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France : Société

Les gilets jaunes et The conversation

Les gilets jaunes et The conversation

De Marion Duvauchel :

The conversation n’est pas un site anglais ; c’est un site français, apparemment préoccupé de bilinguisme, qui veut « expliquer pour mieux agir », analyser et donner à voir pour éclairer l’action ». Nous sommes prévenus, c’est cuistre, pédagogique et ça va nous expliquer la vie « ex cathedra ».Le sous titre est la hauteur : L’expertise universitaire, l’exigence journalistique

On y trouve un article édifiant d’un sociologue au nom poétique : Michel Wievorka. Il est président de la Fondation Maison des Sciences de l’homme et il a publié un article qui s’intitule « Gilets jaunes, quel avenir ? ».

Ce monument de morgue inconsciente d’elle-même est destiné à éclairer les mongoliens profonds que nous sommes, (et aussi accessoirement sans doute à faire connaître le dernier livre du monsieur). Il opère une description des gilets jaunes, à l’allure résolument objective et il explique qu’ils sont ce qu’on appelle un « mouvement », au cas où nous ne l’aurions pas compris. Ils « sont socialement diversifiés, et donc indéterminés, les uns modestes, les autres moins, ils comptent en leur sein des femmes, et pas seulement ou principalement des hommes ; des jeunes, et des seniors ».  Merci. C’est précieux.On n’aurait jamais compris sans ces lumineuses explications fournies à l’aune de doctrines respectives d’Alain Touraine ou de Thomas Roulet. Allons plus loin : « dans cette perspective, un mouvement social est un mécontentement mobilisant des ressources pour parvenir à des fins qui éventuellement incluent son institutionnalisation ». C’est tout à fait juste, mais et quoi ?

Si je tiens à relayer cet effort pédagogique pour s’interroger sur l’avenir de ce mouvement, c’est à cause de la suite. Cet éminent sociologue admet qu’ils ont « raison (ces gilets jaunes) de ne pas vouloir faire les frais d’une longue mutation dont ils ont été les oubliés et les invisibles, de demander des mesures sociales en leur faveur, d’exiger, aussi, du respect et de la démocratie ».  C’est généreux de sa part de leur reconnaître ces droits élémentaires. « Mais » ajoute t-il : « ils ne constituent pas le sel de la terre, et leur mouvement pour l’instant n’invente aucun avenir au-delà de ce qu’exigent des politiques sociales et de dignité ».

« Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes ». Matthieu 5 13 ». Parce que ce sont les sociologues peut-être le sel de la terre ? Ou les députés européens ou peut-être les artistes qui se font les ardents promoteurs de la nouvelle anthropologie imposée dans nos écoles ?

La fin est digne des meilleurs sophiste de l’antiquité : « Il est injuste d’y voir une ébauche de fascisme, à l’italienne, car ils ne sont pas porteurs de revendications qui en donneraient l’image ; il est tout autant erroné d’y voir l’acteur contestataire d’un monde nouveau, car ils n’apportent pas d’appels au renouveau culturel, intellectuel, utopique, créatif – ou fort peu ».

Ces hommes ne se sont jamais voulus ou prétendus les porteurs d’un rêve de néo-hippies en quête de quelque Katmandou fantasmée. Ils n’ont jamais invoqué quelque monde nouveau illustré en bande dessinée. Ces hommes et ces femmes ne sont pas immergés dans un rêve de renouveau utopique dont ils n’ont que faire : ils sont solidement incarnés, ils veulent de meilleures conditions d’existence ; ils veulent cesser de trimer pour payer des taxes qui vont s’accumulant pendant que les députés se gobergent ; ils veulent cesser de perdre des heures à la poste ou à la préfecture, dans des services publics de plus en plus déshumanisés ; ils veulent des écoles qui marchent, des écoles où on enseignent à lire à écrire, compter, pas des écoles où l’on s’agenouille devant les idoles de la République ; ils veulent un monde un peu plus juste où ils auront une place et où leur enfants auront des chances qu’ils n’ont sans doute pas eues ; pour certains ils veulent tout simplement un peu plus d’argent pour vivre et faire vivre leurs enfants. Ils ne savent pas bien l’exprimer. Ils ne sont pas des rhéteurs, ni des tribuns, ils sont maladroits, parfois raides sur un plateau télé, sans doute incohérents dans leurs demandes, parce qu’ils sont divers comme la société française réelle est diverse. Et il n’y a pas de professeurs ou d’enseignants parmi eux qui auraient pu les aider à formuler leur demande. Ils peinent à trouver des représentants, rien d’étonnant.

Ils ont en face d’eux un homme dur, froid, une presse menteuse et arrogante, qui est unie, elle. Ils l’affrontent démunis de la longue expérience des plateaux télé que des Aphatie ou Elkrief ont depuis de longues années. Ils ont du courage, et ça devrait forcer le respect, quels que soient les défauts que l’indiscrète télévision fait nécessairement apparaître. Ils ne sont pas unis ? Parce que les syndicats le sont peut-être? Parce que nos politiques le sont ?

Quant à leur manque de créativité : ils ont sorti le gilet jaune, un simple gilet jaune rendu obligatoire pour Dieu sait quelles raisons stupides, et ils en ont fait un signal de rassemblement, de ralliement, de reconnaissance, et d’une certaine forme d’espoir, même si, même quand, même avec… Ils ont enfilé un simple gilet coloré et ils ont fait le buzz, créé l’évènement, et fait tremblé un pouvoir qui n’avait jamais atteint un tel sommet de cuistrerie, d’arrogance, de mensonge, de prétention et de suffisance.

Moi personnellement, je les trouve plutôt inventifs…

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