Cet article traite de trois Diptyques du Canon de la messe, c’est-à-dire de trois prières d’intercession, lesquelles constituent un ensemble de prières liées de manière secondaire à l’acte du Canon.
Il est possible de consulter la vidéo qui a été produite pour expliciter le contenu de cet article :
Ou de le retrouver sur le site de l’association la Phalange Liturgique avec d’autres sur la liturgie du Canon ou de la messe en général :
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Communicantes
Il y a un certain nombre de Communicantes différents. Il y en a pas pour chaque messe, il y en a six ou sept me semble-t-il. Le Communicantes ordinaire c’est celui-ci,
« Communicantes et Memoriam venerantes » :
« Unis dans une même communion, nous vénérons d’abord la mémoire de la Glorieuse Marie, toujours Vierge, Maître de notre Dieu et Seigneur Jésus Christ. Puis de vos bienheureux apôtres et martyrs, Pierre et Paul, André, Jacques, Jean, Thomas, Jacques, Philippe, Barthélémy, Matthieu, Simon et Jude, Lin, Clément, Sixte, Corneille, Cyprien, Laurent, Chrysogone, Jean, Paul, Côme, et Damien et de tous vos saints.
Par leurs mérites et leurs prières, accordez-nous en toute occasion le secours de votre force et de votre protection. Par le Christ notre Seigneur. »
Nous n’avons pas la place d’en faire le détail ici mais, le chanoine Croegaert vous explicite la liste de chacun de ces noms qui apparaissent ou dans le Nobis quoque peccatoribus ou dans le Communicantes, des apôtres en l’occurrence pour le Communicantes ou d’autres martyrs romains pour le Nobis quoque peccatoribus. Il vous donne une liste avec à chaque fois une petite biographie. (Croegaert, les Rites et les prières du sacrifice de la messe, ouvrage écrit par un professeur de séminaire avant le Concile.)
‘Communicantes’ c’est donc cette prière d’intention. Aujourd’hui dans la liturgie, diptyque ça veut dire prière d’intention. Elle s’adresse à l’Église triomphante.
Ce diptyque du Communicantes porte comme titre “infra actionem” donc pendant l’action. L’action, action c’est le canon. Tout le canon est quelque fois appelé « Actio » (Dans certaines rubriques du missel : « Incipit Canon actionis » : « commence l’action du Canon ») de sorte à signifier que c’est ce moment de la messe où il y a quelque chose qui se passe. Par opposition il n’y a rien qui se passe dans le reste de la messe.
L’intitulé “infra actionem” du Communcantes signifie qu’il devait être récité à la place qui lui revient pendant le canon.
Aujourd’hui encore le missel romain a conservé six variantes de ce diptyque. Donc pendant l’octave de Noël, pendant l’octave de l’épiphanie, le jeudi saint, le samedi saint, du samedi saint au samedi après Pâques on a le même. Pendant l’octave de l’ascension, de la vigile, de la Pentecôte.
Formulation
Il est curieux que le communicantes ne comporte aucun verbe à un mode personnel.
Tout le texte gravite autour de deux participes présents, communicantes et venerantes.
Soucieuse de concilier à son acte oblatoire (= d’offrande) en tant qu’elle demande toutes les complaisances divines, l’église militante fait appel à la communion intime : « communicantes », qui la rattache organiquement à ses membres triomphant. Elle célèbre la mémoire de quelques saints particulièrement agréables à Dieu et dont les suffrages seront par conséquent spécialement agréés. Marie, la mère de Dieu, les douze apôtres, douze martyrs, grâce à leur mérite et à leur prière la protection de Dieu la gardera en toutes choses, spécialement en l’oblation du saint sacrifié de la messe.
Le Communicantes porte nettement l’empreinte de ses origines. Né en terre romaine, il exprime le culte liturgique local de la ville de Rome. Ce sont les douze martyrs dont on cite le nom dans le communicante est ce sont des martyrs romains. Cette formulation est peut-être un peu moins pertinent pour nous qui sommes français, mais c’est évident que nous sommes les héritiers du rite romain.
Tous ces martyrs sont bien romains, c’est à dire nés à Rome ou populaires à Rome parce que leur relique repose ou sont vénérés dans les basiliques de Rome. Seul, bon c’est un Cyprien de Carthage, il fait d’exception ici mais il fut célèbre champion de l’unité de l’église et son culte était très populaire à Rome.
