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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Pourquoi est-il impossible de débattre de la continuité, ou de la rupture, entre la réforme liturgique et la constitution conciliaire ?

Pourquoi est-il impossible de débattre de la continuité, ou de la rupture, entre la réforme liturgique et la constitution conciliaire ?

Suite à l’article de Mgr de Sinety, curé à Lille et ancien vicaire général de Paris, Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance catholique et pèlerin depuis la recréation de ce pèlerinage vers  Chartres, souligne trois raisons pour expliquer l’exclusivisme liturgique pratiqué pr Notre-Dame de Chrétienté :

Une raison historique

La première est historique. Depuis sa fondation en 1983 le pèlerinage de Chartres a toujours été fidèle à la messe traditionnelle. Cela fait partie de son ADN. C’est cet attachement à la messe traditionnelle qui fit qu’en 1983 puis en 1984 la messe ne put être célébrée dans la cathédrale de Chartres. Merci de nous épargner l’argument selon lequel ce qui était alors en cause ce n’était pas la messe en tant que telle mais les liens des organisateurs avec la Fraternité Saint Pie X. En 1983 le célébrant à Chartres était l’abbé Philippe Tournyol du Clos et en 1984 le père Bernard Lecareux. Ni l’un ni l’autre n’étaient membres de la Fraternité Saint Pie X et leur situation canonique était tout à fait régulière.

Une raison psychologique

La seconde raison est psychologique. Par le motu proprio Traditionis custodespuis les différentes mesures d’accompagnement mises en œuvre par le cardinal Roche, préfet du dicastère pour le Culte divin et la discipline des sacrements, le pape François a clairement manifesté sa volonté de voir disparaître la célébration de la messe traditionnelle. Avec plus ou moins de zèle les évêques diocésains s’adaptent à ce nouvel état de fait. A cet égard Mgr de Sinety tient de curieux propos. Il évoque une « victimisation épuisante pour l’unité » et dénonce le « rejet de toute idée de synodalité ». Si la synodalité c’est « l’écoute du peuple de Dieu », que font les autorités romaines et épiscopales des 38% de jeunes catholiques interrogés par La Croix du 26 mai qui apprécient la « messe en latin » ? Quant à la victimisation présumée elle n’est pas un phantasme mais une réalité. Oui ou non y a-t-il eu des célébrations de messes traditionnelles supprimées à Paris ? Oui ou non y a-t-il des diocèses dans lesquels il est interdit de célébrer des baptêmes ou des confirmations selon la forme traditionnelle ? Le pape François ayant fait le choix de rallumer la guerre liturgique il apparaît « inopportun » de demander aux « persécutés » de porter au pinacle le symbole de leur persécution. Est-il vraiment judicieux, et délicat, de demander à venir en bicyclette à un pèlerinage de motards ?

De multiples interrogations doctrinales

Enfin, ce qui frappe dans toutes ces réflexions c’est le refus d’aborder la question de fond qui est celle des fruits de la réforme liturgique et de la licéité d’émettre des réserves ou de poser des questions à propos d’actes du magistère. Dans sa lettre Vicesimus Quintus annus du 4 décembre 1988 le pape Jean-Paul II écrivait : « Les pasteurs et le peuple chrétien dans leur immense majorité ont accueilli la réforme liturgique dans un esprit d’obéissance et même de ferveur joyeuse ». La réalité est que dans un pays comme la France la pratique religieuse a été divisée par dix en l’espace de deux générations. On n’ose pas imaginer ce qui se serait passé si la réforme n’avait pas été accueillie avec une « ferveur joyeuse ». Il n’en fut rien et tout le monde le sait !

