Nous remercions l’association Una Voce de nous autoriser à publier des extraits des excellents commentaires des cinq pièces grégoriennes du dimanche ou de la fête à venir. Vous aurez la totalité des textes sur le site et nous ne pouvons que vous encourager à vous abonner à la newsletter hebdomadaire en cochant dans la case adéquate sur la page d’accueil.
Bien que nous soyons toujours dans le temps de la Septuagésime, les chants de ce dimanche de la Quinquagésime sont très différents de ceux de dimanche dernier, qui étaient en grande partie des appels suppliants du fond de notre misère, avec toutefois la lueur d’espérance apportée par la Communion Introibo. C’est cette espérance qui rend tous les chants de ce jour confiants, paisibles et même joyeux. Avant d’aborder les austérités du Carême, et pour nous donner courage, l’Église veut nous faire entrevoir la victoire finale et les bienfaits de la rédemption. Ce dimanche correspond d’ailleurs aux réjouissances du carnaval à la veille du mercredi des Cendres. De nos jours on ne sait plus très bien ce qu’étaient autrefois les rigueurs du Carême, que les plus âgés ont encore connues dans leur enfance. Il y avait jeûne et abstinence tous les jours sauf le dimanche. Toutes les festivités et réjouissances étaient suspendues. Aussi était-il naturel qu’on voulût faire la fête une dernière fois avant d’entamer ce temps de pénitence : c’était le carnaval. Ce qui reste de ces jours de détente a pris trop souvent un caractère païen, mais la liturgie nous en rappelle les raisons profondes.
Introït : Esto mihi
L’Introït du dimanche de la Quinquagésime est tiré du psaume 30 qui revient souvent dans la liturgie; nous l’avions déjà trouvé à la Communion du dimanche de la Septuagésime il y a deux semaines, et nous avions dit que c’était un de ceux où David exprime le mieux son abandon total à la divine Providence. C’est le psaume de l’In manus tuas.
Esto mihi in Deum protectórem, et in locum refúgii, ut salvum me fácias : quóniam firmaméntum meum, et refúgium meum es tu : et propter nomen tuum dux mihi eris, et enútries me.
Soyez pour moi un Dieu protecteur et un lieu de refuge pour me sauver, car vous êtes mon appui et mon refuge, et à cause de votre Nom Vous serez mon guide et vous me nourrirez.
«À cause de Votre Nom » , dans la Bible, signifie toujours : à cause de votre promesse. Cet abandon plein de confiance, comme celui du petit enfant entre les bras de sa mère, est exprimé par une mélodie simple, légère, paisible, utilisant le 6éme mode grégorien que l’on a appelé le mode de l’enfance spirituelle ; mais elle s’anime à la fin avec un bel élan sur les mots dux mihi eris (vous serez mon guide). Cet Introït est accompagné par le premier verset du psaume 30.
In te Dómine, sperávi, non confúndar in ætérnum : in justítia tua líbera me.
En Vous Seigneur je mets mon espérance, je ne serais pas déçu : dans votre justice délivrez-moi.
Graduel : Tu es Deus
Le chant de l’Introït du dimanche de la Quinquagésime exprimait notre confiance en Dieu, notre protecteur. Celui du Graduel exprime notre louange et notre reconnaissance au Seigneur pour le bienfait de la Rédemption que nous entrevoyons déjà. Il est tiré du psaume 76, où le psalmiste supplie le Seigneur dans sa détresse en lui rappelant les bienfaits passés, spécialement ici la sortie d’Egypte et le passage de la Mer Rouge, figure de la Rédemption.
Tu es Deus, qui facis mirabília solus : notam fecísti in géntibus virtútem tuam. Liberásti in bráchio tuo pópulum tuum, fílios Israël et Joseph.
Vous êtes, Dieu, le seul qui fasse des merveilles, vous avez fait connaître aux nations votre puissance ; vous avez délivré votre peuple, les fils d’Israël et de Joseph.
Encore une fois nous retournons à Dieu la définition qu’il a donné de lui-même : ” Je suis ” a-t-il dit à Moïse ; ” Tu es, Vous êtes “, lui disons-nous. Quant aux fils d’Israël et Joseph, c’est le peuple élu, qui est comme toujours la figure de l’Église ; c’est donc nous tous qui allons être libérés à Pâques du joug du péché. La mélodie est commune à plusieurs Graduels de cette période de l’année. Nous en avions entendu certains éléments dans le Graduel du dimanche de la Septuagésime, et surtout nous allons la retrouver deux fois en Carême. Elle est ample et très étendue, avec de grandes vocalises, et pleine d’ardeur mystique.
