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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Après “l’esprit du Concile”, “l’esprit de la nouvelle messe”

Après “l’esprit du Concile”, “l’esprit de la nouvelle messe”

Prêtre de la communauté de l’Emmanuel dans le diocèse de Vannes, le Père Jean-Baptiste Nadler a publié en mai un ouvrage sur la messe, L’esprit de la messe de Paul VI, chez Artège. Cyril Farret d’Astiès en a proposé une analyse en 3 parties publiées par L’Hommes Nouveau : ici, et . En voici un extrait :

Le chant grégorien et le latin. 

L’abbé Nadler s’interroge en tête de ce chapitre ; l’un des plus grands mystères de l’application de Vatican  II écrit-il en préambule, concerne le chant grégorien. En effet Vatican II  rappelait que le grégorien est le « chant propre de la liturgie romaine ». 

Bien. Mais ceci étant écrit, il faut également rappeler que dans toute la PGMR (84 pages au format A4), on trouve une fois, une seule malheureuse fois mention du chant grégorien au n° 41. Jusqu’au n° 399 qui clôt la Présentation générale, on ne reparlera plus jamais du grégorien. Ce n’est en réalité pas très étonnant car le chant grégorien s’adapte mal à la nouvelle messe. Le grégorien c’est l’anti-choix, son exigence rebute l’homme moderne, tout comme son intériorité et son orientation. Sa technique vocale nécessite une exécution par un chœur dédié et cette spécificité va donc à l’encontre de l’esprit participatif ; pourtant, par son âme, le grégorien favorise la véritable participation, l’union intérieure de l’assemblée. Si la liturgie n’est pas orientée vers Dieu mais vers l’homme, il est malheureusement logique que le « chant propre » de l’Église n’y trouve plus sa place ; ni la « première », ni même un simple strapontin. 

Et il y a un lien avec le latin qui a été sacrifié. L’abbé Nadler ne défend le latin qu’à l’usage du grégorien. Il fait sienne la pensée désolante de Paul VI dans son fameux discours de 1969 quand il présentait la nouvelle messe :

« (…) Et c’est là, bien sûr, que l’on constatera la plus grande nouveauté : celle de la langue. Ce n’est plus le latin, mais la langue courante, qui sera la langue principale de la messe. (…) Il s’agit là d’un sacrifice très lourd. Et pourquoi ? Que peut-il y avoir de plus précieux que ces très hautes valeurs de notre Église ? La réponse semble banale et prosaïque, mais elle est bonne, parce que humaine et apostolique. (…) Plus précieuse est la participation du peuple, de ce peuple d’aujourd’hui, qui veut qu’on lui parle clairement, d’une façon intelligible qu’il puisse traduire dans son langage profane. (…) ».

Voilà : plus de latin au nom de la participation. Donc plus de grégorien non plus, excepté dans quelques lieux privilégiés. On ne peut pas tout vouloir. Choisir c’est renoncer. 

Pour conclure cette présentation

Quand l’abbé Nadler en conclusion de son ouvrage estime que « l’un des éléments qui sera le plus déterminant pour mener à son terme la réforme liturgique conciliaire est l’orientation » on se pince un peu. La réforme conciliaire est totalement à l’œuvre depuis plus de cinquante ans à présent. Partout. Elle est totalement appliquée. Ce que ne semble pas saisir l’abbé Nadler c’est que l’effondrement que nous constatons en toute chose n’est pas due à une application partielle mais au contraire à une pleine et entière application. 

