pire espèce, l’espèce française
. Entre ces
qualificatifs, ce que je sais, c’est que je dois travailler pour le bien
commun. Les gens diront ce qu’ils voudront. Il faut prendre dans le
libéralisme ce qu’il a de bon et dans le socialisme ce qui peut
contribuer à améliorer l’économie mondiale.

La crise actuelle est-elle celle du modèle libéral ?

Une crise comme celle-ci à des composantes infiniment complexes. Je
crois que c’est la crise d’une hérésie du système d’économie de marché
.
Le système libéral tel qu’il a été conçu il y a deux siècles et quelques
par Adam Smith n’était pas un système où tout était déterminé par le
profit. Adam Smith nous dit que le profit est un bon moteur pour
l’économie, mais à condition que tous les agents économiques sachent
qu’ils doivent aussi servir la communauté humaine et tenir compte du
sort des plus pauvres. Les néolibéraux, Friedman, Hayek et quelques
autres, ont dit : “Oublions ces considérations de justice sociale, ça
ira encore mieux.” L’erreur a été là et c’est de cela que nous souffrons
aujourd’hui à travers cette crise. […]"

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10 commentaires

  1. Je ne crois pas qu’on puisse se revendiquer “catholique pratiquant” tout en étant membre du groupe Bilderberg qui oeuvre pour le Nouvel Ordre Mondial, c’est-à-dire pour l’arrivée du Tyran suprême : l’AntéChrist.
    On ne peut pas choisir 2 maîtres…

  2. “(…) Il faut prendre dans le libéralisme ce qu’il a de bon et dans le socialisme ce qui peut contribuer à améliorer l’économie mondiale (…)”
    Oser se revendiquer de la doctrine sociale de l’Eglise après de telles déclarations, autant se coiffer directement le crâne avec un entonnoir. Encore un contre-témoignage qui fera la joie de tous les ennemis de la Sainte Eglise.

  3. Que ne l’a-t-il appliquée cette doctrine sociale, lorsqu’il était au FMI dont l’action désastreuse dans les pays du tiers-monde est bien connue à travers l’assistanat d’Etat qui non seulement a contribué à maintenir nombre de dictateurs au pouvoir, mais en plus à financer une corruption endémique dans l’appareil d’Etat de ces pays. Le plus grave dans l’action du FMI, durant la période où Camdessus le dirigeait, fut la mise en esclavage de ces pays par les usuriers qui leur ont imposé en l’échange de prêts la mise en oeuvre de plans de restructuration de leurs économie, en vue de les intégrer au commerce international financé et contrôlé par les banques. Or il me semble que l’Eglise a largement condamné l’usure dans sa doctrine sociale ancienne manière, justement parce qu’elle conduit à l’esclavage du producteur par rapport au financier qui tient les cordons de la bourse tant pour le financement des moyens de production que pour l’accès aux débouchés commerciaux. On ne peut donc pousser plus loin la malhonnêteté intellectuelle de la part d’un homme qui a foulé aux pieds le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sous des prétexte fallacieux tirés de théories économie dont on constate les effets désastreux. Il est dommage qu’il attende la retraite, comme beaucoup, pour se poser des questions métaphysiques au sujet du bien fondé de son action qu’il prétend inspirée par des idéaux chrétiens. Comme d’autres avant lui, il ne peut souffrir le poids de la culpabilité devant ses millions de cadavres qui vont demander justice au tribunal divin. C’est la raison pour laquelle il essaie de réécrire l’Histoire à son avantage alors que les faits prêchent largement contre lui.

  4. “L’enseignement social-chrétien reconnaît le droit de propriété, mais aussi l’hypothèque sociale sur la propriété, la préférence à donner aux plus pauvres.”
    Qu’est-ce que ça veut dire, ça, exactement ? C’est quoi, “l’hypothèque sociale sur la propriété” ? En quoi cela pourrait-il être compatible avec le droit de propriété ?
    Hypothèque sociale sur la propriété, cela ne peut vouloir dire que : l’Etat est propriétaire de tous les biens privés par défaut, dans son immense bonté il consent à en laisser la jouissance aux vrais propriétaires par exception, mais à tout moment il peut appuyer sur un bouton et “reprendre” ce qui lui “appartenait” au titre de “l’hypothèque sociale”.
    En d’autres termes, c’est le régime en vigueur en France actuellement, c’est le socialisme.
    D’ailleurs, c’est quoi, “l’enseignement social-chrétien” ? Moi, je connaissais la Bible, le catholicisme, le protestantisme… mais l’enseignement social-chrétien ? Ca s’apprend où, ça ? A l’université d’été du parti socialiste ?

