Partager cet article

Tribune libre

Le nouveau film Remissio d’Ermonia, renouvellement de l’approche [DOSSIER]

Le nouveau film Remissio d’Ermonia, renouvellement de l’approche [DOSSIER]

Cet article est une tribune libre, non rédigée par la rédaction du Salon beige. Si vous souhaitez, vous aussi, publier une tribune libre, vous pouvez le faire en cliquant sur « Proposer un article » en haut de la page.

« Au cœur du XIXe siècle, le monde militaire brille de faste et de superficialité. Entrant dans une église pour la première fois depuis longtemps, Joseph de Frénilly, jeune saint-cyrien plein d’ambition, fait le pari d’aller se confesser. Déjoué par le prêtre, il fait une promesse d’honneur qui ne sera pas sans conséquence… ». Ermonia est une association loi 1901 créée en mai 2021 par des jeunes étudiants (principalement en histoire et en droit) dont l’objectif est la mise en valeur de l’Histoire de France à travers un prisme cinématographique, musical et littéraire. D’origine vendéenne, Ermonia en est aujourd’hui à sa quatrième production ; dernière en date, le projet Remissio est sorti en avant-première en salle le 23 septembre 2023 à Paris ; il est la scénarisation d’une histoire vraie racontée par Mgr de Ségur dans son ouvrage L’Enfer.

1) Du succès

23 septembre, 30 septembre, 7 octobre 2023, salles combles au Christine Cinéma Club et au Grand Action de Paris ; un « prime » sur TVL « À l’assaut du cinéma français ! » début septembre, un article dans Famille Chrétienne et dans l’Homme Nouveau… Une dynamique de bonne augure pour l’association Ermonia qui recueille l’avis de spectateurs ébahis, la larme à l’œil devant la belle démonstration de performance du nouveau réalisateur pour Remissio. Pour tout au plus une vingtaine de membres, la performance est effectivement réelle. Comment faire tenir (avec un budget limité et un net manque de moyens techniques) un scénario à la fois cohérent et poignant devant un spectateur généralement familier de gros blockbusters américains bourrés de VFX ? C’est avec beaucoup de détermination et de savoir-faire que les membres de l’association ont conjugué leurs talents pour accoucher d’un projet plus conséquent que ses « prédécesseurs petits-métrages », un moyen-métrage de 45 minutes ayant pris plusieurs semaines de préparation et de tournage et ayant fait appel à une trentaine de comédiens et figurants costumés. C’est là ce que l’association Ermonia ajoute aujourd’hui à sa panoplie de trophées bien soignés.

2) La critique positive

« Mais quelle réalisation » s’extasieraient certains spectateurs d’après séance. La réalisation est très bien menée. Avec Alexis ORAIN du Cinéma Le Grand Lux des Herbiers, le réalisateur Ambroise BOULANGÉ aboutit à une nouvelle et meilleure gestion de caméra épaule que sur Le Vœu de l’épée. On est tout de suite pris par la dynamique du montage ainsi que le choix judicieux des focales qui fait souvent très cinématographique malgré quelques petites erreurs. En fait la résolution est excellente pour du grand écran. À l’exception de quelques problèmes de son, notamment au début entre Frénilly mère et Frénilly père, la bande son est rondement bien menée. Le spectateur peut particulièrement s’émouvoir de l’excellente bande musicale de Julien MICHEL et Richard LIEGEOIS ; saisissant que le conflit intérieur de Frénilly fils, lorsque les idées suicidaires l’obnubilent ainsi que les paroles lancinantes du prêtre du confessionnel. Si le spectateur peut se laisser surprendre par l’usage du ressort du défi, « cap’ ou pas cap’ ? », le mode opératoire est tout de même très pascalien et aboutit au développement d’une thématique très intéressante sur le conflit intérieur d’un homme, le drame d’une foi refoulée. Le spectateur peut apprécier la remarquable mise en scène de l’hystérie et de la démence mais aussi celle de nuits profondément agitées qui rappellent assez bien le triste sort des Poètes maudits, clin d’œil très à propos pour 1875 : Baudelaire, Verlaine, Rimbaud. Idem pour le passage suicide, très prenant avec ce pistolet sur la tempe qui fait clairement mouche avec les plans de la mise en scène. Enfin, les quelques passages sur le tableau de la crucifixion notamment, pour rappeler l’amour de Dieu pour les hommes (son abnégation), le côté stroboscopique à un moment associé à cette image (qui ne doit ni plus ni moins que montrer son côté oppressant pour Joseph, paradoxalement) attise la satisfaction du spectateur. Quant au jeu de Romain CINOTTI, très fort, le tremblement obsessionnel mais aussi les pleurs de rage quasiment, les yeux injectés de sang ; vraiment réussi, une excellente performance d’acteur, très bien soutenue par la mise en scène. Pour le reste Domitille de LA PERRAUDIÈRE, avec une froideur et un caractère austère très bien joués campe très bien Frénilly mère ; idem Mathilde de LACHAUX réussit bien en Jeanne de Villefollet, bonne compréhension, mise en scène et acting de la jeune fille catholique type de l’époque, bonne performance sur le lit de mort. La scène de la mort du personnage fait quasiment empruntée à Dumas dans Les Trois Mousquetaires pour Constance Bonacieux et est un assez chouette clin d’œil pour le spectateur un peu littéraire.