En tout cas sur le point d’accomplir l’acte le plus solennel de la religion, l’assemblée sent le besoin d’affirmer hautement sa communauté de foi et de charité avec ceux qui l’ont précédé et lui sont actuellement encore unis dans le Christ. A travers les siècles et les espaces elle donne la main aux apôtres et aux martyrs, à tous ceux qui professent avec elle une même foi orthodoxe pour les associer en quelque sorte à l’acte qu’elle va renouveler après eux et avec eux.
Hanc Igitur
Juste avant la consécration il nous reste un dernier diptyque, le « Hanc Igitur ».
« Voici donc l’offrande que nous vous présentons, nous vos serviteurs et avec nous votre famille entière. Acceptez-la Seigneur avec bienveillance, disposez dans votre paix les jours de notre vie. Veuillez nous arracher à l’éternel damnation et nous compter au nombre de vos élus par le Christ notre Seigneur. »
C’est un diptyque (donc une prière d’intercession ajoutée au Vème siècle dans le canon de la messe) mais c’est aussi une prière du canon essentiel, elle se trouve un peu à cheval entre les deux parties du canon, la partie essentielle et la partie secondaire.
Un rite, ajouté au XIIIème siècle lorsqu’on dit cette prière du Hanc Igitur consiste pour le célébrant à poser ses mains sur le calice. Ce rite n’a pas été inventé au XIIIème, mais il a été du rite de l’Ancien Testament, puis introduit dans la liturgie latine en ce siècle.
C’est le rite que mettait en œuvre le grand prêtre dans la liturgie de l’Ancien Testament pour la fête pendant laquelle le mouton sur lequel on faisait retomber tous nos péchés était béni de sorte à ce qu’il puisse être banni de la ville : le bouc émissaire.
« Lorsqu’il aura fait l’expiation pour le sanctuaire, pour l’attente des réunions et pour l’hôtel, il présentera le bouc vivant, ayant posé ses deux mains sur la tête du bouc vivant, Aaron confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d’Israël et toutes leurs transgressions selon qu’ils ont péché, il les mettra sur la tête du bouc. Et il l’enverra ensuite au désert par un homme tout prêt. » Lévitique.
Originairement, Hanc Igitur servait à recommander les intentions spéciales de ceux qui portaient les offrandes, d’où une certaine variété de formulaires.” On en a 38 dans le sacramentaire Gélasien (une forme de missel antique), aujourd’hui on n’a plus qu’une seule.
C’est surtout une prière d’intercession pour les prêtres et les fidèles. Dans la prière Hanc Igitur, on a bien cette référence aux prêtres et aux fidèles.
Nobis quoque peccatoribus
Le diptyque Nobis quoque Peccatoribus, nouvelle prière d’intercession adressée à l’église triomphante.
Au début de cette prière, le prêtre élève un peu la voix, c’était là simplement un signal pour le diacre pour qu’il se lève, parce qu’il était agenouillé à ce moment là, il devait se lever à peu près à ce moment là, donc il le disait un peu plus fort.On l’a gardé parce que la rubrique demande de garder, donc on garde par obéissance, même si le diacre ne se lève plus du tout à ce moment là d’ailleurs.
’Nobis quoque peccatoribus’ :
« A nous aussi pêcheurs, serviteurs, qui mettons notre confiance dans votre infinie miséricorde, daignez accorder une place dans la communauté de vos saints, apôtres et martyrs avec Jean, Étienne, Mathias, Barnabé, Ignace, Alexandre, Marcelin, Pierre, Félicité, Perpétue, Agathe, Lucie, Agnès, Cécile, Anastasie, et avec tous vos saints, pour nous admettre dans leur compagnie. »
Ne peser pas la valeur de nos actes, mais accordez-nous libéralement votre pardon par le Christ, notre Seigneur.” Donc on a encore une liste de saints dans ce diptyque, ce sont les deux diptyques au liste de saints, Communicantes – Nobis quoque peccatoribus, lesquelles sont placées en symétrie par rapport au Canon.