Trait : Jubiláte Dómino omnis terra
Comme ce fut le cas lors des deux précédents dimanches, le Graduel du dimanche de la Quinquagésime est suivi d’un Trait. Il est formé des premiers versets du psaume 99, qui est une acclamation à la majesté et à la toute puissance divine dans le style de celle que nous avons entendue pendant les dimanches après l’Épiphanie.
Jubiláte Dómino omnis terra : servíte Dómino in lætítia. Intráte in conspÉctu ejus, in exsultatióne. Scitóte quod Dóminus ipse est Deus. Ipse fecit nos, et non ipsi nos : nos autem pópulus ejus, et oves páscuæ ejus.
Acclamez le Seigneur, toute la terre : servez le Seigneur avec joie ; entrez en sa présence dans l’allégresse, sachez que le Seigneur est Dieu. C’est Lui qui nous a fait et non pas nous-mêmes ; nous, nous sommes son peuple et les brebis de son pâturage.
Cette acclamation jaillit aujourd’hui après le chant de confiance de l’Introït et le cantique d’action de grâce du Graduel, et exprime par avance la reconnaissance des rachetés dans la joie de Pâques. D’ailleurs la mélodie faite de psalmodie très ornée est exactement la même que celle des Traits de la vigile pascale. Elle est plus affirmative encore et plus joyeuse que celle des Traits des deux précédents dimanches.
Offertoire : Benedíctus es
Comme c’est le cas le plus fréquent pour les Offertoires, celui du dimanche de la Quinquagésime est un chant de méditation, intérieur et contemplatif. Le texte est tiré du psaume 118, que nous trouvons ici pour la première fois depuis le début de l’année liturgique, mais que nous retrouverons assez souvent. C’est le psaume le plus long du psautier ; il ne compte pas moins de 176 versets, consacrés à la méditation sur la loi de Dieu et sa volonté : contemplation admirative qui se prolonge comme une rumination. Cette loi du Seigneur est désignée par de nombreux substantifs, tous synonymes, qui reviennent les uns après les autres : ici justificationes et judicia qui ont tous deux la même racine, celle de la justice, c’est à dire la perfection de la volonté divine.
Benedíctus es Domine, doce me justificatiónes tuas : in lábiis meis pronuntiávi ómnia judícia oris tui.
Vous êtes béni, Seigneur, enseignez-moi vos commandements ; de mes lèvres j’énonce tous les préceptes de votre bouche.
La mélodie est certes contemplative, mais mouvementée ; elle se rapproche de celle du Graduel avec la même ardeur mystique. On remarquera que la première phrase est répétée deux fois comme dans le grand Jubilate du deuxième dimanche après l’Épiphanie, mais ici la répétition se fait exactement sur la même mélodie avec seulement une formule de cadence plus développée.
Communion : Manducavérunt
Le texte de la Communion du dimanche de la Quinquagésime est tiré du psaume 77, qui fait suite au psaume 76, celui du Graduel de cette messe. C’est un des plus longs du psautier après le psaume 118 que nous avons trouvé à l’Offertoire. C’est un chant d’action de grâce qui raconte longuement tous les bienfaits dont le Seigneur a comblé son peuple, depuis la sortie d’Égypte jusqu’à l’entrée dans la terre promise. Les versets que nous trouvons ici s’appliquent à la nourriture envoyée du ciel pendant la traversée du désert :
Manducavérunt, et saturáti sunt nimis, et desidérium eórum áttulit eis Dóminus : non sunt fraudáti a desidério suo.
Ils mangèrent et furent complètement rassasiés, et le Seigneur combla leur désir. Leur désir ne fut pas déçu.
Cette nourriture céleste est évidemment la figure de l’Eucharistie, un des grands bienfaits des fêtes pascales que nous entrevoyons déjà avant d’aborder les austérités du Carême, et il convient parfaitement bien de l’évoquer au moment de la Communion. La mélodie de cette antienne est légère et joyeuse avec des rythmes assez larges exprimant le bonheur d’être rassasiés.