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La dernière session du Synode sur la synodalité approchant (du 2 au 27 octobre), je m’y suis un peu intéressé.
Intrigué par la référence à saint Jean Chrysostome pour affirmer que selon ce Père grec “Église et Synode sont synonymes” (pape François) ou que “Église est synonyme de ‘faire chemin ensemble’” (Commission théologique internationale), j’ai pris le temps d’étudier le commentaire du psaume 149 en question (un ami, professeur de grec et théologien m’a aidé).
J’ai été assez surpris par mes découvertes. Je me permets de les partager, d’autant que l’intention de ce Synode est que tous puissent échanger librement en Église en toute charité.
La phrase originelle est : « Ἐκκλησία γὰρ συστήματος καὶ συνόδου ἐστὶν ὄνομα. »
« Car Église est le nom/le synonyme de rassemblement (rassemblement en un corps de plusieurs membres) et réunion (assemblée religieuse où l’on délibère). »
Le mot grec utilisé pour “réunion” est donc celui de synode.
Déjà, la citation est tronquée, et un autre terme est mis en coordination. Il est difficile alors de parler de synonyme.
Ensuite, saint Jean Chrysostome use partout dans son commentaire de l’analogie du chant et guère de la marche. La phrase du psaume qu’il commente est : « Alléluia ! Chantez au Seigneur un chant nouveau, louez-le dans l’assemblée de ses fidèles ! »
Rien ne permet d’affirmer que σύνοδος (assemblée) a été choisi en lien avec “faire chemin ensemble”, qui est seulement étymologique ici, et désigne une assemblée statique.
Au contraire, ce choix semble venir d’un jeu de sonorité autour du chant avec : συμφωνίας (concert de voix) à la phrase d’avant en lien avec le paronyme συνῳδος (“qui unit son chant ou sa voix”) qui se prononce à peu près comme synode en grec. Il faut savoir que saint Jean Chrysostome est un poète remarquable.
Par ailleurs, il va dire dans son Commentaire de la lettre aux Galates de manière claire que “Église est synonyme de ‘concert de voix’ (συμφωνίας) et unité”.
Il parait donc évident que l’Église est pour lui avant tout « symphonique », une idée chère à de nombreux Pères et que Benoît XVI a souvent commenté.
C’est intéressant, car l’analogie du chant permet d’unir le Ciel et la Terre dans une même louange de Dieu. Elle concerne donc toute l’Église (au Ciel et sur la Terre). Et le but ici-bas est d’abord de nous unir à la composante céleste de l’Église pour trouver notre juste note. Le reste vient ensuite.
L’analogie de la marche oublie qu’une bonne partie de l’Église n’est plus in via, en chemin, mais est installée dans les Cieux. Si nous réduisons l’Église à la synodalité, nous risquons de regarder simplement la composante terrestre.
Il n’est pas impossible de concilier ces deux idées dans la perspective d’une Église symphonique et synodale. Saint Jean Chrysostome invite d’ailleurs à cela dans son texte : chercher à vivre dans le Royaume des Cieux, tout en ayant à cœur l’amour du prochain ici-bas. Mais la dimension symphonique ne doit pas disparaître derrière la dimension synodale, comme les écrits du Synode semblent en avoir parfois le défaut.
La dernière session du Synode s’ouvre ce 2 octobre, il serait opportun que les autorités ecclésiales, avec tout le respect que nous leur devons, corrigent ce contre-sens sur la citation de saint Jean Chrysostome et sur l’ecclésiologie de son commentaire. Ne fut-ce que par souci de la vérité et par respect pour ce saint Père grec. Cela pourrait d’ailleurs les aider à équilibrer certains passages un peu équivoques ou bancals de leurs synthèses.
J’ai écrit mon analyse en détail ici (20 pages) :
https://sagessechretienne.fr/2024/09/28/synode-sur-la-synodalite-errare-humanum-est/
En union de prière en ce mois du Rosaire qui commence !