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France : Société

Lutter pour l’égalité ne peut passer que par la transmission de la culture

François-Xavier Bellamy, professeur de philosophie, adjoint au maire de Versailles, publie une tribune dans VA suite à la décision de Sciences po de supprimer l'épreuve de culture générale à son concours d'entrée. Extraits :

"La décision de Sciences Po est le symptôme d’une conception du savoir qui est, en fait, l’origine même du problème : c’est par exemple la conception d’un Rousseau, figure paradoxale de l’esprit des Lumières, qui reprochait à la culture de pervertir la nature humaine. Émile, son élève imaginaire, serait aujourd’hui le mieux armé pour devenir étudiant de Sciences Po : élevé par un précepteur vigilant, qui « lui a bien plus appris à ignorer qu’à savoir », il n’est pas encombré de ce fatras inutile qu’est la culture générale. Il a évité soigneusement les bibliothèques, mais a appris la vie dans ses différents engagements. « Mettez toutes les leçons des jeunes gens en action plutôt qu’en discours, exhortait Rousseau ; qu’ils n’apprennent rien dans les livres de ce que l’expérience peut leur enseigner. » Pour faire la preuve de votre “individualité”, candidats, vous voilà donc avertis : mieux vaut être un militant impliqué qu’un étudiant appliqué !

La culture n’est en fait qu’un accessoire mondain ; elle est le coupable privilège des “héritiers”, ceux que leur environnement familial a préparés à devenir la prochaine génération de l’élite au pouvoir. C’est la deuxième étape de la dénonciation, celle du sociologue français Pierre Bourdieu, qui aura tant marqué la vision contemporaine de l’éducation – au point que Valérie Pécresse, jetant l’anathème sur la culture, reprenait ce propos marxiste.

[…] L’intelligence sans culture n’est rien. Privé de cette culture, le jeune Émile, revendique Rousseau, « est un sauvage fait pour habiter dans les villes ». Est-il plus libre pour ne rien posséder qui ne vienne de lui ? Ce que nous avons appris a construit notre pensée, jusque dans sa liberté ; ce que nous avons reçu nous a permis de devenir ce que nous sommes. Apprendre une langue, articuler des raisonnements scientifiques, connaître son histoire, c’est acquérir les moyens d’une réflexion vraiment personnelle. […] 

C’est en cela que l’on se trompe d’objectif : lutter pour l’égalité réelle ne peut passer que par la transmission de cette culture à tous les élèves, quel que soit leur milieu d’origine. Notre école est devenue l’une des plus inefficaces et des plus inégalitaires d’Europe depuis que ses responsables la considèrent comme un outil de discrimination. On lui a intimé l’ordre de renoncer à la transmission, à l’apprentissage “par coeur”, au “cours magistral”. On a brouillé les repères linguistiques, historiques, culturels, considérés comme autant de carcans dangereux."

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6 commentaires

  1. “«Ne plus évaluer un élève sur son savoir, mais sur son intelligence et sur son parcours»”
    1) En quel sens “intelligence”? Il semblait pourtant que depuis des années “l’intelligence” au singulier était remplacée par “les intelligences multiples”
    2) À quelle valeur de Q.I. fixe-t-on désormais l’entrée à Sciences-Po? Avec quel test? WISC IV? K-ABC?
    “se fonder (…) non pas sur les connaissances, mais sur les engagements «associatifs, sportifs, politiques ou syndicaux» du candidat”
    Avec une grille connue d’avance où l’engagement associatif compte pour tant de points pour, prenons au hasard “l’encadrement de jeunes”, qu’il s’agisse d’un engagement comme assistant chef de troupe chez les Scouts d’Europe ou comme moniteur de colo chez les Francas?
    J’aimerais voir… mais je crains que ce soit vu d’avance.

  2. Sous l’action idéologiste de ses actuels dirigeants, Sciences Po est en train de perdre sa bonne notoriété. Acquérir une bonne culture générale (fruit du travail de toute une vie) demande de l’effort personnel : il est très souhaitable que nos étudiants fassent cet effort s’ils prétendent à des postes de direction. C’est bien en amont que l’Education nationale devrait travailler à épauler ses élèves en ce sens, si, comme elle prétend le faire, elle travaille à l’égalité entre les hommes… Devrait-elle se remettre en question ?
    🙂

  3. Ce dont souffre les jeunes des “banlieues” aujourd’hui, c’est précisément de l’absence de transmission de ce qui fait la culture de la France. Même le Monde l’a reconnu dans un article paru récemment.
    La retirer à Sciences Po ne va donc faire qu’accroitre le fossé entre eux et le pays.
    Et la nature ayant horreur du vide, cette culture française est déjà remplacée par une montée en puissance d’un système identitaire musulman ces dernières années. Ecoutez le témoignage de personnes qui sont dans ces banlieues.
    Pour l’étape suivante, allez voir du côté du Liban.
    Bravo à nos penseurs du vivre ensemble !

  4. Au lieu de s’en prendre au nivellement du savoir comment fauteur de la chute de niveau des élèves, les pédagogues retournent le problème, en désignant la culture comme la substance de l’inégalité… le monde à l’envers vous dis-je…
    1984 n’est point loin…

  5. Ils sont méprisables parce qu’ils méprisent les autres. J’ai moi-même enseigné le latin à des élèves immigrés souvent vifs et intelligents, qui prenaient plaisir et goût à notre langue. Qu’est-ce que c’est que cette “discrimination positive” qui postule a priori que le Français est raciste et l’immigré incapable de se débrouiller par lui-même. Ce sont les mêmes qui postulent qu’un enfant est idiot et qu’il ne faut surtout pas lui apprendre des règles de calcul ou de français qui pourraient faire appel à son intelligence.
    Ils ne voient pas que si à Sc Po on commence à recruter les gens sur dossier (comptons sur eux pour recruter en priorité des gens qui pensent comme il faut et qui ont l’air le plus “divers” possible) la vraie élite ira ailleurs, fondera ses propres filières d’excellence (comme elle est déjà en train de le faire avec la Fondation pour l’école) et continuera donc de se reproduire – heureusement!
    L’idée de donner à tous les moyens intellectuels de devenir “élite” était tellement plus respectueuse des gens, du pays, de l’homme et de son intelligence… Ces gens son fous.

  6. @ ODE
    Ils ne sont pas fous : ils sont typiquement des idéologues socialistes. Ce qui n’entre pas dans leur utopie égalitaire doit être détruit.
    En ce sens, SC. PO fait ce que font les programmes du Collège du tronc commun, et du Lycée : plus de culture, mais des des savoirs-être, des sciences dites exactes et de la technique.

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