Certes Soljénitsyne est pour beaucoup le symbole de la dénonciation du communisme et de son enfer totalitaire mais il est aussi celui qui a mis en garde l’Occident contre le matérialisme. Cette facette du personnage devrait d’ailleurs davantage être mise en exergue au sein de nos familles et milieux professionels. La Nef lui avait d’ailleurs consacré un dossier spécial en décembre 2007.
Si il fallait choisir, plutôt que de lire ou de faire lire à nos enfants "L’Archipel du Goulag", je suggérerais la lecture attentive de son discours de Harvard prononcé aux Etats-Unis le 8 juin 1978 et intitulé Le déclin du Courage. Extraits :
"Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l’Ouest aujourd’hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays (…)"
"(…) une liberté destructrice et irresponsable s’est vue accorder un espace sans limite. Il s’avère que la société n’a plus que des défenses infimes à opposer à l’abîme de la décadence humaine, par exemple en ce qui concerne le mauvais usage de la liberté en matière de violence morale faite aux enfants, par des films tout pleins de pornographie, de crime, d’horreur. On considère que tout cela fait partie de la liberté, et peut être contrebalancé, en théorie, par le droit qu’ont ces mêmes enfants de ne pas regarder et de refuser ces spectacles. L’organisation légaliste de la vie a prouvé ainsi son incapacité à se défendre contre la corrosion du mal. (…)"
" Sans qu’il y ait besoin de censure, les courants de pensée, d’idées à la mode sont séparés avec soin de ceux qui ne le sont pas, et ces derniers, sans être à proprement parler interdits, n’ont que peu de chances de percer au milieu des autres ouvrages et périodiques, ou d’être relayés dans le supérieur. Vos étudiants sont libres au sens légal du terme, mais ils sont prisonniers des idoles portées aux nues par l’engouement à la mode (…)"
" Comment l’Ouest a-t-il pu décliner, de son pas triomphal à sa débilité présente ?…Cela signifie que l’erreur doit être à la racine, à la fondation de la pensée moderne… Je parle de la vision du monde qui a prévalu en Occident, née à la Renaissance, et dont les développements politiques se sont manifestés à partir des Lumières. Elle est devenue la base da la doctrine sociale et politique et pourrait être appelée l’humanisme rationaliste (…) : l’homme est vu au centre de tout (…)"
"Les Etats devinrent sans cesses plus matérialistes. L’Occident a défendu avec succès, et même surabondamment, les droits de l’homme, mais l’homme a vu complètement s’étioler la conscience de sa responsabilité devant Dieu et la société (…)"
"Est-ce vrai que l’homme est au-dessus de tout ? N’y a-t-il aucun esprit supérieur au-dessus de lui ? Les activités humaines et sociales peuvent-elles légitimement être réglées par la seule expansion matérielle ? A-t-on le droit de promouvoir cette expansion au détriment de l’intégrité de notre vie spirituelle ?
Il n’est donc pas étonnant que la classe politique française ne se soit pas déplacée à ses obsèques…
denisot
P2V a fait le déplacement
Anonyme
Un vrai grand homme d’une rare puissance intellectuelle et spirituelle. Un vrai geant du 20eme siecle qui avait dit que la souffrance forge l’esprit.
Tancrede
merci beaucoup de m’avoir fait découvrir ce texte.
Avoir écrit ça en 78 chapeau, un sacré visionnaire, on est en plein dans la réalité décrite.
Francoisdesaintjean
Quel puissance intellectuelle et spirituelle. Aucun representant du gouvernement francais aux obseques, mais la legion d’honneur a un otage simplement pour avoir ete otage alors qu’il y a des centaines de milliers d’otages et des dizaines de millions de personnes en souffrance dans le 20eme siecle et aujourd’hui-meme. Quelle cirque mediatique dont les mots ne peuvent plus decrire le cynisme et l’inversion de sens la plus profonde. Quelle injustice, quelle insulte a la foule innombrable des martyrs anonymes de tous les pays de notre epoque qui cumulent precarite, peur pour leur vie, misere, absence d’espoir.