Mgr de Sinety est aussi troublé par le fait que l’on puisse penser que la messe qu’il célèbre est « indigne ou indigente ». Le qualificatif le plus approprié est sans doute celui de Louis Salleron affirmant que la nouvelle messe était « équivoque » ? Comment, sans cela, expliquer la réflexion que faisait un évêque de France à Jean-Marie Guénois, dans le Figaro du 23 novembre 2020, observant « une foi catholique eucharistique théologiquement divergente » jusque chez les évêques. Le drame est que, par nature, le missel réformé est à géométrie variable, ce qui contribue grandement à sa désacralisation. Lors des journées liturgiques de Fontgombault (24 juillet 2001) le cardinal Ratzinger notait : « Dans le nouveau missel nous trouvons assez souvent des formules comme : le prêtre dit ainsi ou de manière semblable ou bien : ici le prêtre peut dire. Cette formule du missel officialise en fait la créativité ». Beaucoup de fidèles se plaignent qu’en pratique entre deux paroisses « ordinaires » il n’y ait jamais deux messes identiques. Cette diversité est une des composantes majeures et une des innovations fondamentales de la réforme liturgique. Réforme qui pose toujours, plus de cinquante ans après la publication du Bref Examen Critique de la Nouvelle Messe par les cardinaux Ottaviani et Bacci, à la conscience catholique de redoutables questions quand on se rappelle le constat des deux cardinaux : « Le Nouvel Ordo Missae (…) s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail de la théologie catholique de la sainte messe telle qu’elle a été formulée à la XXIIème session du concile de Trente ». Ce texte est toujours d’actualité et vient d’être réédité par les éditions Contretemps avec une préface du cardinal Burke, ancien préfet du Tribunal Suprême de la Signature apostolique.

L’inquiétude ne peut que croître lorsque le cardinal Roche déclare, es qualité, le 19 mars 2023 à propos de la messe : « La théologie de l’Eglise a changé ». Il y aurait donc dans l’Eglise les tenants de l’ancienne théologie et ceux de la nouvelle. Terrible constat ! Le fait est que toute la liturgie romaine traditionnelle conduit le prêtre et les fidèles à croire qu’il s’agit lors de la messe du renouvellement non sanglant du sacrifice du calvaire opéré par les mains du prêtre. Nous dirons pudiquement que « l’ethos liturgique » de la nouvelle messe est sensiblement différent. Combien, clercs ou laïcs croient comme l’a rappelé pendant des années le missel « à fleurs » publié par la CEF au moment de la réforme liturgique comme rappel de foi indispensable : à la messe « Il s’agit de faire mémoire de l’unique sacrifice déjà accompli » ?

Mgr de Sinety nous explique benoîtement qu’il n’est pas parvenu, comme responsable des aumôneries étudiantes d’Ile de France à « inverser la décrue spectaculaire qui s’opérait pour le pèlerinage des étudiants vers Chartres ». Plutôt que de s’inquiéter du « succès montant » du pèlerinage de Chrétienté, Mgr de Sinety ne devrait-il pas plutôt s’interroger sur les raisons de ce succès, et de son échec ? N’y aurait-il pas, paraphrasant une formule célèbre, une grâce particulière attachée à la célébration pleine et entière de la messe romaine traditionnelle ?

Quant à l’argument démocratique « laisser croire qu’il y a plus de vérité dans le rite d’un petit nombre que dans celui de l’immense majorité » il laisse pantois quand on se souvient de la solitude de Saint Athanase et de saint Hilaire de Poitiers au moment de la crise arienne.

Nos questions

En réponse aux interrogations de Mgr de Sinety nous aimerions à notre tour lui demander : Pourquoi ?

  • Pourquoi cet ostracisme contre la liturgie romaine traditionnelle ?
  • Pourquoi ce refus de voir la réalité qui est l’engouement d’un public de plus en plus large et jeune pour la messe traditionnelle ?
  • Pourquoi cette impossibilité de dresser un bilan, objectif et serein, de la réforme liturgique loin des incantations et des arguments d’autorité ?
  • Pourquoi est-il impossible de débattre de la continuité, ou de la rupture, entre la réforme liturgique bugninienne de 1969 et la constitution conciliaire sur la liturgie Sacrosanctum concilium ?

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