Et vous remarquerez, comme vous le remarquerez dans n’importe quelle liste qu’on fera, par exemple dans le Martyrologes qu’on récite à prime, on va avoir une liste de fêtes pour chaque jour, on va avoir un ordre particulier dans lequel les noms seront énoncés :
On aura d’abord les fêtes de Notre Seigneur, toujours en premier, les fêtes de Notre Dame, les fêtes de Saint Jean Baptiste, puis de Saint Joseph, les fêtes des apôtres, les fêtes des papes, des clercs et enfin des laïcs.
Les laïcs sont dans un ordre particulier aussi, donc on va voir les hommes avant les femmes bien sûr, cet ordre naturel, on l’a aussi dans le Communicantes, vous le remarquez. On a ici les messieurs avant les dames, en l’occurrence tous les messieurs sont du clergé, donc dans tous les cas ils se seraient retrouvés avant.
Il y a une exception, c’est lorsqu’on a des martyrs dans ce genre de liste, dans le Martyrologe, on n’a pas que des martyrs, on a des martyrs et des non-martyrs. Lorsqu’il y a des martyrs, ils sont avant les laïcs, ou même avant les clercs, donc même une femme martyre passera avant les clercs, et un homme martyr passera avant les femmes martyres. Parce que l’ordre surnaturel est supérieur à l’ordre naturel. Dans l’ordre naturel, la femme est inférieure à l’homme, alors que dans l’ordre surnaturel, souvent la femme par son humilité passe devant l’homme. C’est l’ordre que respecte la liste du Nobis quoque peccatoribus.
Ce diptyque est en relation étroite avec le Communicantes, il forme d’ailleurs une symétrie avec lui, comme les deux Memento forment une symétrie, l’axe de symétrie c’est la Consécration.
Communicantes mentionnait Marie, la mère de Dieu, à la tête des douze apôtres et de douze martyres, Nobis quoque peccatoribus commémore Saint Jean-Baptiste en tête de sept martyrs et de sept martyres, et paraît bien servir de complément au Communicantes.
Cependant, la différence entre les deux diptyques est frappante. Dans le Communicantes, la liste des Saints s’articule tout naturellement au texte, et coule d’une venue. Ici, la construction de la phrase par la répétition de la préposition “cum” présente nettement une allure heurtée, forcée.
« Cum tuis sanctis apostolis et martyribus cum iuanis ».
On dirait qu’il fallait trouver coûte que coûte une tournure permettant l’insertion de la liste qui suivait. Il est même très probable que ces apôtres et martyrs, cités au début d’une manière générale, désignent précisément ceux évoqués dans le Communicantes.”
Oui, il est dit, « et beatorum apostolorum » (« et les saints apôtres », dans le Communicantes, il y a une forme de “etc.” à la fin, et cela pourrait contenir en substance cette liste du Communicantes.
« La liste des Saints y aurait été ajoutée plus tard. Le souci d’éviter les redites, et par conséquent de fournir un complément, est manifeste. »
De plus, la liste des martyrs et martyres, citée ici, ne présente plus le caractère romain qui s’affirmait d’une manière si tranchée dans le Communicantes.
Enfin, si le Communicantes fait valoir les mérites des Saints et leur pouvoir d’intercession, le “Nobis quoque peccatoribus” sollicite une certaine participation, une certaine participation à leur gloire et à leur société béatifiante.
Exercices
Exercices proposés par le Chanoine Croegaert dans Les Rites et les Prières du Saint Sacrifice de la messe.
1. Expliquez l’origine et le sens du titre “Infra actionem” que posent certaines variantes du “Communicantes”.
2. Commentez le début de ce ditpyque
3. Commentez la mémoire de la Marie, la Mère de Dieu
4. Commentez la mention des douze apôtres
5. Que remarquez vous quant à la nationalité et l’ordre des XII Martyrs cités ?
6. Expliquez le rite de l’imposition des mains pendant le Hanc Igitur
7. Commentez le texte de cette prière
8. Expliquez pourquoi le prêtre élève la voix au Nobis quoque peccatoribus
9. Commentez ce diptyque jusqu’à la mention de saint Jean
10. Commentez la liste des 7 martyrs et des 7 martyres.
Louis Djeddi, à partie du Chanoine Croegaert
Association la Phalange Liturgique
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