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L'Eglise : François / L'Eglise : Vie de l'Eglise

Qu’attendre des deux prochains synodes sur la famille ?

MattheeuwsLe Père Mattheeuws, jésuite et docteur en théologie morale et sacramentaire, dont le domaine de recherche concerne le sacrement du mariage, répond à Zénit. Il distingue le fameux "questionnaire" qui a fait couler beaucoup d'encre d'un "instrument de travail" synodal, qui viendra en 2015.

  • Que penser du questionnaire adressé aux chrétiens et des synthèses qui en ont découlé ?

Bien sûr, ce n’est ni un référendum ni un relevé statistique, mais il a intéressé de nombreux chrétiens, stimulé une certaine réflexion, donné la parole à beaucoup qui le désiraient. (…) La passion, les questions, les réponses, les avis, montrent qu’il y a une grande attente et une grande soif à propos des réalités de l’amour, du lien conjugal et de la fécondité familiale. Le matériel est immense et fera date. (…)

Ce n’est pas toujours facile de se situer devant des avis contradictoires ou des demandes fortes et des désirs irréalistes. Mais par les synthèses [qui en ont découlé] nous nous éclairons mutuellement sur les souffrances, les incompréhensions, les ignorances de ceux et de celles qui ont participé. Le mystère de l’amour se dit un peu tel qu’il est dans l’histoire d’aujourd’hui. (…) Il est inévitable qu’en première réaction, on ne voie pas facilement les dons de Dieu, ce qui va bien et surtout la beauté du thème. Il est normal que l’on insiste surtout sur ce qui apparaît devoir être changé dans les problèmes que l’on nomme. L’illusion serait de croire que des solutions miracles puissent apparaître rapidement. Croire qu’un cardinal ou même le Pape pourrait changer tout d’un coup certains points d’un enseignement profondément inscrit dans la Tradition, semble déplacé. Le danger serait de ne vivre qu’au moment présent, d’ignorer l’histoire du sacrement de mariage et ses fondements, de manquer d’espérance en l’intelligence humaine et la puissance de l’Esprit, de méconnaître le sens profond d’une « conscience ecclésiale », celle de l’Eglise qui n’est pas une organisation comme une autre, mais un Corps : celui du Christ Sauveur.

  • Ce serait une erreur de confondre cette enquête et l’Instrumentum laboris ?

C’est en effet l’écueil à éviter. (…) L’expérience (positive ou négative) ne peut pas être l’unique base de référence à la théologie pastorale sinon on glisse facilement dans l’émotivisme. Ensuite, réfléchir à partir du manque, des faiblesses, des peurs, des difficultés, des obstacles, des péchés ne peut pas être un chemin profond de compréhension du plan de Dieu. La négativité dans le réel n’est jamais le dernier mot de l’action de l’Esprit. Il convient toujours de considérer non pas l’idéal, mais la bonté de la volonté divine et la puissance de son action plus que l’incapacité de nos libertés à y correspondre. « Je suis venu pour qu’ils aient la vie en abondance », dit le Christ : et il le montre comme ressuscité dans ses sacrements.

  • Quel est l’enjeu concret pour le couple ?

Le couple et la famille sont des lieux de salut. Là se trouve le véritable enjeu ! On doit le comprendre de deux manières : l’amour lui-même est sauvé par le Christ à chaque instant. Ensuite, l’amour des conjoints dans une famille est une lumière, une preuve, un témoignage de cette action divine dans notre histoire concrète. La famille est un lieu privilégié du salut. Cela reste vrai à travers les drames que chacun de nous est amené à y vivre ou dont nous sommes témoins. Et l’Eglise vit de ce mystère du salut.

  • Les questions de la contraception et des divorcés remariés restent encore des sujets délicats et de discorde. Faut-il en parler ?

Bien sûr qu’il faut en parler: ce sont des points chauds, complexes, de grande souffrance. Et d’incompréhension. (…) Mais ce que j’ai entendu et lu jusqu’à présent me laisse perplexe. Il ne s’agit pas de mettre des rustines usagées sur une vieille chambre à air de vélo. Une casuistique « nouvelle » (nouvelle manière de traiter les questions morales cas par cas), même avec la rigueur nécessaire et propre à l’Occident, rejoint pourtant le courant légaliste de nos sociétés : elle ne servira à rien et elle ne tiendra que quelques dizaines d’années. De même penser à des guides-lines pour faire un excellent mariage et à un nouveau coaching des époux pour durer dans l’amour et dans leur promesse nous semble inadéquat pour ce type de sacrement ! Par ailleurs, l’hypothèse plus pragmatique d’une amélioration des reconnaissances en nullité est un traitement utile en soins palliatifs ! Mais cela ne construit aucun avenir fort. Le silence sur les fondements anthropologiques et théologiques de l’indissolubilité est sidérant : il montre l’ampleur et la nécessité d’une formation qui n’est pas offerte peut-être ; ou bien le hiatus des langages suivant les cultures et les formations. (…)

  • On doit s’attendre à de nombreux changements ?

Je ne suis pas prophète. Mais les médias et les avis de certains chrétiens laissent entendre que l’on peut non seulement parler de tout, réfléchir à tout, mais surtout réfléchir à frais nouveaux et tout changer. C’est une illusion. C’est un désir d’intellectuel. C’est une expression d’une grande souffrance ou d’une frustration idéaliste. Ce n’est pas ainsi que Dieu est entré dans l’histoire et qu’il nous a sauvés : Création, Incarnation, Rédemption, voilà des termes techniques compliqués mais la réalité biblique qu’ils visent, est simple et concrète. Il n’y a pas de no man’s land de nos vies où Dieu ne pourrait pas être présent. Dieu nous connaît mieux que nous-mêmes. De plus, la mémoire de l’Eglise est la plus longue mémoire institutionnelle de nos sociétés. Elle contient des richesses inouïes. Cette transmission des données de la foi et des mœurs n’est pas là pour nous bloquer dans nos réflexions. Elle est un dynamisme, un renouvellement permanent et vivifiant, sous la conduite de l’Esprit qui nous stimule dans l’approfondissement des questions et l’intégration d’une révélation de Dieu sur l’amour humain dans sa logique de don de lui-même.

  • L’Eglise ne devrait-elle pas s’adapter ?

Oui, mais à partir du mystère de Dieu dont elle vit, pas à partir d’elle-même puisqu’elle n’a pas sa finalité en elle. Il faut toujours « chercher les mots les plus adéquats » à la vérité à vivre. On n’a pas dit le dernier mot sur le sacrement de mariage, mais l’Eglise n’est pas restée muette sur cette question depuis 2000 ans. (…)

  • Dans ce contexte, avez-vous des suggestions, des souhaits ?

Comme prêtre, je souhaiterais que l’on mette mieux mettre en valeur la réalité sacramentelle du lien du mariage. Comment découvrir les effets et les conditions de sa permanence, la présence divine dans le consentement, l’assurance théologale des époux qui s’engagent, la puissance de la vie et de ses diverses significations. Et si possible, que l’Eglise se mette en route pour mieux accompagner et préparer ce sacrement de la mission qu’est le mariage : préparation lointaine, prochaine et immédiate d’un don mutuel qui est beau aux yeux de Dieu, qui est bon pour l’Eglise et le monde, qui est unique pour ceux qui s’aiment en vérité. Dans de nombreux cas, c’est un véritable parcours catéchuménal qu’il faudrait promouvoir et décider de commun accord. (…)"

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