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Tribune libre

Lettre ouverte de l’abbé Pagès à Mgr de Moulins-Beaufort

Lettre ouverte de l’abbé Pagès à Mgr de Moulins-Beaufort

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« Si, grâce à Jésus-Christ, nous ne décidons pas librement de mourir pour participer à Sa passion, Sa vie n’est pas en nous. »
(St Ignace d’Antioche, 16ème Mardi du T.O.)

Abbé Guy Pagès

03.11.2023

A l’attention de Monseigneur de Moulins-Beaufort,
Président de la Conférence des Évêques en France,
58 avenue de Breteuil, 75007 Paris

Objet : Compensations financières des actes pédo-criminels commis par des ecclésiastiques
et des laïcs en mission ecclésiale

Loué soit Jésus-Christ !

Excellence,

Le temps passe, et bien que je me sois déjà exprimé à ce sujet, des réflexions et questions me reviennent sans cesse, que plus d’un fidèle ou confrère, ai-je remarqué, continuent aussi à se poser, et d’autres en dehors de l’Église. Aussi, comme il en va du bien de l’Église, permettez-moi de vous les poser publiquement. Elles concernent les compensations financières que la plupart des épiscopats ont décidé d’octroyer aux victimes des actes pédo-criminels perpétrés par certains membres de l’Église, ministres ordonnés ou religieux et laïcs en mission ecclésiale.

Outre que l’argent apparaît comme une compensation en soi inadéquate pour le mal subi (mais dans notre système juridique et notre culture, indispensable), que le statut de victime peut être mensongèrement obtenu, comme on en a de nombreux exemples, et que seules des victimes reconnues comme telle par un tribunal canonique ou laïc qui condamne leurs agresseurs (et non par quelque commission qui s’érige en tribunal) peuvent à la rigueur être indemnisées du pretium doloris, il reste une question de fond : pourquoi les personnes auteurs des actes coupables ne sont-elles pas seules tenues à réparation ? Et s’il advient que la responsabilité d’un supérieur ou d’un évêque est dûment prouvée, pourquoi n’est-il pas tenu personnellement à réparation ? Le droit naturel, le droit ecclésiastique et le droit français n’obligent à réparation que des coupables de dommages et personne d’autre. Pourquoi les communautés de croyants innocents sont-elles mises à contribution ? Voudrait-on revenir à un système de responsabilité collective ou à celui où les fils payent pour les fautes de leurs pères (cf. Ez 18. 1-20) ? Saint Paul n’a-t-il donc pas enseigné que « chacun rendra compte à Dieu pour soi-même » (Rm 14, 12) ? Et si la faute morale n’est pas transmissible, pourquoi sa compensation financière le serait-elle ? La justice ne voudrait-elle pas que seuls les coupables, diacre, prêtre ou évêque, payent de leur poche ces compensations financières, et non les diocèses et communautés de croyants, innocents des actes commis par quelques ministres individuels ?

Que je sache, personne n’a jamais demandé des compensations financières à l’administration de l’Éducation nationale ou à toute autre administration pour des faits criminels commis par tel ou tel de leurs agents, tant du point de vue du droit français cette responsabilité morale d’une institution – qui n’existe en réalité que par des associations cultuelles -, est une sorte de monstruosité juridique. Concrètement elle s’analyse 1/ en la responsabilité présumée d’une institution que le droit français ne connaît pas comme telle ; et 2/ en un don gratuit à des victimes d’agressions par un fonds national censé représenter cette institution. Or, ce fonds national est alimenté par les associations cultuelles contrairement à la loi et à leurs statuts, puisque ces versements n’ont rien à voir de près ou de loin avec le culte …

Les effets de cette « bienfaisance » sont catastrophiques. En effet, verser ces compensations financières en puisant dans la caisse commune, souvent exsangues du fait du fait de la baisse du nombre des fidèles, et en certains cas en raison d’une gestion indéfendable, voire immorale (je pense à des investissements et opérations financières ou immobilières hasardeux, ou, pire, aux versements obstinés de subventions à des groupements soutenant l’avortement, la normalisation de l’immoralité sexuelle, aux contributions pour la construction de mosquées, etc.). N’est-ce pas porter le coup de grâce à la survie de certains diocèses ou instituts religieux ? Et surtout, comment cette solidarité financière ne ferait-elle pas passer l’Église pour solidaire des crimes commis ? Les a-t-elle jamais demandés qu’elle doive en payer le prix ? « Quelle association entre le fidèle et l’infidèle ? (2 Co 6.15) » Jusqu’où doit aller l’auto-démolition de l’Église dénoncée en son temps par le pape Paul VI (07.12.1968) ? Les ennemis de l’Église pouvaient ils rêver d’une alliée plus zélée que cette politique qui couvre d’opprobre l’Épouse du Christ, la rend haïssable, en sorte que personne ne veuille plus y entrer, sinon par miracle, et que beaucoup la quittent pour ce motif ?

