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Culture de mort : Euthanasie

Un rouleau compresseur qui avance sans égard pour ceux qu’il va écraser

Un rouleau compresseur qui avance sans égard pour ceux qu’il va écraser

Intervention du député LR Patrick Hetzel sur le Projet de loi sur la fin de vie :

Madame la Présidente, Madame la Ministre, Mes chers collègues,

L’heure est grave et à de nombreux titres. Vous nous proposez une rupture anthropologique majeure puisque vous voulez institutionnaliser, par la loi, le fait de rendre possible le suicide et même l’euthanasie. C’est une question éthique majeure. Or, pour des questions aussi fondamentales, la loi doit être claire et intelligible. Par le vocabulaire utilisé, le gouvernement cherche à euphémiser, parlant d’aide à mourir, là où en réalité, il est exclusivement question de suicide assisté et d’euthanasie. Il n’est pas très éthique de ne pas nommer correctement les choses. Il est des sujets pour lesquels il n’est pas possible de louvoyer et de manœuvrer. Machiavel n’a pas sa place lorsque l’on aborde un sujet aussi grave pour notre société voire notre civilisation. Dans son ouvrage « soi-même comme un autre » Paul Ricoeur insiste sur la nécessité de s’envisager soi-même en tant qu’autre. Le respect porté aux autres en général et aux plus fragiles en particulier, est un reflet de ce qu’est ontologiquement et profondément une société. Donner la mort est évidemment tout sauf anodin. Inclure cette perspective dans la pratique professionnelle des soignants c’est rompre avec au moins 25 Siècles de déontologie médicale puisque le serment d’Hippocrate date du 4ème Siècle avant notre ère.

Ensuite, il est très choquant de légiférer sur une telle question alors même que nous savons tous que chaque jour, en France, entre 400 et 500 de nos concitoyens qui devraient pouvoir accéder à des dispositifs de soins palliatifs en sont privés par manque de moyens financiers et humains. De sorte que, légaliser le suicide assisté et l’euthanasie alors même que cet accès aux soins palliatifs reste limité et très inégalement réparti sur le territoire national, peut conduire à ce que des personnes demandent le suicide assisté parce qu’elles seraient privés d’un accès aux soins palliatifs. Vous avouerez que cela est particulièrement choquant. Ni vous comme ministre, ni nous comme parlementaires, nous ne pouvons accepter que ce soit un choix par défaut. Ce serait terrible.

Autre question particulièrement troublante c’est que vous cherchez à radicalement transformer la philosophie des soins palliatifs. En effet, ces derniers sont justement nés pour éviter l’acharnement thérapeutique, soulager les douleurs et offrir des soins jusqu’à la fin de la vie. Or, là aussi, vous jouez avec les mots. Mais derrière ces mots, il y a un projet qui cache son dessein. Vous parlez de soins d’accompagnement. Terme plus générique et englobant dans lequel vous cherchez à absorber les soins palliatifs. Mais ce que vous faites ipso facto, c’est la construction d’un continuum entre soins palliatifs d’une part et suicide assisté et euthanasie d’autre part. Or, la philosophie des soins palliatifs est radicalement différente du fait de donner la mort. Elle a justement pour but de proposer de tenir la main du patient plutôt que de le tuer. Donner la mort n’est pas un soin. C’est un acte d’une nature radicalement différente. Vous ne pouvez pas passer sous silence cette rupture fondamentale avec des valeurs pluriséculaires.

Mais j’irai encore plus loin. Avec ce projet de loi, Madame la Ministre, vous allez pervertir ce trésor national que sont aujourd’hui les soins palliatifs. Le triptyque sur lequel ils reposent est consubstantiel à la pratique des soins palliatifs. Permettez-moi de le rappeler : personne ne doit mourir seul, personne ne doit subir d’acharnement thérapeutique et enfin, personne ne doit souffrir.

Ce projet qui a une dimension civilisationnelle et profondément humaniste est basé sur une confiance réciproque et inaliénable entre les soignants et les patients. Confiance, qui repose évidemment aussi sur le fait que le patient n’a pas à s’inquiéter : les soignants, à aucun moment, ne seront là pour lui donner la mort. Quelle ironie du sort que de vouloir qualifier l’acte létal de soin ultime. C’est vouloir donner bonne conscience à ceux qui seront conduits à pratiquer le geste mais c’est balayer d’un revers de la main, une valeur fondamentale, la protection de la vie. Sans compter que le psychologue Abraham Maslow nous a appris que le besoin de sécurité et de protection faisait partie des besoins de base de tout individu. En autorisant des soignants et des tiers, comme vous le prévoyez, à donner la mort à autrui, vous rompez avec la philosophie même du soin. Les lois doivent protéger et rassurer et non pas inquiéter. Vous allez rompre un équilibre sociétal fondamental.

Permettez-moi de vous le dire, je vois autour de moi des personnes littéralement assommées par ce qui s’est passé en commission spéciale la semaine dernière. Parce que âgées, malades, dépendantes quelquefois, vulnérables souvent, elles en sont pour certaines à s’excuser d’être encore là, de « coûter » à la société. Elles ne vous écriront pas, Madame la Ministre, trop occupées à se faire toutes petites. Eux et leurs proches sont persuadés que les dés sont déjà jetés.

Madame la ministre avez-vous conscience que votre loi n’en est qu’au stade du débat parlementaire et produit déjà des effets terribles auprès des plus fragiles et des plus vulnérables de nos concitoyens ?

Que faisons-nous de notre humanité ? Je ne me résoudrai jamais qu’elle soit simplement mise en ligne et en colonnes dans un tableau Excel. Le message que nous devons inlassablement passer, c’est qu’il y a un pacte social et que ce pacte social c’est celui de la fraternité véritable.

Beaucoup de personnes rencontrées ces derniers jours me parlent d’un rouleau compresseur qui avance sans égard pour celles et ceux qu’il va écraser.

Le sujet du grand âge, de la souffrance et de la fin de vie sont des dimensions essentielles. En commission, Madame la Ministre, vous avez parlé de processus, de technique, de dimension règlementaire du serment d’Hippocrate. A la place, j’aurais aimé vous entendre parler de relation, d’inclusion, de fraternité véritable.

C’est d’autant plus paradoxal que celles et ceux qui incarnent aujourd’hui ces valeurs existent. Ce sont tous ces professionnels qui sont engagés au sein des équipes de soins palliatifs ainsi que des bénévoles qui suivent les patients. Avec ce texte, ils vont désespérer car vous êtes en train d’inoculer la mort là où ils se battent pour que jusqu’au bout, ce soit la vie qui règne.

Des marges de progrès pour prendre soin de tous existent, développons avant tout ces pratiques qui marchent et qui sont soucieuses de l’autre. Ce dont il est question ici c’est de notre humanité commune. Revenons collectivement à la raison avant de commettre l’irréparable.

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