3) La diversité de la critique en provenance de l’extérieur

La critique de spectateurs non catholiques

Les séances de diffusion du film portent en soi une certaine singularité ; comment empêcher certains spectateurs de se trouver impressionnés par un fort constat sociologique dès l’arrivée en salle de cinéma : femmes et jeunes filles en jupes, « aucune en pantalon », public qui fait un peu typé « catho’ » mais pas simplement « catho’ », peut-être plus que « catho’ » aux vues d’un uniformisme assez globalement rigoriste ?
En dépit de la grande qualité de réalisation du film, certains spectateurs pointent un marquage « assez idéologique » dès le début du film, maladresse (malgré l’époque), à savoir que dans la perspective d’une œuvre cinématographique « grand public » pour 2023, le fait de voir un crucifix ou tout objet religieux de manière insistante et marquée serait forcément maladroit (en dépit de vouloir présenter la réalité historique d’une famille croyante de l’époque car évidemment il aurait été possible de le faire autrement). Certains spectateurs pointent du manichéisme, l’idée que la conception du catholicisme dans le film serait binaire et trop recroquevillée sur une conception extrême de la foi : croire ou ne pas croire, être un saint croyant ou un abjecte mécréant. Certains vont même jusqu’à dire que les maladresses scénaristiques donnent une mauvaise image du catholicisme qui en réalité et théologiquement est la religion de la liberté (c’est à dire celle du choix de Dieu) ; que manifestement dans le film il y aurait une mauvaise appréhension de la liberté au sens théologique et que cela découlerait en un problème d’ouverture à l’autre et tomberait dans une forme de désintérêt ou de condescendance pour de « pauvres gens » que pourraient être les semblables en leur époque de personnes comme Marie Madeleine ou Zachée.

La critique de spectateurs « juristes » et d’anciens membres de l’association

Des spectateurs juristes sont même aller jusqu’à consulter les statuts de l’association via le site Societe.com pour pointer le problème résidant dans l’appréhension de l’objet social de l’association : « ERMONIA a pour objet de rendre l’Histoire accessible au grand public à travers une personnalisation qui veut s’opérer par le cinéma, les lettres et la musique ». Sans ménagement, ils interrogent : « Quelle Histoire ? », « quel grand public ? ». Certains spectateurs, notamment d’anciens membres d’Ermonia en profité pour rappeler la vocation universelle de l’association en précisant l’étymologie du mot « catholique » en grec, καθολικός : « universel » donc quelque chose d’accessible au commun des mortels dans son ensemble. Ces spectateurs renchérissent : « comment cette association peut-elle aspirer à soutenir son objectif d’universalité quand elle s’empare d’une personnalité historique aussi spécifique que Mgr de Ségur qui plus est d’un ouvrage aussi spécifique que L’Enfer, thème qui évidemment ne peut que laisser en plan une grande partie de spectateurs (‘si tant est que les écrits de Mgr de Ségur étaient populaires à son époque mais qu’aujourd’hui ils ne sont plus lus et appréciés que par un petit nombre de fidèles catholiques’) ? ». Ils y voient la marque d’un choix idéologique arguant que tous les catholiques ne pourraient pas se reconnaître dans une telle prise de position. Alors est-ce que ce manque d’universalité constituerait un manque subséquemment incompatible avec la « mise en scène » de l’Histoire avec un grand « H », Histoire de principe qui ne se retrouverait pas dans le traitement d’une thématique aussi spécifique ? C’est donc pour une petite partie de spectateurs qu’en dépit d’une association qui aliène son universalité et sa volonté de rendre l’Histoire accessible au grand public qu’il serait tout de même possible considèrent-ils d’arriver à apprécier l’effort si l’on est plutôt « catho’ tradi’ » mais pour la critique des anciens, le problème reste le même, celui de la violation de l’esprit de la création de l’association. En connaissance par ailleurs de l’histoire cinématographique de l’association, de par sa particularité, ces mêmes anciens disent s’étonner qu’il ait été possible de faire voter un projet tel que Remissio. Ils soutiennent à cet effet que le premier film d’Ermonia dépeignait une romance pendant la Première Guerre mondiale, le deuxième les Guerres de Vendée et le troisième des intrigues sous le règne de Louis XIII. Non sans bienveillance pour les jeunes d’Ermonia, ils finissent quand-même par déclarer qu’ils gardent foi dans le futur projet d’Ermonia en rapport avec l’œuvre d’Hervé Bazin (pan plus littéraire encore et en principe très fidèle à l’esprit de l’association) et donc dans sa capacité à resolidariser avec ses reflexes initiaux et l’esprit de sa création.