La malédiction du Christ à l’adresse des serviteurs de Dieu chargeant autrui de fardeaux insupportables (Lc 11.46), et celle adressée aux scribes et pharisiens condamnant les crimes de leurs pères assassins des prophètes dont ils bâtissaient et ornaient les tombeaux, mais qui nourrissaient de pareilles intentions criminelles à Son égard (Lc 11.47-48), ne touchent-elles pas aujourd’hui ceux qui dénoncent les actes des pédo-criminels dans l’Eglise tout en œuvrant à sa ruine morale et financière ? Plus d’un fidèle se pose la question. C’est pourquoi il m’a semblé devoir humblement vous la poser.

En vous remerciant de votre bienveillante attention, et vous assurant de ma prière pour votre fidélité à la grave mission que vous avez reçue, je vous prie, Excellence, de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur,

Abbé Guy Pagès

C.C. Mgr Celestino Migliore, Nonciature, 10 Av. du Président Wilson, 75116 Paris

« Si les gens savaient qu’ils vont en enfer, ils changeraient de vie. »

cf. https://www.islam-et-verite.com/lettre-ouverte-a-monseigneur-de-moulins-beaufort/

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11 commentaires

  1. La question que se pose ici Mr l’abbé Pagès, je me la pose aussi. En effet, en tant que catholique pratiquant, je ne vois pas en quoi je dois me sentir responsable des errances de certains ecclésiastiques ou assimilés (d’autant plus que ne ne suis pas passé loin de ce genre de dépravation d’adultes lorsque j’étais enfant ). Après réflexion, je crois que je vais renoncer à payer ma contribution financière à la vie de l’Église. Qu’en pensez-vous ?

    • Je me suis posé cette question l’année dernière lors de la mise en place de ce fonds d’indemnisation particulièrement injuste pour les fidèles. J’ai donc décidé de flécher vers ma paroisse l’intégralité de notre don au Denier du culte. J’en ai informé mon curé en lui renouvelant ma confiance. J’ai également écrit à l’économe du diocèse pour motiver mon choix avec les mêmes arguments que ceux de l’abbé Pagès quoique de manière plus succinte.
      Nous devons chercher la justice autant que possible.

    • N’en faites rien, et continuez à donner ce que vous pouvez donner ! Mais sans doute assurez vous que vos dons ne servent pas, comme on l’a vu il y a peu, à financer l’érection de statues douteuses en plein Vatican. Pour cela, il y a déjà les clochards de votre quartier, mais aussi des paroisses qu’il faut aider et que l’on peut aider sans que son don aille dans des directions imprévues (renseignez vous auprès du Curé), et aussi des oeuvres absolument remarquables, la première d’entre elle qui me vienne à l’esprit étant l’UNEC, de Winfried Wuermeling, à laquelle vous pouvez donner le coeur ouvert et les yeux fermés.

  2. Eh bien au regard de cela et de la gabegie bureaucratique des diocèses, dénoncée par Mgr Schneider, j’ai cessé depuis 2 ans de verser le denier du culte. je préfère donner aux oeuvres et séminaires traditionnels, ou bien directement à ma paroisse.

  3. Quand les évêques disent que le pretium doloris des abus sexuels du clergé ne seront pas à la charge des fidèles , c’est un mensonge car les revenus de l’Eglise sont un tout et si par exemple ce sont des revenus immobiliers ou des ventes de biens qui sont utilisés pour dédommager les personnes abusées , ces revenus soustraits seront nécessairement compensés ensuite par le denier du culte et les divers dons faits à l’Eglise. Car l’Eglise de France ne dispose pas de quoi autogérer les revenus du clergé, leur retraite et les coûts sociaux. Il faudra bien compenser ce qui sera soustrait à ces besoins incompressibles. L’Eglise devrait enfin comprendre que le langage de la vérité devrait être exclusivement le sien. “La Vérité vous rendra libre” a dit le Christ.

  4. Remarquable courrier de l’abbé Pagès, qui se situe dans la même ligne que à la tribune d’un groupe de juristes, publiée en novembre 2021 dans La Croix sous le titre « Les fidèles ont le droit légitime de ne pas cofinancer l’échec du cléricalisme », et qui protestait déjà, au nom du doit, contre cette fausse bonne idée, devenue un chantage pénible. J’en ai retrouvé trace ici : http://e-dito.fr/index.php?article43/du-droit-legitime-de-ne-pas-cofinancer-lechec-du-clericalisme

    La légion d’honneur reçue presqu’en catimini par Mgr de Moulins-Beaufort des mains de M. Darmanin, le 6 décembre 2021, comme pour le remercier de sa complaisante docilité au traitement scandaleux de cette question par la CIASE, dirigée par la grande bourgeoisie progressiste en la personne de Jean-Marc Sauvé, laisse peu d’espoir que le cher Abbé reçoive jamais une réponse.