L’abbé Nadler estime également dans sa conclusion que deux écueils empêchent la réforme liturgique de porter ses fruits : « Premièrement en l’ignorant », c’est la posture des catholiques de tradition qui ne l’ignorent pas, la connaissent bien, mais effectivement ne la pratiquent pas. Deuxièmement, en « accommodant ses normes avec l’esprit du moment. » Mais l’esprit du moment c’est l’esprit de la réforme elle a été faite pour parler aux « homme de ce temps » dans la langue des « hommes d’aujourd’hui » c’est précisément Sacrosanctum concilium (n°4) qui le dit en expliquant le but de la réforme : réviser entièrement les rites « et qu’on leur rende une nouvelle vigueur en accord avec les circonstances et les nécessités d’aujourd’hui. »

Et la PGMR au n° 352 indique très clairement que

« l’efficacité pastorale de la célébration sera certainement accrue si les textes des lectures, des prières et des chants correspondent bien, (…) à la mentalité des participants. C’est ce qu’on obtiendra au mieux si l’on profite des multiples possibilités de choix qui vont être énumérées ci-dessous. »

L’incapacité volontaire ou involontaire à cerner l’édifice liturgique réformé et à tirer un bilan de ce demi-siècle d’application est réellement problématique car elle interdit tout diagnostic et donc tout remède. Il nous semble que deux raisons principales expliquent cette cécité : approche volontariste de la loi et compréhension maximaliste de l’autorité pontificale. Oubliant la relation intrinsèque entre bien commun et autorité, l’abbé Nadler, comme tant d’autres, est probablement paralysé par ce qu’il entrevoit pourtant et prend le parti d’un papisme qui ne nous semble pas fondamentalement juste.

Certains ont dit récemment dans une formule incompréhensible : je préfère avoir tort avec le pape que raison contre lui. Nous disons pour notre part que la décision de Paul VI, pour un motif pastoral escompté, de bouleverser totalement l’édifice liturgique n’était probablement pas légitime. Nous disons aussi que Traditionis custodes qui souhaite l’éradication de la liturgie traditionnelle est certainement un abus d’autorité. Disant cela nous n’en prions pas moins pour le pontife régnant et nous n’en chantons pas moins le credo. 

Puisque la réforme a été essentiellement voulue pour deux motifs majeurs qui sont la pleine efficacité pastorale (Sacrosanctum concilium n° 49) et la clarté des réalités saintes qui sont célébrées (Sacrosanctum concilium n° 21), est-il réellement outrageant de poser la question du résultat de cette réforme plus de cinquante ans après alors que la pratique s’est effondrée et que le peu qui reste ne sait plus à quoi il croit ? 

Il nous semble que l’abbé Nadler comme beaucoup d’autres, propose une vision personnelle et fantasmée de la messe de Paul  VI. Dire que la messe qu’il propose n’existe pas serait trop dire. Elle existe, mais comme une anecdote non représentative, parmi tant d’autres interprétations d’un missel qui a été créé pour être interprété dans l’objectif illusoire que la participation qui en résulterait favoriserait la pratique et souderait les communautés. 

Il n’empêche que l’abbé Nadler et les catholiques observants ont soif d’une liturgie qui soit conforme à sa raison d’être. L’abbé Nadler propose avec son essai quelques pistes marquées d’une véritable piété liturgique. Nous en convenons tout à fait. Et nous faisons nôtres une partie de ses préconisations. Il nous semble en effet, même si ce n’est pas le plus important du point de vue de la théologie de la messe, que l’orientation de l’autel est probablement l’hameçon qui permettrait de remettre l’édifice liturgique à l’endroit (un important colloque du Centre international d’études liturgiques s’est tenu à Rome en début d’année sur ce sujet). Mais nous constatons aussi avec regret et tristesse combien les pages de l’abbé Nadler sont imprégnées de cette idée biaisée de priorité pastorale et participative.

Nous voudrions témoigner que c’est la primauté cultuelle de la liturgie traditionnelle qui, par surcroît, par conséquence, produisent les bons fruits pastoraux que nous constatons dans nos communautés traditionnelles. Nous voudrions donc l’inviter à découvrir ou redécouvrir l’immense patrimoine de la liturgie traditionnelle et les trésors qu’elle contient qui sont le bien commun de l’Église latine. 

Comme le disait un groupe de théologiens en 1969 :

«  On est fondé à craindre que, ne mettant plus en évidence le Sacrifice de Jésus, l’ordo Missæ ne le voue en fait à l’oubli  ; car ce Sacrifice est une réalité trop surnaturelle pour que l’homme puisse, sans signe, s’en souvenir et en vivre. »

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