  5. “Pour que les problèmes de dimension mondiale soient enfin pris en main par une autorité universelle, qui permette d’orienter le monde vers le bien commun.”
    Donc, contrairement à ce qu’il prétend, Camdessus n’est nullement libéral, même à moitié. Quand on veut établir un tel monstre qui serait forcément totalitaire, étant mondial, en quoi peut-on se réclamer du libéralisme ?
    La prise de position de Camdessus est absurde parce qu’on ne peut pas être centriste. On ne peut pas être un peu socialiste et un peu libéral. On ne peut pas “emprunter le meilleur à chacun”.
    Ce sont deux options, deux philosophies fondamentalement opposées.
    Je ne dis pas que le choix est entre un extrémisme et un autre ; entre un dogme immuable et un autre.
    Je dis qu’il faut prendre parti entre les deux.
    Il ne suffit pas de déclarer vouloir le bien commun ; encore faut-il expliquer de quel ordre cette notion fait partie ; par quel biais on compte l’obtenir.
    Le bien commun des chrétiens (me semble-t-il) n’appartient pas à l’ordre politique. Ce n’est pas une variante du socialisme, même si les dirigeants politiques chrétiens sont naturellement appelés à s’en inspirer.
    La profession de foi de Camdessus ressemble singulièrement à un éloge de la social-démocratie. Je crains que la crise actuelle ne signe, justement, l’échec historique de la social-démocratie.
    1942-2008, c’est le temps qu’il aura fallu au rapport Beveridge pour révéler son caractère utopique.
    La crise actuelle, c’est la fin de l’Etat-providence.

  6. je suis bien d’accord avec les commentaires : il y a 30 ans, ce monsieur – très estimable bien sûr et fort connu – me réjouissait en s’affirmant chrétien alors que ce n’était pas la mode. Mais il n’a pas appliqué la doctrine sociale de l’Eglise, loin de là et toutes ses interviews continuent benoîtement sans rien apporter.

  7. ” Le système libéral tel qu’il a été conçu il y a deux siècles et quelques par Adam Smith …” : Adam Smith n’a pas “conçu” un système libéral, il a écrit un bouquin, d’ailleurs pompé sur Turgot.
    “… Hayek et quelques autres, ont dit : “Oublions ces considérations de justice sociale, ça ira encore mieux.” c’est dénaturer gravement l’oeuvre de Hayek. celui-ci s’est élevé contre le constructivisme social, qui sous prétexte de faire le bonheur de l’humanité, impose des règles arbitraires, infondées, sinon sur des abstractions, injustes. on peut ne pas être d’accord avec Hayek, mais celui-ci ne remet pas en question les règles sociales. il remet en cause la manière “socialiste”, idéologique, de fixer des règles.
    la crise actuelle n’est pas d’abord “une crise du libéralisme”. c’est d’abord et avant tout de l’argent créé ex-nihilo par le système bancaire et une crise de la dette souveraine, permise par cette création de monnaie ex-nihilo. ajoutons que le déclencheur de la crise de 2007, l’insolvabilité des porteurs de crédits sub-prime, fut créée par une décision étatique de favoriser des emprunteurs non-solvables.
    s’il y a crise du libéralisme, c’est du celle du libéralisme politique et moral.

  8. [Commentaire inutile et stupide. De quoi m’encourager à les refermer. Tous. MJ]

  9. “Le déclencheur de la crise de 2007, l’insolvabilité des porteurs de crédits sub-prime, fut créée par une décision étatique de favoriser des emprunteurs non-solvables.”
    Oui. Et il faut ajouter : des emprunteurs non-solvables appartenant à des minorités ethniques.
    Les mesures légales mise en place par le gouvernement américain à cet effet avaient explicitement pour objectif de “mettre fin aux discriminations raciales”.
    Discriminations parfaitement justifiées, comme les faits l’ont montré.
    Les banquiers avaient tendance à prêter moins facilement aux Noirs et aux Hispaniques, parce que ces derniers ont tendance à tricher sur le remboursement de leurs prêts.
    Quand le gouvernement a obligé les banques à prêter aux tricheurs, au nom de “l’anti-racisme”… eh bien le système s’est effondré.

  10. @ Robert Marchenoir
    très juste. méthode idéologique, socialiste, de fixer des critères sociaux. Hayek n’avait pas si tort apparemment.
    ce qui est dommage est que la doctrine sociale de l’Eglise soit promue par des personnalités comme M. Camdessus, qui ne sont pas ni très crédibles, ni tellement pertinentes.
    si c’est une “doctrine” sociale, ne devrait-elle pas être défendue par des clercs (pas de gauche, si possible, ce serait bien)?

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