Partager cet article

Pays : Etats-Unis

La ligne politique de DeSantis, plus à droite que Trump, incarne le futur du Parti républicain

La ligne politique de DeSantis, plus à droite que Trump, incarne le futur du Parti républicain

Le journaliste David Thomson, lauréat du prix Albert-Londres pour son livre Les Revenants (Seuil), est établi en Floride. Il a été longuement interrogé dans Le Figaro. Extraits :

Le 6 janvier 2021 j’étais à Washington, sur les marches du Capitole, au milieu des milices et des manifestants pro-Trump. […] Le 6 janvier n’était pas la fin de ce mouvement Maga mais au contraire le début d’une lame de fond populiste durable au sein de la droite américaine inspirée par le modèle illibéral de Viktor Orban en Hongrie. J’ai compris le 6 janvier qu’il y avait un effet de cliquet et que le trumpisme survivrait à Trump.Trump reste, de loin, la personnalité la plus populaire et influente du parti, mais il a aujourd’hui 77 ans. Et après Trump, celui qui paraît en position de capter son trésor de guerre électoral et de canaliser son populisme s’appelle Ron DeSantis, de plus de trente ans son cadet. Quoiqu’il se passe durant cette primaire républicaine, la ligne politique de DeSantis incarne le futur du Parti républicain. J’ai vu émerger le gouverneur de Floride dans le courant de l’année 2020, pendant la pandémie. J’ai compris à ce moment qu’il avait décidé de faire de la Floride un laboratoire politique de cette droite post-trumpienne. Et j’ai donc décidé de m’y installer pour RFI, six mois après le 6 janvier, pour observer cette expérimentation politique ultra-conservatrice.

La crise du Covid a-t-elle été un tournant? Au-delà de sa gestion de la crise sanitaire, quelles sont les raisons de son ascension fulgurante?

Ron DeSantis est une créature politique du Covid-19. Avant la pandémie, en dehors des frontières floridiennes, il était quasiment inconnu même dans les cercles républicains. Pendant la crise du Covid il a pratiqué au pouvoir une forme de populisme sanitaire qui l’a propulsé en quelques mois au rang d’étoile montante de la droite dure américaine. Ses résultats électoraux le prouvent. En 2018, il est élu gouverneur de Floride sur le fil avec à peine 30.000 voix d’avance, uniquement grâce à l’adoubement de Trump. Quatre ans plus tard en 2022, sans même le soutien de Trump, il est reconduit triomphalement avec 19 % d’avance sur son rival démocrate, humilié. Tous ses supporteurs expliquent son succès fulgurant par sa gestion de la pandémie. […]

DeSantis est un ancien militaire et il se pose en chef de guerre dans cette bataille culturelle américaine. Il ne tolère aucune opposition libérale et répète à l’envi qu’il a endossé «l’armure de Dieu» pour combattre une gauche qui serait «devenue folle» et qui voudrait «détruire l’Amérique» à coups d’idéologie woke. Dans une récente vidéo, on le voit dans les rues du centre de San Francisco où sont réfugiés des milliers de SDF addicts au fentanyl, expliquer que c’est la le résultat de la politique «marxiste et radicale» des démocrates. Il joue à fond la carte de la guerre culturelle entre ces deux Amérique. L’une qui serait incarnée par la Californie des millionnaires, progressiste, wokiste, élitiste, pro-LGBT et immigrationniste. L’autre par sa Floride « terre de raison», fidèle aux valeurs des Pères fondateurs où le changement climatique n’existerait pas.

Chez lui, il y a le discours mais il y a aussi les actes. Ces derniers mois, il a fait voter un record de près de 250 lois par le Parlement de Floride à ses ordres. La moitié concerne la guerre culturelle, avec d’abord l’interdiction quasi totale de l’avortement après six semaines de grossesse. Et il a fait de l’école le champ de bataille de cette guerre culturelle. DeSantis accuse l’école publique de vouloir «endoctriner» les enfants sur les questions de genre et de race. Il a interdit aux enseignants de la maternelle au lycée d’évoquer les questions d’orientation sexuelle avec leurs élèves. […]

On compare souvent DeSantis à Trump. Quels sont les différences et les points communs entre les deux hommes?