La critique de spectateurs catholiques

Sur le plan plus théologique, certains catholiques ayant regardé le film ont jugé que des répliques types « Vive l’anticléricalisme » ou « Tu ne peux pas être en désaccord avec ce que dit notre temps, tu n’es pas moderne » étaient vraiment maladroites en avançant que si la première réplique trahissait une certaine méconnaissance de l’histoire de la IIIe République aussi bien que du cercle militaire resté encore très catholique à l’époque (en dépit de la laïcisation), la deuxième était encore nettement plus grossière, affichant une ironie non dissimulée concernant le Concile Vatican II de 1962, élément d’une part anachronique et trahissant d’autre part une certaine aversion de certains « tradis » pour ce concile qualifié de « moderne », « progressiste », « protestant » ou « dans les idées du monde ». De tels catholiques ont estimé que ces quelques maladresses ne pouvaient que plus participer à une forme d’animosité de la part de personnes spectatrices, tierces aux mouvements « tradis ». Ils pointent également le côté parfois un peu cliché de répliques de certains acteurs aux rôles mineurs insistant sur le fait que cela fasse encore tache et agace pour qui se trouve extérieur au milieu et ne pourrait se montrer tolérant à un « humour ‘tradi’’ plutôt douteux ». Ils observent qu’il est en outre difficile de comprendre si les militaires sont réellement anticatholiques ou non : d’un côté le militaire Charles se promène dans une église avec Frénilly fils et l’encourage à aller se confesser (après avoir fait une remarque sur la beauté d’un tableau sacré, tableau auquel manifestement on ne pourrait pas rester insensible) ; de l’autre ce même Charles le tourne en dérision lorsqu’il fait face à ses démons intérieurs (et s’interroge sur la foi) en faisant notamment l’apologie de l’alcoolisme. Un manque de sens peut-être, perçu par ces spectateurs à l’esprit pour le moins critique… Les mêmes interrogent encore : « pourquoi se promène-t-il dans une église s’il n’accorde aucun crédit à la religion en raison de ses idées laïques ? ». Il semble que certains aient autrement bâti leur argumentaire sur le caractère prétendument contradictoire du personnage de Joseph de Frénilly : Frénilly fils qui est supposé développer une véritable aversion pour l’Église et la foi catholique gravite perpétuellement entre dérision et dévotion. Lorsqu’il rencontre le prêtre au confessionnel, il le tourne en dérision et lorsqu’il le retrouve à la fin de l’intrigue, il a tous les codes de comportement d’un bon croyant de l’époque. En dépit du fait que cela pourrait éventuellement être justifié, ces catholiques mettent en cause le jeu de balancier permanent entre ces états de causticité et de bonne application de codes de bon croyant formaliste, par manque de sens. Pour cette critique, de manière générale, cette volonté scénaristique traduirait une tendance propre aux mouvements « tradis » d’être manichéens dans des considérations type « nous contre Satan » ou « nous qui voyons le vrai visage de Satan dans toutes choses à côté des pauvres mécréants voués à la damnation » ou « Satan est partout mais nous sommes vigilants car nous connaissons ses procédés ». Ils assurent que cela ressort beaucoup dans le film dans les paroles de défi du prêtre à Joseph de Frénilly, un deal prétendument violent pour le forcer à reconsidérer son aversion pour la foi, le « dites : ‘j’irai brûlé en enfer’ », assez choquant pour eux confient-ils. Mais alors Remissio opèrerait-il par cette approche violente prétendument « tradi’ » ? Certains spectateurs catholiques s’interrogent assez manifestement en invoquant la perception d’un aspect très binaire et ridicule pour qui viendrait de l’extérieur et ne connaitrait pas l’existence de mouvances « tradis » dans l’Église. Ces catholiques mettent tout de même en évidence l’assurance des jeunes producteurs de ce film qui aspirent à incarner la vraie jeunesse de France et le bon cinéma français aux antipodes d’un « wokisme » délétère. Le problème observent-ils, chez les mouvances « tradis » (le film est assumé en ce sens) est toujours le problème de l’orgueil. Très souvent on lirait dans les communiqués d’Ermonia, dans sa communication de manière générale des choses comme « Ermonia et sa quête du beau », « la jeunesse pour le beau », « une jeunesse au service du beau », « le cinéma pour le beau » puis après l’on entendrait des prêtres « tradis » extasiés sur Radio courtoisie ou d’enthousiastes journalistes de TVL encourager (« parce qu’on ne peut que soutenir, ce sont les jeunes valeureux de France… ») ou encore au cinéma des applaudissements nourris d’un public qui se réjouirait vraisemblablement de croire en la puissance d’un cinéma patriote et traditionnel français ; aussi, « le climat n’est pas forcément sain » assènent-ils. La critique est pour le moins féroce dès lors qu’elle en va à considérer les jeunes de l’association Ermonia comme galvanisés pour être très sûrs d’eux, dans le fait que le « Beau », ils pourraient facilement le défendre, le mettre en scène car ils comprendraient assez exclusivement comment faire, ayant reçu LA formation humaine pour ce faire. Le reproche n’attend pas de tomber : on y voit l’oubli que seul Dieu possèderait le monopole de la beauté et que cette beauté pour être vraie ne pourrait venir que de lui et être subséquemment universelle. Le choix du « À la très Sainte Vierge Marie sans qui rien n’eût été possible » apparaît comme le dernier mauvais choix pour cette critique qui dénonce le parti pris final de jeunes gens qui aiment surtout à contenter leur milieu et rayonner auprès de lui (en parfaite connaissance de cause et souvent en recherche de l’effet).