  5. Cette indemnisation collective, (et bien évidemment sans l’accord des membres de l’Eglise, mais avec leur argent), n’étant pas requise par la Justice, il s’agit bien d’un don; même si l’intention est de couvrir un pretium doloris qui serait la faute de l’Institution qui se reconnaitrait coupable.
    Un don est par principe fiscalisable. Si l’on peut penser que l’Administration fiscale française n’irait pas aujourd’hui fiscalisé ces dons (65%), il en serait tout autrement avec des politiques mal intentionnés. Ce qui entraînerait la double peine.
    La victime touchant cette somme, dite d’indemnisation aux yeux seulement d’un fonds privé, pourrait être poursuivi pour enrichissement sans cause, revenus déguisés…
    A l’échelle de l’Eglise, il s’agit donc en plus d’un mauvais signal à risque fiscal.

  6. Les responsables de l’Eglise peuvent-ils vraiment affirmer qu’ils ne sont pas responsables de cette catastrophe chez ses prêtres ? Il suffit de voir cette vidéo datant de 1972 sur le grand séminaire de Lille, il parle de lui-même. Ce qu’on appelle les bons fruits de Vatican II.
    https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf91040449/pretre-pour-quoi-faire

  7. Je ne comprends pas ce que les évèques français, ont cherché à faire en finançant la CIASE, si ce n’est pour préparer les esprit à une vraie subversion de l’intérieure de l’Eglise …. le Pape françois n’a cessé de critiquer et d’insulter les prètres en soutannes et tradis … et avec ce financement en volant l’argent des fidèles, ils plombent l’Eglise financièrement, ce qui est un véritable scandale de notre temps …. !

    Ils veulent en finir avec la paternité spirituelle du sacerdoce afin de rendre l’Eglise plus démocratique et plus proche du monde mais à quel prix ?
    Tout cela, financement des victimes, CIASE, synode sur la synodalité, acceuil des LGBT+ etc …. est la même vague de destruction de l’Eglise mis e en marche par le pape François et ses collaborateurs …..

    Bravo à l’Abbé PAGES pour cette lettre !

  8. L’abbé Pagès a raison de mettre l’accent sur la responsabilité et la culpabilité personnelles des auteurs d’actes pédocriminels.

    Cependant, dans sa lettre, il oublie un aspect extrêmement important : Qui a couvert ces abus sexuels et qui avait l’autorité pour faire cesser les actes pédocriminels de ces ecclésiastiques indignes et iniques ? Qui a transféré ces prêtres pédocriminels dans une autre paroisse pour les soustraire à une juste condamnation ? Qui a fait preuve d’une procrastination coupable, inexcusable ? Qui a cruellement, cyniquement et criminellement manqué à son devoir d’assistance à personne en danger, avec la circonstance aggravante qu’il s’agissait de mineurs, d’enfants, pour beaucoup ? Qui savait et n’a strictement rien fait de véritablement significatif ? Pourquoi les pédocriminels, pour plusieurs d’entre eux, des sodomites infiltrés dans le sacerdoce, n’ont pas été sanctionnés de manière exemplaire, càd, en les renvoyant de l’état clérical, qu’ils ont souillé par leurs crimes indicibles ?

    Ceux-là aussi sont responsables et coupables. Ils échapperont sans doute à la justice des hommes mais ils n’échapperont pas à celle de NSJC. Ils auront beau s’absoudre sacramentellement, leurs crimes épouvantables et les cris de justice de leurs jeunes victimes s’élèvent vers le Ciel.

  9. Le courage de l’abbé PAGES est à souligner. Il pose la question de la responsabilité de chacun de nous dans les actes que nous faisons. C’est bien chacun de nous qui sera jugé et non pas l’Église, ni même l’Église en tant qu’institution.
    Lors de la messe, ce n’est pas l’institution qui confesse ses fautes et ses péchés, mais bien chaque fidèle en disant : “JE confesse…” De la même manière, ce n’est pas l’institution qui proclame sa foi, mais chaque croyant en affirmant devant tous les autres : “JE crois en Dieu…” Et c’est bien par cette affirmation de chacun que l’on croit “… en l’Église, Une, Sainte, catholique et apostolique.”
    Fondamentalement se pose la question : Qu’est-ce l’Église ? Nos évêques ont-ils oublié que la Tète et le Corps de l’Église, c’est le Christ ? Et que, par conséquence, l’Église est sainte ? Comment peuvent-ils, sans trembler, se défausser sur l’Église pour épargner les mauvais pasteurs ?
    Dans cette douloureuse affaire se pose aussi la question de l’ouverture de l’Église au monde ? Et du discernement à opérer face aux folies du monde ? La pédophilie, tout comme l’homosexualité revendiquées dans le monde, a pénétré et pénètrent l’Église. Les brebis du Bon Dieu que nous sommes, ont le droit de demander à leur berger de ne pas les transformer en moutons de Panurge. Mais de revenir au Christ : “le Chemin, la Vérité et la Vie”.

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