On entend souvent dire que DeSantis, c’est «Trump avec un cerveau, sans le drama». C’est assez juste. Mais DeSantis est plus à droite que Trump. Un ancien de la campagne Trump aujourd’hui passé chez DeSantis m’a résumé la différence ainsi: «Trump est un démagogue, DeSantis est un idéologue». En clair, il paraît plus sincèrement conservateur. Il met beaucoup en scène sa famille parfaite avec ses trois enfants et sa femme, Casey, une ancienne star de télé locale, qui cultive une image à la Jackie Kennedy. Avec lui «pas d’actrices porno cachées dans le placard»me disait l’un de ses supporteurs. Mais DeSantis n’a rien du charisme magnétique de Trump auprès de la base. C’est un nerd passionné par le baseball et par la Constitution américaine. Il sourit peu. Il a un abord froid et des allures robotiques qui donnent lieu à des partages de clips vidéo gênants de lui dans ses interactions avec les électeurs. C’est son grand point faible dans cette primaire qui explique largement sa dégringolade continue dans les sondages. […]

Aujourd’hui, le GOP reste le parti de Trump, mais la ligne politique de DeSantis est celle qui parait en mesure d’institutionnaliser son populisme turbulant tout en validant sa radicalité. Chez DeSantis, «populisme» n’est pas un gros mot. Au contraire. Il appelle dans son livre à «une impulsion populiste» contre l’élite abhorrée de Washington. Mais DeSantis est un juriste, un ancien procureur de la Navy, un homme froid, intelligent et cultivé, formé dans les universités Ivy League les plus prestigieuses, Yale et Harvard. Il entend donc normaliser le populisme trumpien chaotique de façon plus méthodique au travers d’un arsenal législatif ultra-conservateur et sans compromis. […]

Partager cet article

4 commentaires

  1. À la manière de Zemmour par rapport à Jean Marie le Pen ?

  2. Jusqu’à présent, il n’y a pas de preuve que Trump ait eu des maîtresses par ailleurs actrices pornos.
    De plus, quand bien même c’eût été le cas, chacun a son passé… Ce que je constate, c’est que les deux seuls présidents américains divorcés ont été les plus pro-famille et pro-vie.
    Par ailleurs, Thomson confond populisme et démagogie : Trump est un populiste, et ça ne date pas de 2015, il avait déjà tenté de devenir le candidat d’un petit parti populiste en 2000. Flatte-t-il les gens ? Il déclare ne pas avoir le temps d’être politiquement correct. Fait-il des promesses en l’air comme un démagogue ? On l’a vu tenter de tenir toutes ses promesses, et le peu qu’il n’a pu réaliser, c’est souvent parce que les démocrates ont tout fait pour l’en empêcher.

    On a du mal à imaginer qu’un milliardaire soit adulé par les classes laborieuses, mais d’une part les Américains n’ont globalement pas la mentalité gauchiste que l’on retrouve même chez certains à droite en France, d’autre part ils ont apprécié la politique de Trump qui leur a redonné la fierté. Cet homme allait sur les chantiers de son père quand il était jeune, il a continué à fréquenter les chantiers et à s’intéresser à ce que faisaient ses employés (il a même embauché des gens dans la rue). Il n’a pas cette mentalité de caste, et c’est une chose qui le démarque d’autres milliardaires et des politiciens… Ce n’est pas une proximité avec le peuple qu’il feint.

    J’ajouterais que je l’ai regardé tenir des discours fleuves sur les valeurs, sans notes : cela indique qu’il croyait très probablement à ce qu’il disait. Son discours à Varsovie, il semblait vraiment y croire : https://lesalonbeige.fr/la-question-principale-consiste-a-savoir-si-leurope-pourra-rester-le-continent-des-europeens/

    Je sais qu’avant d’entrer en politique, la question des chrétiens persécutés lui tenait déjà à coeur (on peut être non pratiquant et s’en soucier, et même être incroyant et s’en émouvoir), il avait soutenu financièrement la famille d’un pasteur emprisonné en Iran. Ce texte, il devait probablement le penser, même s’il ne connaissait pas l’histoire auparavant : https://lesalonbeige.fr/donald-trump-celebre-le-850e-anniversaire-du-martyre-de-saint-thomas-becket/

    On a tendance à penser que sans Bannon, il n’y a rien chez Trump… Je ne suis pas d’accord : l’alliance des deux a permis d’apporter le meilleur de chacun. Trump n’est certainement pas un intellectuel, il ne va pas conceptualiser, mais il est intuitif et sent vite les choses (un peu comme un Jovanovic en économie comme le souligne Jean-Pierre Chevallier). Avec un autre candidat, pas sûr que Bannon aurait pu faire valoir ses idées de façon aussi claire pour la plupart des gens.

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services