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France : Société

Ni homard ni razzia : les chrétiens, eux, savent s’amuser

Ni homard ni razzia : les chrétiens, eux, savent s’amuser

Du père Danziec, dans Valeurs Actuelles :

Un grand cru, des petites bougies, des verres et du blanc, de l’argenterie et quelques homards bien alignés. Un Arc de Triomphe, des rodéos de scooters, du vert et du blanc, des hurlements et quelques vidéos de pillages. Il aura suffi de simples clichés ou des partages de live sur Snapchat pour que l’indignation s’invite sur les plateaux des chaines d’information et les tables de rédaction. Le poids des mots ne pèse dorénavant plus grand-chose face aux chocs des réseaux sociaux. Paris Match l’a même très bien compris en ayant, voilà dix ans, remplacé sa célèbre devise par « La vie est une histoire vraie ». Reste que cette dernière ressemble parfois à un mauvais cauchemar…

Des dîners éclatants de François de Rugy aux scènes de violence les soirs de match de l’équipe d’Algérie, il n’y a qu’à ouvrir les yeux pour le constater. Voir pour croire. Saint Thomas (l’apôtre, et non celui d’Aquin, puisqu’il semble nécessaire de le préciser désormais) s’en étonnerait presque : jamais jusqu’à aujourd’hui il n’a compté autant de disciples. Les éditorialistes en viennent à commenter des images qui parlent plus qu’un discours, à gloser sur des vidéos qui convainquent mieux qu’un argumentaire.

Bien-sûr, le soir qui tombe a beau les embrasser de la même nuit, le contraste apparaît saisissant entre l’atmosphère feutrée de l’hôtel de Lassay, lieu des agapes de l’ex numéro 2 du gouvernement, et l’avenue des Champs-Elysées aux commerces saccagés et aux devantures éventrées. Même le plus audacieux des architectes aurait du mal à édifier un pont entre ces serviettes de table damassées sur les genoux des invités et ces drapeaux algériens noués autour du cou des supporters en guise de capes de supers héros. La sagesse populaire nous apprend cependant à nous méfier des apparences. Dans l’un et l’autre cas, un point commun les unit. Il est même l’apanage de la culture du loisir du monde postmoderne. Des homards aux débordements des 3ème mi-temps, c’est le mauvais usage de la fête qui transpire.

En matière de réjouissances, les chrétiens, eux, sont depuis longtemps champions du monde, malgré ce que voudrait laisser entendre un jansénisme éculé. La civilisation chrétienne avait su, en d’autres temps, apprivoiser toute l’hubris qui se cache dans la “fête”. Des corridas à Avila aux six mois de carnaval à Venise, la chrétienté savait s’amuser. Encore maintenant, le calendrier liturgique est truffé d’occasions de joies. Les cadeaux de Noël se disputent aux œufs de Pâques en passant par les crêpes de la Chandeleur. La vie du Christ lui-même, irriguée par le vin des noces de Cana et jalonnée par de nombreux repas chez ses amis, vient témoigner de cette dimension intensément festive.

Coupée de ses racines, comment donc la civilisation occidentale pourrait-elle s’émerveiller avec retenue ? Fêter, c’est se réjouir assurément. Mais c’est surtout célébrer quelque chose, et non pas d’abord  “se faire” plaisir. L’identité d’une fête se tire davantage de son but que de son occasion. Il n’y a rien de scandaleux à recevoir des convives autour d’un bon repas. Le problème du ministre épinglé réside principalement dans le casting plutôt que dans le menu. Il ne saurait y avoir  “de bon” droit à profiter d’une réception au frais de l’Etat pour assoir son carnet d’adresses ou entretenir ses amis. De même, il n’y a rien d’anormal de crier sa joie lorsque son équipe favorite remporte une victoire. Le problème réside davantage dans la forme que dans le fait. Le chahut potache des élèves devant leurs professeurs a toujours égayé les fins d’année scolaire. Saccager le mobilier urbain, brandir des drapeaux étrangers dans un parfum de revanche n’amusent personne. Pire encore : lors de l’occupation de la place de l’Etoile, des supporters algériens se vantent d’avoir fait « vite et mieux que la Wehrmacht en 1940 ». On peine à voir ce qui s’y trouve de « bon enfant ».

Dans Le portatif, son dernier livre paru en 2006, Philippe Muray décrivait en visionnaire l’homo festivus comme « quelqu’un qui se croit libéré des dettes que ses ancêtres pouvaient avoir envers le passé, un être désinhibé à mort et qui fait la fête ». Pas certain que le service de l’Etat et l’honneur du drapeau mérite une pareille légèreté.

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4 commentaires

  1. Effectivement, live est un mot anglais. D’ailleurs, SnapChat est un composé de 2 mots anglais également, que vous n’avez pas traduit. Parler comme vous le suggérez de « direct SnapChat » frise selon moi l’artificiel.
    Nos intérêts communs ne méritent-ils pas mieux que ces corrections tatillonnes qui détournent l’attention de cet article par ailleurs très intéressant et divisent l’unité des idées ?

  2. “En même temps”, il est logique que le Secrétaire général de l’Assemblée nationale n’ait rien trouvé à reprocher aux agapes de son ancien Président quand on se rappelle les repas, les soirées et les réunions organisées par le futur JUPITER, lorsqu’il était ministre de l’économie (laquelle ??), pour organiser le réseau en vue de son “hold-up présidentiel”. La seule soirée de Las Vegas a coûté bien plus cher que le total des dépenses reprochées à de Rugy, et le PNF n’y a trouvé à redire que l’absence d’appel d’offres pour le financement de cette “réunion de travail”…
    ?????

  3. faire la fête en cassant tout, tuant même un noir parce qu’il est noir donc pas halal, les mahométans me font enrager, et les médias et politiques qui n’y voient que bon enfants me révulsent;
    quand les gaulois vont ils voter pour des gens qui les représentent et défendent leurs idées?

  4. Y a t’il un rapport avec le Fouquets qui a été incendié un samedi après midi par des Noirs Bloques (black blocs) qui n’ont jamais été inquiété non plus par la maréchaussée ?

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