La critique de la non-diffusion du métrage sur YouTube

Il faut savoir que le choix de la non diffusion du métrage sur YouTube a aussi été reprochée par nombre de spectateurs. S’inscrit-elle en soi dans une logique assez analogue de trop grande assurance de la part des membres d’Ermonia ? D’aucun ironise : « Pourquoi sortir ce film sur YouTube si d’abord YouTube est ‘woke’ et puis surtout si ‘notre cinéma est vraiment le cinéma du beau’ ? ». La critique suppute que ce faire serait sûrement se décrédibiliser en admettant que le contenu proposé ne soit pas si bon que cela et que par conséquent il devrait être publié sur YouTube ; elle reproche à cet effet le mépris de la vraie qualité des précédents métrages publiés sur YouTube et pour leur part accessibles à tout un chacun (contrairement à Remissio), notamment en langue anglaise et en langue russe sous-titrées, chose dont les communautés anglo-saxonne et russe d’Ermonia seraient parfaitement reconnaissantes et demandeuses. Ermonia assumerait-elle aliéner son universalité en se prétendant en réalité à la hauteur de studios de production hollywoodiens ? Cela semble difficile en réalité car il évident qu’une association ne puisse disposer des moyens de l’universalité de grosses sociétés de production américaines (peut-être y aurait-il un problème de conception de ce qu’est une association loi 1901 fonctionnant sur la base d’un travail bénévole). La critique (sévère) espère surtout que le prochain projet d’Ermonia adoptera vraiment les traits chers aux catholiques et à Ermonia (à croire vraisemblablement que les premiers films ne s’inscriraient pas dans la même perspective périlleuse que celle de Remissio) de l’universalité et ne se contentera pas d’une « simple et assez basse œuvre de satisfaction ».

Partager cet article

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services